HIMLUNG HIMAL PROJECT

Au printemps 2017, c’est la cinquième fois que je partirais vers l’Himlung. Et j’y retourne surtout avec grand plaisir.

Cela peut paraître bien étrange pour quelqu’un dont la signature himalayenne est plutôt l’exploration, la découverte de nouveaux itinéraires et un décryptage culturel et géographique.
Retourner plusieurs fois sur le même sommet, dans la même région, est également une forme d’exploration, un questionnement, une recherche de plus de qualité et donc de plus de plaisir.

C’est assurément un processus de recherche.

Il permet de ce concentrer sur un sujet précis durant une expédition limitée dans le temps puis de déplacer son attention vers un autre objet d’étude dans l’expédition suivante.
C’est l’idée d’approfondir un domaine précis et de progresser à petits pas (la notion de Kaizen, en japonais), mais aussi d’écrire sur le sujet pour le partager et le confronter à l’ avis d’autres personnes, bienveillantes et critiques.

Par cette page, il vous est possible de découvrir et de cheminer sur mon parcours, d’en découvrir les détours et les impasses, les progrès et les questionnements, de mieux situer mon propos sur les réalités d’une expédition himalayenne en progression continue.
C’est cette dimension particulière d’un voyage en continu vers le sommet avec les couleurs de la Slow Attitude qui donne tout son sens à mes expéditions et à mon projet de vie en Himalaya.

Sur l'arête Sud-Ouest de l'Himlung Himal. Une progession continue et encordée. Douce bien sûr.
Sur l’arête Sud-Ouest de l’Himlung Himal. Une progession continue et encordée. Douce bien sûr.
  • « L’image à la une » représente le retour du Chong Kumdan II, après un voyage de 15 jours sur les immenses glaciers du Karakoram Indien. Un 7000 vierge en progression continue, l’ archétype d’une itinérances au long cours.
  • Et cette page est dédiée spécialement à Géraldine et Pascal et aux chercheurs du groupe « Management des situations extrêmes et statégie de l’innovation ».

Himlung Himal Project,
quelques points de repère dans ce cheminement.

Attention toutefois à ne pas trop vous y perdre…

Durant la descente, avec Christine et Sonia.
Durant la descente, avec Christine et Sonia.

Himlung Himal 2014, à l’automne :
un changement d’itinéraire.

L’objectif était de découvrir une «nouvelle» voie d’ascension moins dangereuse et moins engagée puis de la promouvoir.
Pour cela, je souhaitais analyser les dangers objectifs, les différents camps d’altitude, la progression et d’en faire un topo, en français puis en Anglais.
Le passage du cyclone Hudhud a sérieusement complexifié notre histoire avec plus d’un mètre cinquante de neige en 37 h, des avalanches et des morts dans la vallée de Phu et au Thorong Pass. Une expérience très étrange et difficile.
Notre improbable réussite a totalement confirmé la pertinence et l’intérêt de ce nouveau itinéraire. La progression continue a joué un rôle majeur dans notre capacité à atteindre le sommet.

L'équipe népalaise au grand complet, pour l'himlung 2015.
L’équipe népalaise au grand complet, pour l’himlung 2015.

Himlung Himal 2015, à l’automne,
la validation de cette voie normale.

Dans une situation post tremblement de terre, cette expédition marque le retour à une situation plus normale au Népal. L’objectif est de participer à la relance de l’économie touristique par notre présence tout en contribuant à une meilleure connaissance de l’Himlung.
Nous nous attacherons à simplifier l’ascension de l’Himlung en expérimentant un usage différent de l’emplacements des camps, en inventant un nouveau camp de base à l’écart du Kari Kobler Base Camp.
Un groupe important (12 personnes) m’oblige à plus de rigueur dans l’organisation et va m’inciter à réduire la taille des groupes pour mes expéditions, en revoyant le modèle économique.
Le jour du sommet, nous sommes passé à deux doigt de la catastrophe avec l’arrivée plus rapide que prévu du mauvais temps.

L’Himlung Himal est maintenant un sommet classique et fréquenté, malgré que ce ne soit pas un sommet «facile».

Les itinéraires réalisés au printemps 2016.
Les itinéraires réalisés au printemps 2016.

Himlung Himal 2016, au printemps.
L’introduction d’une contrainte forte : une ascension sans corde fixe.

Mais aussi une nouvelle saison et un projet double.
Une belle expédition avec deux réussites, deux «premières» en un «faire ensemble» exceptionnel.
Les deux noms choisis pour ces itinéraires expriment notre connivence et le bonheur de réussir… «Dedicated for the Braves» et «Just for Him».

C’était aussi le début d’un projet de transmission de connaissance pour construire l’autonomisation de mon équipe népalaise avec en particulier une augmentation du nombre de «Nepali Leader» dans une stratégie d’encadrement 1/1. Malheureusement, une idée pas vraiment convaincante…
De retour du sommet, nous réaliserons par le haut la traversée Phu Naar avec la mise en ligne d’un topo sur mon site.
La tentative de féminisation de l’équipe népalaise se soldera par un échec.
Et avant d’arriver à Koto, les travaux de construction d’une nouvelle route ne seront pas vraiment réjouissants pour nous et pour les prochaines expés. Voir la présentation de la situation sur le blog

Himlung Himal 2017, au printemps.
La voie normale au printemps, 
avec un travail de consolidation des compétences de l’équipe népalaise. 

Le projet : L’Himlung par l’arête classique, plus «Une expé dans l’expé» particulièrement ambitieuse : traverser un 7000, et «Un trek dans l’expé» avec un nouvel itinéraire pour la marche d’approche pour améliorer l’acclimatation, pour arriver à Phu par le haut et faire un itinéraire en boucle.

Et quatre préoccupations.

  • Modifier la forme globale de mes expéditions.
  • Travailler sur la formation de l’équipe népalaise.
  • Installer la progression encordée au centre de notre pratique.
  • Expérimenter un camp 4 à proximité du sommet.

Himlung 2017, la présentation des projets.

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La progression continue

Stratégie de l’escargot, progression douce, Slow expédition et enfin progression continue ?
Vers une changement de nom.

Dès le début de cette aventure, le choix d’un nom pour identifier clairement cette «nouvelle» progression a été au coeur de nos discussions.

Au printemps 2007, au Shisha, nous avons d’abord utilisé le nom que Jean Pierre Bernard avait choisi :
«la progression par palier».

Mais très rapidement, il nous a semblé nécessaire d’exprimer notre différence, notre spécificité.

L’équipe de Jean-Pierre a progressé à pied en utilisant des mini pulkas pour transporter le matériel et les vivres nécessaire à la durée de son voyage, sans aller-retour entre les camps et avec comme objectif de réaliser le sommet en un minimum de temps. La technique de déplacement se rapprochait beaucoup de celle des expéditions polaires.

De notre côté, nous avons progressé à ski mais en portant nos affaires sur notre dos, de manière continue, sans retour au camp de base, mais avec des aller-retour entre les camps d’altitude. Nous avons calibré la charge transportée à 12/15 kg avec un ou deux trajets de portage intermédiaires pour installer nos camps. Nous avons également essayé de respecter les recommandations du monde médical en limitant la différence d’altitude entre deux camps aux environs de 300/400 m.

Les deux équipes n’avaient pas de porteurs d’altitude, ce qui est remarquable pour une pratique encadrée sur un 8000.

Nous avons donc nommée notre stratégie de progression, la progression douce.

Il s’agissait d’exprimer un choix de vie et de déplacement très particulier en Himalaya. Une immersion dans le milieu hypoxique au lieu d’une incursion en haute altitude.
La progression douce a marqué une véritable rupture par rapport à la logique des ascensions en cours à cette période des années 90, caractérisée par un effort et une souffrance entretenus, valorisés et revendiqués qui imprégnait tous les récits et reportages sur l’Himalaya.
Cette forme de pratique est encore largement majoritaire aujourd’hui !

Mais avec ce nom de progression douce, nous nous sommes heurtés rapidement à la difficulté de le traduire en Anglais pour témoigner de notre expérience dans la communauté internationale des alpinistes.

Puis j’ai continué mon expérimentation, et la progression douce c’est imposée dans ma pratique.
Par exemple, au Langtang ou en Inde au CK2.

Au printemps 2008, l’expédition à la Putha Hiunchuli a été le support d’un film sur la progression douce tourné par François Damilano. Ce fut une très belle expédition marqué par une réussite rare, «tous ensemble au sommet !».
Le nom que François à choisi, exprimait la notion de l’autonomie, de transporter notre maison sur le dos. C’était aussi une forme de boutade qui a durablement marqué les esprits mais aussi provoqué des rejets, de la dérision et du dénigrement, aggravé par le caractère résolument hors du champ sportif de l’exploit qui caractérisait les himalayistes d’alors (mais encore d’aujourd’hui).

La progression douce est devenu « la stratégie de l’escargot ».

Plus tard, la lecture de l’ouvrage, L’éloge de la lenteur, sur le mouvement mondial de la Slow Attitude m’a permit de mettre d’autres mots sur notre pratique et de la rapprocher d’une philosophie plus globale.
Notre sympathique gastéropode himalayen a ainsi quitté le monde de l’exploit sportif pour rejoindre celui de la psychologie et du développement personnel.
Quel bond en avant !

La stratégie de l’escargot c’est transformée en Slow Expedition.

Avec un retour à l’utilisation du nom «progression douce», pour lui donner plus de sens.
Une réflexion sur la non catégorisation m’a permit également de relativiser toute ces dénominations.
«La progression douce n’est PAS la progression douce et c’est pourquoi je l’appelle la progression douce»… Vite un peu d’aspirine !
En 2015 et 2016, lors des expéditions à l’Himlung Himal, nous avons côtoyé d’autres expéditions au camp de base et durant l’ascension. Notre progression inhabituelle a provoqué des échanges entre les équipes népalaises qui ont parlé alors de «Paulo Style».
Comme ce n’est absolument pas ce que je souhaite, il me semble aujourd’hui nécessaire et indispensable de changer encore de nom.

La Slow Expédition devient maintenant la progression continue.

Pour pouvoir aussi se traduire facilement en «Continu Style» en Anglais Nepali.
Pour les Népalais, c’est bien le caractère continu qui est directement visible et qui marque la différence, qui fait sens . Et tant pis, si au passage, la notion philosophique de Slow Attitude est écartée, n’est pas exprimée. Elle a de toute manière peu d’échos dans l’univers, le questionnement ou les représentations des népalais ou dans les valeurs véhiculées par les autres expéditions de toutes nationalités.

Il suffira simplement d’ajouter une dénomination complémentaire pour qualifier la manière de faire ou pour se revendiquer de tel ou tel mouvement, Speed ou Slow.

Ce changement de nom est aussi une volonté de simplification de la dénomination, de la définition des techniques de progression en Himalaya avec d’un côté, la progression «en dent de scie» ou technique himalayenne, et de l’autre la progression continue ou technique alpine.
L’objectif est également de pouvoir qualifier et parler clairement des différents niveaux de pratique : haut niveau ou alpinisme ordinaire, professionnel ou amateur, et de facilité un rapprochement.

Aujourd’hui, notre progression durant les expéditions que j’organise se revendique d’abord de la technique alpine en valorisant à la fois une progression continue et une progression encordée.
Puis, la notion de progression douce, de Slow Expédition est un concept qui complète cette qualification.

Au plaisir de poursuivre cette conversation avec vous.
Et bien sûr, votre avis, vos commentaires sont les bienvenues.

Un clin d'oeil, d'Etienne Principaud.
Un clin d’oeil, d’Etienne Principaud.

Paulo
Le 20 Juin, sur une terrasse du Sud à Hyères.

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