expéditions himalayennes 2022

Himlung Summit 2015…

 

« Le vent se lève
Il faut tenter de vivre… »
Paul Valery


Definitively, this was not a summit day !!!

D’emblée, en sortant de ma tente à 3h du matin, dans le clair obscur d’une lune encore pleine, je sais que la journée va être compliquée.
Des cirrus ont déjà envahis le ciel. L’Annapurna I et le Dhaulagiri sont encapuchonnés de nuages. Mais surtout le vent est déjà bien présent.
Comment sera notre parcours sur l’arête et en plein vent, car les prévisions météo annonçaient 40 km/h de vent au SW, pile dans l’axe de l’ascension. Charlie, mon compagnon de cordée est déjà prêt !

Jusqu’où pourrons-nous aller, sans prendre trop de risque ?

Et pour mieux comprendre notre histoire, voici le topo de l’Himlung, réactualisé à notre retour.
N’hésitez pas à poster des commentaires.

Le camp 3
Le camp 3

Camp 3 de l’Himlung à environ 6300 m.

Nous voici tous rassemblés à ce dernier camp. Tous plutôt en forme et très motivés pour l’ascension du lendemain.
Mais, pas de chance…  Ou plutôt, impossible de mieux nous synchroniser avec la météo actuelle, avec 40 km/h de vent et l’arrivée dès la mi-journée d’une dépression neigeuse.
Notre créneau sera donc très court. Presque impossible à concrétiser pour une équipe d’alpinistes amateurs.

Pour réussir, il faudrait que tous le monde puissent supporter un départ matinal très rude avec des rafales qui accentuent encore la sensation de froid et surtout une grande forme physique pour être au sommet avant midi et de retour au camp vers 14/15 h.

Pourtant c’est le seul créneau, la seule possibilité de sommet. Ensuite, il devrait neiger durant la nuit et un peu le lendemain. Puis, le vent interdira tout accès au sommet pour quelques jours.
Dans ces conditions, atteindre le sommet pour nous n’est pas chose facile. Bien au contraire.
Chacun fait ce qu’il peut et nos petites cordées Franco-Népalaises (One/One) sont une très bonne initiative.

En ce 29 Octobre, jour du sommet, plus le temps passe, plus le mauvais temps s’installe. Au fil des heures la prise de risque se fait de plus en plus tangible pour ceux qui sont encore sur la montagne. La descente depuis le sommet et le retour de la dernière cordée sera une véritable épreuve, très angoissante pour l’ensemble du groupe rassemblé au Camp 3.
Au final, heureusement tout se terminera bien. Malgré tout, quelques cordées réussisent le sommet ou leur objectif et surtout il n’y a aucun pépin, aucun dommage corporel !

Chacun a été au plus haut qu’il a pu, au plus haut qu’il a voulu. Et les cordées se sont bien-sûr réorganisées au mieux.

  • Isabelle concrétise son rêve et avec Karma sont les premier au sommet vers 10h15.
  • Fabrice, initialement encordé avec Isa a eu froid au pied. Dommage car il était déjà très haut. Il redescendra avec Dorje, laissant Karma poursuivre avec Isa.
  • Manu est encordé avec Deepen, il montera le plus haut possible, vraiment pas très loin du sommet (-de 100 m).
  • Alex, initialement avec Duche, continuera jusqu’au sommet avec Rajan. Duche atteindra l’épaule et redescendra tranquillement avec Manu.
  • François des Iles avec Jangbu redescendront un peu tard, mais le sommet en poche.
  • François et Dhan ont également atteint le sommet, pour la deuxième fois pour Dhan Magar.
  • Luc avec Bikram atteindra l’altitude de 7000 m… Le mauvais temps arrive et l’ objectif de Luc est atteint !
  • Abdelak, pas très en forme le matin, partira du camp avec Rajan puis fera rapidement demi tour.
  • Véro, encordée avec Denis aura des problèmes de vision après la première pente raide.
  • Et avec Charlie, après les pentes raides du départ, nous traverserons le col pour remonter assez haut la grande pente.
    Nous nous arrêterons vers 6800 m juste avant que le soleil ne nous réchauffe enfin. Les conditions: vent + froid + longueur de l’effort sont trop difficiles pour nous. Et nous rentrons tranquillement au camp.

Cette notion subtile de réussite,
la satisfaction profonde d’avoir réalisée quelques chose
appartient à chacun d’entre nous.

Pour ma part, je suis avant tout soulagé.
Et heureux d’avoir réussi à faciliter des histoires singulières et très différenciées pour chacun, et que chacun ai été au bout de son chemin, de sa propre expérience.
Même si c’est un exercice difficile… Pour tous.

  • Et bien sûr, je suis un peu déçu.
    Atteindre un sommet et toujours une belle aventure partagée. Et, cette année avec Charlie, nous n’avons pas été au sommet, ni lui, ni moi.
  • Déçu à cause de cette difficulté qui c’est invitée au moment de plus crucial.
  • Déçu aussi de n’avoir pas réussi à accompagner certaine personne vers un changement de comportement indispensable en altitude pour approcher d’une réussite ou d’une satisfaction à réaliser quelque chose. C’est comme ça…
  • Mais extrêmement satisfait et même comblé par les compétences acquises et le comportement de toute l’équipe népalaise. Et par la qualité relationnelle et les émotions exprimés durant cette aventure en Hauts lieux.

Merci à tous !
Ce fut une très belle expédition, un beau moment partagé.


Isa au Camp 3...
Isa au Camp 3…

L’Himlung d’Isabelle…

J’avais demandé à chacun de m’envoyer 5 photos pour illustrer 5 moments forts, les plus marquants de cette expédition. Avec si possible légendes ou commentaires.
L’exercice est infiniment difficile mais c’est aussi un beau moment de partage.
Merci Isa…

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L’arrivée au camp 3.
« Je suis encordée avec Fabrice et j’ai fait la trace dans la toute dernière pente. Chaque arrivée à un nouveau camp est un moment fort, les panoramas sont de plus en plus exceptionnels, l’Himlung de plus en plus proche, et c’est là que nous allons installer le dernier camp avant l’ascension. »


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 Jangbu et Paulo partant en reconnaissance.
« La veille de l’ascension je vous regarde vous éloigner pour faire la trace sur le début de l’itinéraire. Toute cette journée, veille de l’ascension, restera un excellent souvenir : les « révisions » (encordement, anneaux de buste) ; l’apprentissage pour moi du maniement de la poignée Jumar (merci Duche !) même si elle est sensée rester au fond du sac (si je ne sais pas l’utiliser à quoi bon l’avoir dans le sac !!) ; puis à ton retour le choix des cordées ; l’exercice pratique d’encordement, chacun avec son compagnon de cordée du lendemain ; notre discussion en fin de journée sur mon habillement pour l’ascension (pantalon en duvet ou pas ?)…
Journée 100% consacrée à la préparation de l’ascension, avec beaucoup d’excitation mais aussi de sérénité pour ma part car je me sens bien et je n’ai finalement ni inquiétude ni angoisse. »


 

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 Karma au sommet.
« Le souvenir le plus fort restera plus précisément Karma qui crie de joie et lève les bras au ciel en mettant le pied sur le sommet mais je n’ai pas immortalisé ce moment. Parait-il que d’autres cordées qui étaient plus bas l’ont entendu sans savoir si c’était moi ou lui qui criait. Je crois qu’il était aussi heureux que moi d’arriver au sommet, ce qui rend ce moment d’autant plus émouvant.
J’ai compris toute l’importance que représentait cette ascension pour lui (et la preuve photo) à mon retour quand on en a discuté ensemble dans ta tente. J’ai ainsi compris pourquoi il était aussi décomposé quand il a vu que la batterie de son iphone était morte ! »


 

isa_5La redescente au KKBC.
« Difficile de choisir une photo pour illustrer au mieux cette journée, le plus marquant (et le plus difficile pour moi, bien plus que le sommet) étant la traversée de nuit du glacier noir, avec la neige qui recouvrait les blocs et rendait le terrain délicat, le poids du sac qui me déséquilibrait, 2 frontales pour 3 (Manu n’ayant pas son sac et donc pas sa frontale)… mais personne n’a pris de photo de cette traversée !

J’ai donc choisi une photo de la sortie du glacier sur laquelle on voit Karma très chargé. Tu nous as ensuite dit que certains d’entre nous avaient sans doute trop porté, générant peut-être ainsi une prise de risque. J’ai personnellement essayé d’être le plus autonome possible dans mon portage, même si évidemment je ne l’ai pas été, afin de ne pas trop solliciter les porteurs qui avaient déjà fort à faire. Mais où se trouve ma limite sur le portage ? pas facile avec mon manque d’expérience d’estimer convenablement ce que je suis capable de porter. Je n’ai pas été à l’aise dans la traversée du glacier noir à cause du poids du sac mais heureusement tout s’est bien passé ; Manu et Alex m’ont bien aidé : Manu m’a parfois donné la main dans certains passages, puis quand la nuit est tombée Alex s’est souvent retourné pour m’éclairer car j’avais prêté ma frontale à Manu qui était derrière moi. Et quelle joie d’arriver dans la tente mess avec bière, coca, soupe et popcorn qui nous attendaient ! J’aurai d’ailleurs pu choisir une photo prise à notre arrivée : Manu et Alex devant cette table si accueillante grâce aux attentions de Bishal et Bahadur ! »


isa_3

Notre discussion au KKBC
« …, où j’étais particulièrement émue. Je ne savais pas que Charlie, Fabrice et Denis nous avaient pris en photo à ce moment-là ! On parle du sommet, de ce que je ressens suite à cette ascension, et tu me dis que j’ai des capacités d’acclimatation, une bonne condition physique, qui me permettent d’envisager de futures expéditions. Tu me conseilles également de ne pas négliger la pratique de la montagne dans les Alpes. Je suis d’autant plus émue et déconcertée que je ne m’attendais pas à être aussi bien en altitude, sans signe de MAM, sans avoir froid, sans être angoissée. L’ascension s’est étonnement bien passée pour moi, sans difficulté, sans fatigue excessive. Au moment où est prise cette photo, je suis heureuse de l’ascension effectuée mais je suis aussi toute bouleversée de réaliser que je ne suis pas allée au bout de mon potentiel et je prends alors conscience que je peux tenter d’autres expéditions, peut-être sur des sommets plus difficiles ou plus hauts, ce que je n’avais pas du tout envisagé avant l’Himlung. »


« Parmi d’autres moments forts, je n’oublierai jamais l’attente interminable de François des Iles, la tension qui a régné sur le camp et le soulagement lorsque tu as crié « alléluia » en arrivant.
Je garde aussi un souvenir fort de Phu, en particulier le moment passé chez la maman de Sonam quand je lui ai apporté les photos d’il y a 2 ans ;
et la journée passée à Naar (le repas sur le toit d’une maison, toutes les scènes de vie qui se passaient sur les toits autour de nous…). »

Au sommet !
Au sommet !
Isabelle et Manu au camp 3.
Isabelle et Manu au camp 3.
Manu et Alex, un peu destroy, de retour au camp de base !
Manu et Alex, un peu destroy, de retour au camp de base !

L’Himlung de Charlie

Ma petite vieille à Phu qui m'a tenu un long discours
Ma petite vieille à Phu qui m’a tenu un long discours
Premier contact avec l’Himlung
Premier contact avec l’Himlung
Le camp 3, un moment fort
Le camp 3, un moment fort
Fin d’un rêve de conquête
Fin d’un rêve de conquête
L'équipe qui nous a permis de concrétiser notre rêve
L’équipe qui nous a permis de concrétiser notre rêve

L’Himlung de François « des Isles »

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« La transition entre le trek et l’alpinisme est soudaine. L’endroit n’offre pas de difficulté particulière mais il est impressionnant et surtout magnifique. On se déguise en hauts-montagnards dans un vestiaire à ciel ouvert, en laissant nos baskets derrière un bout de rocher.  La progression se poursuit dès-lors en cordées autonomes. Quel bonheur ! »

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« Rest day au camp 3. La photo est trompeuse. Je ne me suis pas assez reposé et surtout, je n’ai pas assez bu. Je suis persuadé que l’hydratation est une des clefs de la réussite. Tous les ingrédients sont réunis pour ne pas s’hydrater suffisamment : la soif ne se fait pas sentir, fabriquer de l’eau est fastidieux, la porter l’est tout autant. Probablement une des causes de ma nuit difficile au retour du sommet, en témoigne ma maigre diurèse. Je le savais pourtant… Carton jaune ! »

Francois_3

« Toujours la veille du sommet, François 1er en proie au doute. Rien de grave au vu des symptômes dont il me fait part mais comme on peut voir, le psychologique n’est pas brillant. Il fera tranquillement son sommet le lendemain. Accepter les oscillations de forme et l’apparition de certains symptômes tout en repérant les situations à risque. Pas toujours simple.
Bravo François Ier ! »

Francois_4

« Et voici Super Isa lors de sa consécration au sommet. Impressionnante depuis les premiers pas à Koto. La seule à ne pas respecter clairement les consignes du bon usage du frein à main. Malgré cela, en très bonne répondeuse à l’altitude, elle survole cette expédition en jouant à armes égales avec les népalais. On a la conviction qu’elle est taillée pour aller plus haut. Si le ski nautique vous branche, encordez-vous avec elle ! »

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« Quelques heures plus tard. Le sommet a changé d’aspect. Dès le début de la descente, j’éprouve le besoin de refaire une pause et comprends qu’on ne sera pas à l’heure pour l’apéro. Mais tout cela ne m’inquiète pas particulièrement. J’avertis Paulo par radio. »

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« Le grand debriefing au camp de base. Très curieux, ce tour de table où les yeux rougissent derrière les lunettes de soleil. Les émotions ont manifestement été fortes. A tour de rôle, chacun revient sur ses attentes, ses objectifs, son ressenti sur l’expédition et trouve un début d’explication à ses limites. La tente messe retrouvée, la vie en communauté reprend. D’autres moments intenses vont nous réunir lors de séances interminables de photos et de congratulations réciproques. On a du mal à le quitter, ce camp de base, désormais sur l’autre rive de la moraine, mais toujours du « bon » côté. Bien joué, Paulo ! Les Népalais s’activent dans la bonne humeur pour démonter et ranger. Le beau temps est revenu. La montagne, couverte de neige fraîche, est splendide.
Sur le chemin de Phu, on se retournera souvent pour contempler encore et encore ce site magnifique et notre petite pyramide de neige, tout là-bas… »

« J’aurais bien transgressé un peu plus en ajoutant une photo de l’équipe népalaise.
Ces gens sont extraordinaires. J’ai pris un vif plaisir à partager quelques moments avec Bikram, Bishal et Jangbu, pendant mes derniers jours à Kathmandu.
Je souhaite pour eux que la situation s’arrange rapidement dans leur pays. »


Et un texte de François sur son Summit Day…

Le réveil sonne à 2h pour un départ à 3h. La nuit n’a pas été bonne.

C’est pourtant la deuxième à ce camp 3, la première ayant été excellente. Tout est possible à 6300m mais je ne peux chasser l’idée que je ne me suis pas suffisamment occupé de ma petite personne pendant ce « rest day », ma bonne forme me dictant de faire un peu le tour des tentes, ma trousse magique à la main. Tout le monde se portait plutôt bien mais certains étaient moins pressentis que d’autres pour l’objectif du sommet. Si je pouvais alors modestement contribuer à optimiser leurs chances, c’était bien volontiers. S’occuper de soi peut vouloir dire rester allongé, détendu, bien s’hydrater, etc.

Revenons à la sonnerie du réveil qui donne le start d’une journée qui s’annonce plus difficile que prévu. La météo n’est pas de la partie et risque incontestablement de nous compliquer la tâche voire la rendre impossible pour tout ou partie d’entre-nous. Je ne suis clairement pas dans un bon jour. Mais bon, step by step, on s’élève doucement, Jangbu et moi.. Les autres cordées connaissent des fortunes diverses. Je suis tout surpris de croiser Fabrice qui redescend, en peine avec ses orteils. Zut ! Peut-être que s’il avait insisté un peu, le soleil chassant progressivement le froid glacial, ça aurait pu passer. Bien plus tard, j’aperçois Isa dont les dernières foulées qui la mènent au sommet donnent l’impression qu’elle est au niveau de la mer. Elle m’aura impressionné sur toute la durée de l’expé et fera partie des rares personnes à n’avoir connu aucun coup de moins bien. Je me trouve, quant-à moi, particulièrement essoufflé. Jangbu se retournera à plusieurs reprises pour s’entendre confirmer que je suis toujours partant pour aller au bout. Les messages de Paulo se succèdent à la radio et appellent à la prudence, la météo se dégradant progressivement. Les premiers déferlements nuageux nous arrivent du sud, par salves, entre lesquelles le ciel reste dégagé. On continue. Au pied de la dernière grimpette, on croise les cordées de François Ier et d’Alex. Bravo Messieurs ! Le sommet est à portée de main mais il faut encore batailler plus d’une heure. On y est enfin. C’est le soulagement qui domine et non l’euphorie tant l’endroit, pris dans les nuages, est devenu austère. On n’y voit pas grand chose. Tiens, mon appareil photo, coincé dans ma doudoune, s’est fait la malle, sans doute dans le raidillon final. Jangbu sort le sien et fait quelques clichés de circonstance. Il devait être environ 14h. De fait, à aucun moment, je n’ai regardé ma montre et me suis interrogé sur le timing à respecter pour un retour avant la nuit. Comment est-ce possible ?

Un mélange de chance, de volonté et de bêtise (dont les proportions respectives restent à préciser) m’aura fait atteindre le sommet. Le retour se transforme progressivement en course contre la montre afin de rejoindre le col avant la nuit et d’ y trouver des cordes fixes. Paulo a prévu une variante, plus secure, sur la dernière partie de la descente. Une course contre la montre ? oui, mais au ralenti car la fatigue gagne. Néanmoins, à aucun moment, je suis inquiet. La topographie des lieux est simple. Il neige un peu mais nos traces de montée restent bien visibles. Finalement, ce qui me contrarie le plus dans cette descente, c’est de provoquer une inquiétude au camp 3. Le contact radio reste établi avec Paulo. Quelle bonne idée, cette radio ! D’ailleurs, pourquoi ne pas en équiper toutes les cordées dans une configuration comme celle-ci où chaque binôme évolue pour son propre compte ? Jangbu, qui commence à fatiguer, lui aussi, me suggère de demander à Paulo s’il est possible qu’ une cordée vienne à notre rencontre. Je ne suis pas chaud à l’idée de faire ressortir des personnes dans la nuit et le mauvais temps, puis accepte finalement. Si j’ai bien compris, Paulo, Bikram et Dorge s’étaient déjà mis en route avant notre appel. Le col est atteint. On se vache sur les cordes fixes que l’on trouve juste avant d’allumer nos frontales. Il était temps. Il neige de plus en plus. Paulo nous attend en bas des cordes. Son soulagement est perceptible. Je culpabilise de cette situation. La distance que l’on parcourt ensuite me parait interminable. Sans radio et donc peut-être sans cette cordée venue à notre rencontre, je n’ai pas la moindre idée si on aurait retrouvé le camp. Jangbu connaissait-il l’itinéraire ?

Sous bonne escorte et peu fier de tout ça, je suis enfin de retour au camp 3. Il doit être un peu plus de 20 heures. Cela fait 3 heures qu’il fait nuit. Des cris de soulagement s’échappent des différentes tentes. Je m’en veux terriblement et rejoins Jangbu dans notre tente. Merci Paulo et très sincèrement désolé.

C’était une journée où le sommet était faisable à la seule condition d’être rapide. Tous les voyants se mettaient progressivement au rouge au fur et à mesure que le temps s’écoulait. Tout cela, il me semble que je l’ai identifié mais je suis resté curieusement incapable de prendre une décision pourtant évidente, faisant au passage prendre des risques à d’autres personnes.

Voilà, le sommet, pourtant atteint, restera un flop personnel.

Si l’inquiétude ne m’a jamais réellement gagné pendant ces longues heures d’effort, il en est tout autrement de la nuit qui a suivi.

Il est 21 heures, je me glisse dans mon sac de couchage. Il est évident que je ne respire pas normalement. L’hyperventilation ne se calme pas. Jusqu’ici épargné, je me mets à tousser. Début d’œdème pulmonaire ? c’est le plus probable. Je sors la pharmacie, prends les corticoides, l’Adalate et le Diamox. Si ça tourne mal, il ne me manque juste que le plus important : le caisson, resté au camp 2. Quant-à la possibilité de descendre, en pleine nuit, par le temps qui fait, et vu mon état de fatigue, pas la peine d’y penser. J’hésite à réveiller Jangbu et reste demi-assis toute la nuit, à moitié rassuré. Vers 6 heures du matin, les choses rentrent dans l’ordre et je m’endort soulagé pour 2 petites heures avant d’attaquer une autre journée difficile, la descente au camp de base, chargé comme une mule. Dehors, il neige toujours.


Les photos d’Alex…

 

 

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 01 – « Breathtaking »

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 02 – Moment de sérénité aux champs de Phu

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03 – Premier contact

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04 – Bienvenu dans le monde extraordinaire de l’altitude

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05 – Dernier regard

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En Bonus, je n’ai pas pu ne pas la mettre… !
06 – Naar, un village hors du temps


 

Et bientôt peut-être d’autres impressions de voyage… ?

Le Manu, peut être sans mal de tête ?
Le Manu, peut être sans mal de tête ? Et un petit Selfie pour les Luxembourgeois !
Fabrice au Camp 3, pour un petit casse-croute.
Fabrice au Camp 3, pour un petit casse-croute.
Véro, rayonnante à son arrivée au camp 3.
Véro, rayonnante à son arrivée au camp 3.

L’Himlung de François 1er

François et son compagnon de cordée, Dhan Magar.
François et son compagnon de cordée, Dhan Magar.

« C’est très difficile comme exercice, non seulement les photos ne valent pas une sensation mais aussi certaines sensation ne correspondent à aucune photo 🙂 »

 

1) Dane bien entendu! Nous sommes allés au sommet ensemble et autant lui en fera d’autre avec d’autres clients mais moi, je n’en ferai qu’un et cela a été avec lui.

2) François des îles, épuisé lors de la descente au camp de base. Mais je retiens de cette journée l’arrivée sous la tente avec les bières et les sodas alignés sur la table de la tente mess, comme quoi, le bonheur se niche sans doute plus dans un bon et simple moment que dans des grands principes ésotériques.

3) Quand j’ai regardé la première fois cette photo chez moi, je l’ai tout de suite aimé, je ne sais pas trop pourquoi… Elle est pourtant toute simple.

4) L’aube du jour de l’ascention. Quelle lumière ce matin là! Et quelle rude journée aussi…

5) Une scène banale et quotidienne à Bakthapur, j’adore ça les scènes de vie quotidienne, au Viêtnam, au Cambodge, en Chine, en Corse… j’adore voir ça.

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Les impressions de Duche, sur sa journée vers le sommet…

« Je ne me souviens pas de l’heure qu’il était.

Pourtant je me souviens avoir regardé ma montre. Et surtout mon alti, qui indiquait 7112 m. Il exagérait, cet alti, celui de Manu indiquait 7086m, et il exagérait aussi, on devait être à environ 7050 m. Normal, la mauvais temps arrivait, les altimètres montaient tout seul. Les veinards!

Je ne me souviens pas de l’heure qu’il était, mais je me souviens d’avoir eu conscience de l’importance du moment.
Le moment du renoncement.

Jusque là, tout s’était passé plutôt tranquillement.

20 jours plus tôt on avait décollé de Paris. Avion, hotel, bus, lodge, jeep. Le bonheur de retrouver la marche et le camping dans ces vallées népalaises que j’aime tant. Puis le camp de base, les portages, les premiers doutes, la seule journée difficile entre camp de base et camp 1. Le bonheur de l’arrivée sur le glacier. Les camps 2 et 3, tellement isolés, tellement hauts, tellement beaux. Je trouvais la vie en altitude étonnamment facile. Et pourtant. Pourtant, les migraines qui me suivaient depuis le camp de base résistaient de mieux en mieux à l’aspirine. Paulo m’a conseillé de passer au Diamox en prévention. Premier renoncement, car j’avais décidé, bien avant, que moi, je ne tricherais pas avec cette chimie. Petit vaniteux, va.

La journée de repos au camp 3, en attendant que le vent se calme et nous permette enfin ce ‘summit day’, fut un délice. Les nuits étaient bonnes. J’étais confiant. Les conditions de neige étaient parfaites, le vent allait enfin se calmer, l’entente avec Alex, mon compagnon de cordée, était parfaite aussi. Je ne voyais pas très bien ce qui pourrait nous empêcher de fouler ce sommet le lendemain.

Summit day.

J’ai toujours été surpris de voir comme il est facile de se lever à 2h quand l’objectif est là. Mise en route. Le terrain demande de l’attention, surtout pas un pas de travers car la punition est terrible et se compte en minutes d’essoufflement. Mais on commence à avoir l’habitude de frôler cette zone difficile.

Après le col, la pente se redresse et je sais que tout va se jouer là: il doit bien y avoir 500m de pente soutenue à 30-35°, avant l’épaule et l’arête finale. Vers les 2/3 de la pente, doucement, sûrement, le doute s’installe. Tiens? C’est dur, quand même.
Houlà, c’est vraiment dur.
Qu’est-ce que je fais là, moi?
Est-ce que faire ce sommet est vraiment si important pour moi?
De moins en moins, reconnaissons-le. Oui mais. Je ne suis pas tout seul. Je suis encordé avec Alex. Il a l’air, lui, en forme. Je ne vais quand même pas lui faire louper ce sommet juste parce que je suis un peu fatigué? On peut aller loin au mental. Mettons-nous donc en mode mental et continuons. Mais espérons un miracle, parce que là, quand même, c’est un peu dur. On dépasse Manu et Deepen, Manu me semble au moins en aussi grande difficulté que moi, mais ça ne me console pas.

La pente se couche. C’est l’épaule. Invitation évidente à l’arrêt. François 1er s’apprête à repartir avec Dhan pour le sommet. On a déjà croisé Isabelle et Kharma qui en redescendaient.

Et le miracle est là : il s’appelle Razan Bothe.
Razan, qui avait rapidement ramené Abdelak au camp après son abandon, était ensuite monté seul vers le sommet, il nous avait dépassé mais je ne l’avais pas reconnu. Et là, à 7050m, assis dans la neige, il attendait.

A cet instant, pour moi c’est certain: il attendait que notre cordée arrive pour que Alex puisse continuer avec lui et que je puisse arrêter le suplice.

Je le dis tout de suite à Alex, qui est d’accord. Il sent depuis un moment que je flanche. En plus il trouve que par moments je commence à divaguer!?! Je n’ai aucune difficulté de trouver des raisons supplémentaires de redescendre. Premièrement la météo. On voit bien depuis ce matin que le mauvais temps arrive plus tôt que prévu. Je me souviens d’avoir pensé, en montant, que si j’avais été seul et chef de course, j’aurais ordonné le demi-tour. Mais l’effet de groupe a joué, et j’ai continué comme tous les autres. Maintenant, plus d’effet de groupe, il me semble que la météo m’impose de redescendre. Autre chose qui m’inquiète, une douleur dans le bas du poumon droit, qui a commencé comme un point de côté, puis s’est étendue. Et je tousse beaucoup. Un oedème? Plus tard on me dira que ce n’en sont pas les symptômes. Je ne saurai jamais ce que c’était, mais sur le moment c’était inquiétant.

Bref je suis bien décidé à redescendre. Alex ne veut pas que je redescende seul, et je sais bien qu’il a raison. Manu vient d’arriver, mais veut continuer vers le sommet. Je ne me sens pas capable d’attendre ici, seul, le retour d’Alex et Razan, il fait trop froid. Le moment est crucial, intense. Chacun se débat avec ses envies, son envie d’aider, ses limites, ses principes, son sens du devoir. Alex est prêt à renoncer au sommet, mais je ne le veux pas. Finalement, Manu tranche. Il redescend. Je pense vraiment que c’est mieux pour lui, car il ne vaut pas mieux que moi. Mais je lui suis très reconnaissant, car je pense aussi qu’il n’a pas pris cette décision que pour lui.

La descente sera très longue. Avec Manu et Deepen, on arrivera au camp 3 juste avec l’obscurité. La décision de redescendre était la bonne, mais elle était déjà bien tardive.
Je sens Paulo soulagé à notre arrivée, et je sens qu’il a été inquiet, je ne comprendrai pourquoi que beaucoup plus tard.

Il m’arrive parfois de me revoir assis sur cette épaule, et de revoir ce sommet si proche (il y en aurait eu pour 10 minutes dans les Alpes), et pourtant si loin. Un petit regret, qui s’en va vite.

Je ne me souviens pas de l’heure qu’il était, mais à ce moment-là j’ai sans doute trouvé ce que j’étais venu chercher. « 

Merci à tous.


 

Au fil des jours.

Damned... Une vision très dérangeante du dôme du Grand Stupa.
Damned… Une vision très dérangeante du dôme du Grand Stupa.

Lundi 12 Octobre. Un peu d’écriture en solitaire dans le jardin de Taragaon.

Doucement, événement après événement, le puzzle de notre expédition à l’Himlung se met en place.
Chaque étape constitue une étape de plus vers le sommet et aujourd’hui nous venons de terminer le regroupement de l’ensemble du groupe à Kathmandu avec tous les bagages. Il s’agit d’optimiser les différents sacs d’expé, entre trek et alpinisme.
Pour le groupe, il s’agit surtout de prendre pied, de s’ancrer au Népal, de se reposer, pour créer un véritable sas entre la vie que l’on vient de quitter, ce quotidien de mille choses imbriquées et cette nouvelle expérience d’une vie centrée sur un objectif précis…, avec une seule chose à faire. Se détendre et accueillir avec bienveillance tout ce qu’il advient, se concentrer pour bien faire les choses et se tenir en joie.

Demain nous partons à 6 h du matin. Tout est prêt pour nous, dans un Népal qui subit depuis 15 jours le pire blocus de la part de l’Inde que j’ai connu.
A l’arrière d’un bus, une inscription commente cette difficulté à vivre qui s’installe.

«No India…», d’une éloquence extrême.

J’espère du fond du coeur que dans un mois tout sera de nouveau normal pour l’ensemble de la population népalaise.
Sans restriction, ni ingérence de l’Inde dans la vie népalaise.


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RDV Acclim…

En cours route, lors d’une halte dans un lodge, voici l’un de mes RDV au sujet de l’acclimatation… Que cette année, j’ai pris soin de consigner dans mon carnet de voyage.

«Gravir un 7000, c’est avant tout se coltiner la problématique de vivre et de faire des efforts dans un environnement hypoxique. Ce qui est totalement aberrant. Mais c’est avant tout notre choix.
Gravir un 7000, c’est apprendre un nouvel art de vivre centré sur «le moins» et «le mieux», sur une hyper attention à soi pour ne pas apporter des contraintes supplémentaires à notre corps. 
C’est apprendre à mieux se connaitre et à mieux connaitre l’activité que nous effectuons en altitude
Gravir un 7000, c’est vivre une expérience extra-ordinaire. c’est vivre une expérience unique.

Il s’agit d’en faire moins et avant tout de savoir comment en faire moins, de le faire avec joie et parfois ne rien faire du tout.
Pour cela, un détour préalable par la marche consciente me semble indispensable, avec des questions toutes simples.

Que signifie marcher, et surtout marcher en conscience ?

Pour l’alpinisme en partance vers un grand sommet, la réflexion sur la marche conscience est un outil pour mieux marcher, pour ressentir une qualité de réalisation et d’y éprouver du plaisir en se concentrant sur sa marche. Chemin faisant, c’est aussi une forme de méditation nous invitant à plus d’intériorité, à plus d’attention à ce qui nous entoure.
Pour cela, il s’agit avant tout d apprendre à ralentir. De profiter de cette lenteur pour mieux faire les choses et doucement se préparer à mieux vivre notre séjour en altitude, dans tous ses instants. »

Tout un programme, souvent à l’opposé de nos envies ou de nos habitudes…

Phu... Toujours un lieu extraordinaire. Avec le Nemju en arrière plan.
Phu… Toujours un lieu extraordinaire. Avec le Nemju en arrière plan.

Et un peu de bondieuseries pour rester dans l'ambiance.
Et un peu de bondieuseries pour rester dans l’ambiance.

Puis une autre réflexion…

Une expédition vers un grand sommet est un long voyage qui se fait pas à pas.
Nul besoin de rouler les mécaniques, pas question d’arriver vite.
Il faut prendre son temps, être au bon endroit au bon moment. Le chemin doit s’accueillir comme il vient, dans l’instant.

Avec cette formule qui va nous accompagner tout au long du chemin.

… accueillir avec bienveillance ce qui est, ce qui vient… (et surtout agir en conséquence.)


Un jour, Vivre le levée du soleil depuis les sommets, là-bas tout au fond.
Un jour, Vivre le levée du soleil depuis les sommets, là-bas tout au fond.
Une ambiance automnale sublime. Il fait doux et tout va bien...
Une ambiance automnale sublime. Il fait doux et tout va bien…
En partance vers le camp de base...
En partance vers le camp de base…

Et nous voici à Phu…

Quelle différence d’expérience avec l’automne passée et cet épisode dramatique du cyclone Hundhund.
Chaque journée est plus belle que la précédente.
Le temps est au beau fixe et les paysages sont splendides. Notre progression est bien calibrée et la journée de repos à Phu nous apporte le plaisir de profiter pleinement de ce lieu exceptionnel.

Cette année, nous avons installé notre camp un peu à l’écart du village, juste en face. Pour ne pas trop perturber la vie locale, mais avec quand même du temps passé dans les maisons de Sonam ou Karma à discuter de la vie qui passe et à boire du thé, car en cette fin d’automne tous les travaux des champs sont maintenant terminés.

A Kyang... l'équipe s'organise pour un trek jusqu'au camp de base.
A Kyang… l’équipe s’organise pour un trek jusqu’au camp de base.

A quoi penses-tu, Manu ?
A quoi penses-tu, Manu ?
Le camp 1 juste apeès une petite chute de neige. Aujourd'hui, nous allons installer notre Camp 2, sur le glacier.
Le camp 1 juste apeès une petite chute de neige. Aujourd’hui, nous allons installer notre Camp 2, sur le glacier.
Le camp 2 "middle" avec notre sommet en toile de fond.
Le camp 2 « middle » avec notre sommet en toile de fond.
Un peu plus tard...
Un peu plus tard…
Mais quels sont ces sommets à côté du Dhaulagiri ? Avec Dorje et Deepen.
Mais quels sont ces sommets à côté du Dhaulagiri ? Avec Dorje et Deepen.

Une organisation qui se rode de plus en plus, avec l’objectif de transmettre mes connaissances à l’équipe népalaise.

Cette année, l’idée était de valider l’utilisation du French Camp et sa pertinence dans le cadre d’une progression continue.
Nous étions la seule équipe sur la dizaine qui se sont succédées au Kari Base Camp avec  en plus un point d’eau à plus de 20 mn pour les équipes de cuisine. La difficulté d’installation du French Camp est bien réelle, avec un coût important ce qui explique le choix des autres équipes. Bussiness is business…

Mais quel plaisir pour nous, ne traverser le glacier qu’une seule fois à l’aller et sans portage ! Être Seul, décalé des autres équipes sans perturbation ni bla bla…

Au camp 1, nous aurons même l’équipe d ecuisine avec nous et la tente mess, un luxe immense.
Puis, ce fut l’étape la plus complexe, du camp 1 au camp 2, avec une belle surprise en cette année sans neige;
L’équipe de Kari pour l’expé médicale de 2013 (plus de 90 participants…!) a fait un travail énorme d’aménagement d’un sentier dans la première pente d’éboulis.

«Kari, merci encore pour cette initiative Swiss Quality.»

Plus haut, le passage pour accéder au glacier est également cette année très simple. 50 m un peu délicat, avec quelques marches en glace recouvertes de gravier. Et nous voici sur le glacier.
«Mais pourquoi donc faut-il que les Népalais installent des cordes fixes partout, quand le terrain est simple et même quand c’est plat ?
Une progression encordée bien maitrisée est tellement agréable jusqu’au Camp 3. Et surtout, les cordes fixes sont quasi toujours abandonnées sur place par les équipes népalaises.

The fixe ropes are like REBISH, when they are left beind us. How could a team leave them on the mountain ?
Season after season, year after year !

La partie délicate de l'interface rocher/glacier.
La partie délicate de l’interface rocher/glacier.
Le déposit, avec changement de chaussures et encordement.
Le déposit, avec changement de chaussures et encordement.
Spectaculaire mais peu difficile.
Spectaculaire mais peu difficile.
La dernière crevasse... la suite sur le glacier sera encore plus simple.
La dernière crevasse… la suite sur le glacier sera encore plus simple. A la descente, un peu chargé !

Fabrice, en vue du camp 2 après une petite balade au dernier camp.
Fabrice, en vue du camp 2 après une petite balade au dernier camp.

Tout va donc pour le mieux.

La progression s’enchaîne doucement pour les différentes équipes, bien sûr avec quelques maux de tête, difficultés à bien dormir ou toux persistantes.
Mais les prévisions météo vont venir bousculer nos plans. Il me faut prendre en compte deux journées où les vents en altitude seront définitivement trop violents : 80 puis 60 km/h, et c’est justement quand nous serons au camp 3.
Pour mémoire, 40 km/h de vent représente une limite à ne pas dépasser, surtout à cause des risques de gelures.

Heureusement nous avons du temps, des tentes solides, du gaz et de la nourriture. C’est tout l’avantage de la progression continue. Pas besoin de descendre pour évacuer les lieux. Il nous suffira d’attendre une journée ou deux, ce qui est aussi idéal pour l’acclimatation.
Par contre, l’équipe népalaise restera au camp de base, pour se reposer et profiter d’un bon dal bath. Nous voici seul au camp 2, puis deux jours plus tard, quand les Népalais nous rejoignent l’installation du camp 3 est terminée.
C’est aussi toute la nuance entre la progression continue et celle en dent de scie, entre installer un camp 3 et simplement le déplacer. Conclusion, nous serons les seuls à installer ce camp 3 au plus prêt de la montagne. Aujourd’hui, Il fait grand beau avec un peu de vent en altitude, tout le monde se repose une journée dans ce cadre grandiose de haute montagne pendant que nous partons avec Jangbu repérer et préparer l’itinéraire du lendemain.


Quelques mots à chaud, de mon carnet de voyage…

Cette journée au camp 3 à plus de 6000 m d’altitude est particulièrement dédié aux équipe de chercheurs sur la haute altitude et l’hypoxie. En particulier Samuel Vergès et Hugo Nespoulet pour leur publications sur la nuit.

Car nous sommes tous, occidentaux et Népalais réunis à ce dernier camp de l’Himlung sans trop de mal être lié à l’altitude. La journée est belle et chacun profite le mieux possible de l’exceptionnalité des lieux.
Et rien que cette réalité est déjà une belle satisfaction. C’est une belle réussite de l’attention portée par chacun à nos manière de faire, à nos manière d’être et de faire ensemble. Malgré quelques exceptions, quelques (rares) étincelles, grippages relationnels et (malgré tout) les difficultés des uns et des autres, surtout quand la nuit s’installe.

Mais comment réduire encore plus ces difficultés de vie en altitude pour les transformer en  purs instants de bonheur ?

Il me semble qu’il n’y a pas de transformations possible, pas d’expérience émotionnelle forte, sans être dans la joie de l’instant et dans le plaisir de faire ensemble…, pour reprendre quelques idées de la pensée Zen.

Tout est prêt pour demain.
Avec Jangbu, nous avons fait la trace pour pouvoir évoluer en cordées alpines durant la première partie de l’ascension, la plus raide et délicate. Puis, les cordées ont été constituées et les techniques d’encordement vérifiées. Les poignées jumar devraient même rester dans le sac !

Rendez-vous est pris pour un réveil à deux heures du matin et la lune est encore presque pleine.
Allons-nous réussir ce challenge impressionnant pour beaucoup ?
«Être «au sommet de l’Himlung !

Le jour va bientôt se lever.
Le jour va bientôt se lever.
Dhan, au sommet... Cette fois avec François 1er.
Dhan, au sommet… Cette fois avec François 1er.
Karma... 1ère expé, premier sommet. Avec Isabelle... Félicitations à tous les deux !
Karma… 1ère expé, premier sommet. Avec Isabelle… Félicitations à tous les deux !
Jangbu, le roi du Selfy, même à 7000 et même avec l'arrivée du mauvais temps !
Jangbu, le roi du Selfy, même à 7000 et même avec l’arrivée du mauvais temps !

Il fait déjà nuit mais tout le monde à le sourire. Bikram, Dorje et Jangbu...
Il fait déjà nuit mais tout le monde à le sourire. Bikram, Dorje et Jangbu…

Un des moments forts de l’expé (petit extrait de mon carnet de voyage).

« Les heures passent et je suis mort d’inquiétude.

Jangbu et François sont encore dans la montagne et il est déjà 17h. Un jour blanc c’est installé et il commence à neiger avec des rafales.
Il faut absolument les retrouver avant la nuit. J’enfile ma combi et mes Everest. Je prends deux frontales et un peu d’eau. Bikram et Dorje m’accompagnent. Au camp, tout est calme, chacun retient son souffle…

17h30, entre chiens et loups, un bref échange radio.

«- Paulo, I find the fixe rope. We are connected.»

«- Oh very well ! I am so happy !
Contact me again when you arrive to the pass. It’s easy to find. There is a roll of fixe rope and 3 snowbars in the snow. We wait you down at the end of the rope.»

Puis la nuit est tombé, il neige doucement et tout va bien.
Assis dans la neige, dans la chaleur de ma combi, je profite de ce moment unique de calme et de soulagement. Une faible lueur descend doucement vers nous. Les voici !

Jamgbu rentre directement au camp avec Dorje, avec Bikram nous nous occupons de François, un peu fatigué.

Demain, nous serons au camp de base !»


Une pensée pour l’équipe de cuisine

Bahadur au fourneau. Cette année avec des réchauds au gaz !
Bahadur au fourneau. Cette année avec des réchauds au gaz !

Et pour Jangdu. A Langtangpa climber… !

Pour Jangdu et Karma, je fais aujourd'hui le guide pour l'équipe népalaise ! Car c'est leur première journée encordé et avec des crampons.
Avec Jangdu et Karma, je fais aujourd’hui le guide pour l’équipe népalaise ! Car c’est leur première journée encordé et avec des crampons. J’en profite pour enlever aussi les cordes fixes inutiles.

 


Et maintenant, quelle est la suite de cet Himlung 2015 ?

1…, Terminer l’écriture d’un article sur les 7000 pour Montagnes Magazine avec, en complément une page dédiée et plus complète sur mon site.
Sur «Ce monde merveilleux des 7000»,  pour rendre compte de l’évolution actuelle et des enjeux de notre activité, pour promouvoir aussi d’autres sommets et en particulier «les presques 7000».

2… Retourner à L’Himlung, bien sûr, et dès ce printemps. Car le printemps est certainement la saison la plus simple pour une aventure en haute altitude, même si ce n’est pas dans les habitudes.

3… En plus de la voie normale,  j’aimerais aussi ouvrir une nouvelle voie sur ce sommet, et même traverser le sommet en réalisant un sommet vierge au passage.
Bref, une forte envie de vivre de grands moments en altitude. A la fois très classique et simple pour réussir le mieux possible une première expérience himalayenne, mais aussi original et challenging pour motiver l’équipe népalaise à compléter notre expérience.

4… autre objectif. transmettre le mieux possible mon expérience de guide en Himalaya, pour accompagner une transition imminente et irréversible. Pour que Bikram et Jangbu deviennent guide à part entière et encadrent leur propre expédition. Et que tous les jeunes alpinistes de l’équipe (Deepen, Razan, Karma) continuent leur progression avec un travail assuré de saison en saison.

C’est le projet « Paulo Expedition & friends »…

Bishal et Bikram... devant une corbeille de pommes de terre sur le toît de la maison de Sonam à Phu.
Bishal et Bikram…
devant une corbeille de pommes de terre sur le toît de la maison de Sonam à Phu.
Une image très rare...
Une image très rare…

Remarques, réflexions et apprentissages.

J’ai beaucoup appris durant ce grand voyage en altitude.

Mon carnet c’est couvert de notes et, dans la tente, notre cohabitation avec Duche était particulièrement détendue et agréable, propice à la réflexion et aux échanges.

La taille du groupe.
Nous étions 12 personnes cette année. C’est beaucoup !  (même si c’est la norme pour les autres organisations).
Même si cela c’est plutôt bien passé entre nous car l’énergie du groupe était très positive avec beaucoup d’émotions partagés, je vais définitivement limiter le nombre de participants à mes expéditions. C’est à la fois un critère de qualité, une condition pour mieux vivre ce mois d’immersion en groupe dans un environnement très complexe.
Forcément cela va aussi augmenter le budget final de mes expéditions… Navré !

8 personnes me semble optimum, avec un minimum de 4 à 5 personnes.

Pour la petite histoire, cette année c’est Bishal qui m’a incité à augmenter le nombre de participants. C’était important pour lui. 
Au Népal, un grand groupe est synonyme de grande agence, donc d’ importance et aussi de plus gains, de richesse…, ce qui rejaillit sur toute l’équipe.
Mais j’ai enfin réussi à le convaincre qu’un groupe limité était avant tout un critère de qualité !

Voir aussi une nouvelle page sur l’organisation future de mes expés.

François des Isles, et Jangbu, au sommet. Bon, i va maintenant falloir redescendre !
François des Isles, et Jangbu, au sommet. Bon, i va maintenant falloir redescendre !

Au sujet de la dernière journée d’ascension.

Ce qui est très intéressant à observer lors de cette journée finale d’ascension c’est la capacité des acteurs, des cordées, à choisir leurs trajectoires propres. A donner un sens à leurs décisions et au final à évoluer de manière totalement autonome, quitte à se réorganiser pour facilité soit une descente (Fabrice, Duche & Manu, Dorje) soit une montée (Alex, Razan).

A l’inverse, une autre cordée est restée bloquée sur un mode de fonctionnement rigide (peut-être à cause d’un contexte affectif, de statut du leadership ou d’absence de personne ressource) et n’a pas réussi à s’adapter à une modification de la situation (difficulté personnelle de l’un des membres de la cordée).

A l’autre bout de la chaîne, une cordée a réussi le sommet mais en allant très loin dans son engagement corporel, au point de n’être plus capable de rentrer au camp par ces propre moyen, au coeur de la nuit et du mauvais temps qui s’installe.

Pour ces deux cas, une réflexion à froid serait intéressante à conduire pour mieux comprendre ce qui c’est joué au coeur de l’action.

Sans aucun doute, cette forme de gestion, d’organisation d’un groupe en situation extrême a permit la réussite de plusieurs cordées et l’accomplissement des objectifs personnels, alors que la journée n’était vraiment pas propice à une ascension réussie.

Personnellement, je n’avais jamais vécu cette situation d’un groupe très éclatée mais structurée, avec une réelle autonomie de chaque cordée dans la phase finale d’ascension. L’organisation One/One, avec de nouvelle responsabilité confié au «Nepali Leader» était également nouvelle avec la constitution de nombreuses cordées mixtes (franco népalaises).

Cela me renvois forcément vers les réflexions, les études en cours dans les sciences de management, sur les situations extrêmes de gestion, par exemple conduites par les équipes de Pascal Lièvre, enseignant-chercheur à l’université d’Auvergne.

A suivre donc…


Lors de la tournée des popotes avec François des Isles, médecin à la réunion et qui a beaucoup rassuré et pris en charge les maux des une et des autres. Un grand merci à lui pour sa disponibilité...
Lors de « la tournée des popotes » avec François des Isles, médecin à la réunion et qui a beaucoup rassuré et pris en charge les maux des uns et des autres. Un grand merci à lui pour sa disponibilité…

Communication et gestion des aléas.

A venir….


Damned, ce doit être une discussion importante...
Damned, ce doit être une discussion importante…

Des discussions à table, à la fin d’un repas, ouvrent parfois des réflexions ultérieurs particulièrement importantes. Avec Alex, un ingé qui dirige la RD d’une petite entreprise, nous avons beaucoup échangé… sur la progression continue et le fait qu’elle soit si peu utilisée, sur la communication des informations de la part du leader.

Il a exprimé son besoin d’avoir des explications complètes sur le déroulement de l’ensemble des jours en altitude, pour avoir une vision plus clair de l’enchainement des taches et pour pouvoir s’organiser. Il aurait eu besoin d’informations très carrés, tout en sachant bien qu’elles pourraient être modifiées. Ces informations précises l’auraient rassuré.

De mon côté, mon souhait est justement de ne pas donner trop de place aux informations sur les jours à venir, sur l’après, en sachant que tout le monde connait globalement ce déroulement. En donnant juste le minimum nécessaire pour avoir des points de repères. Justement pour se concentrer, se centrer sur l’immédiat, sur l’instant présent.
Mais aussi pour ne pas créer d’inquiétude, du stress supplémentaire, quand tout change tout à coup à cause des contraintes extérieurs.
Pour éviter aussi de tout expliquer de nouveau, le déroulement et les raisons des changements…
D’une certaine manière, ce flou me laisse plus de souplesse pour caler au mieux le déroulement au jour le jour en fonction des multiples critères que je souhaite prendre en compte. Et m’évite de m’exposer à la justifications de mes choix !

Anticipation, préparation, planification ???
Depuis longtemps, dans la présentation des projets d’expé, je propose une planification précis…, un programme jour par jour. Cette planification m’est nécessaire comme canevas global à l’enchaînement des actions. Pourtant l’anticipation et la préparation sont également au coeur de mon processus décisionnel.
Il me semble maintenant que les mots clefs sont plus nombreux, plus complémentaires et qu’ils s’articulent et interagissent constamment les uns avec les autres. Anticipation, préparation, planification, adaptation, expérimentation, apprentissage… Et la boucle continue.
Il s’agit de m’appuyer sur mes connaissances pour structurer une progression jour après jour et en même temps d’être capable de réagir à toutes les contraintes extérieurs en les incorporant à chaque instant dans le plan initial pour construire de nouvelle connaissances, de nouveaux comportements, un nouveau programme. Et ces comportements, quand ils ont été mis en oeuvre avec succès, constituent une nouvelle expérience qui me servira à construire différemment l’action future.

Ce fut le cas de l’organisation de notre journée d’ascension et de sa préparation, qui a été complètement construite sur le terrain, presque improvisée, et qui pour moi fera date dans ma manière de faire.

Mais qu’il est difficile de laisser autant d’autonomie à des cordées, sur un sommet si haut. J’en ai encore des sueurs froides !

Je vais également, pour les prochaines expés, donner un programme beaucoup plus flou, pour pouvoir en expliquer la modulabilité et les situations qui peuvent (ou qui ont déjà, par le passé) bousculer la programmation. C’est la nécessité de mieux expliquer la logique de la progression continue, et donc de donner un sens commun à l’ensemble des actions qui soit partagé par mes compagnons de voyage.

Bon… Mais sur le terrain comment faire pour prendre en compte le besoin d’Alex, tout en respectants mes convictions, ma personnalité ?

Par exemple en individualisant beaucoup plus l’information donnée.
Elle peut être donnée de manière succincte à l’ensemble du groupe dans une communication formelle et structurée, puis compléter auprès de chaque participants en fonction de son besoin propre.

C’est ce que j’appelle d’habitude «la tournée des popotes» et que j’ai peu fait cette année car trop contraignant en regard de la taille du groupe..
Et c’est une erreur, il faut absolument que je m’astreigne de passer chaque soir dans chaque tente d’altitude pour créer un lieu d’échange informel, un espace pour prendre en compte les besoins de chacun et pouvoir rassurer si nécessaire par un réglage précis de l’information ou de son explicitation. Egalement pour identifier les attentes non exprimées ou non conscientes.

Bref, être présent et créer du lien…
Mais, j’ai aussi besoin de me reposer, d’être au calme pour me retrouver…
Pas si facille de faire les deux !

La taille du groupe et l’absence de lieu pour se retrouver en altitude, quand justement les conditions sont les plus difficiles, rendent cet exercice encore plus indispensable.
A marquer en rouge pour l’année prochaine et déjà limiter le groupe (c’est fait).

Notre discussion a abordé aussi la difficulté de donner la même information à tout le monde, et de contrôler (ou faire contrôler) que chacun à bien compris cette information.
C’est la question de la qualité d’une information formelle, et sa mise en place dans un environnement compliqué.

Peut-être me faudrait-il une tente un peu plus grande (par exemple une Trango 4), pour pouvoir accueillir tout le monde pour un apéro briefing, car il est quasi impossible d’avoir une tente mess en altitude.

Autre point de vue, cette fois abordé avec l’équipe népalaise.
J’ai remarqué cette année, que chaque expé fonctionnaient dans son coin sans aucun contact et même en s’ignorant royalement. Et nous aussi.
Nous avons donc décidé de faire le nécessaire pour établir des contacts, des échanges les plus conviviaux possible avec les autres expés. Au moins pour savoir qui est qui, pour connaitre les conditions d’équipement de la montagne et anticiper une éventuelle situation complexe nécessitant de la coopération entre les équipes.
Comme d’habitude nous sommes souvent seul à un camp de base, cette préoccupation me m’avait jamais semblé si importante.

SEG ?  Les situations extrêmes de Gestion…
Quelques phrases en essayant de m’approprier les réflexions qui construisent un prochain colloque en juin 2016 sur ces questions.

«Un manager est confrontés à des situations extrêmes de gestion lorsqu’il pilote une action collective prenant la forme d’un projet, intensif en connaissance, dans un contexte évolutif, incertain et risqué.»

Une expédition himalayenne sur un grand sommet est bien, à la fois une situation extrêmes de gestion voulues et parfois subies, avec aussi des situations d’urgence. 

«Les recherches de l’équipe de Pascal Lièvre mettent en évidence trois registres qui doivent faire l’objet d’une attention soutenue de la part des managers :

  • la construction du sens au sein des collectifs,
  • les capacités d’ambidextrie organisationnelle
  • et les dispositifs d’expansion des connaissances expérientielles et scientifiques.

Le management des situations extrêmes apparait comme le management des ruptures qui obligent à un apprentissage organisationnel dont la source est le potentiel humain créatif, dans le cadre d’une théorie « sociale » de l’apprentissage dans les projets.»

Bon, je ne comprends pas tous les mots et certaines notions sont pour moi bien confuses, mais je sens qu’il y a dans ces recherches une explicitation des situations que je vis qui me parle, des pistes de réflexion et d’action qui m’intéressent.

Un décryptage avec Pascal sera certainement nécessaire.


Créneau météo et progression continue… Pour continuer le débat !

Gravir un 7000 se réalise dans une durée relativement contrainte et déterminer par nos impératifs de vie professionnelle. Un mois reste cependant la norme pour une ascension à cette altitude. Il n’est dons pas besoin d’être devin pour se rendre compte que le laps de temps consacrer à la partie ascension est relativement courte, une dizaine de jours au maximum. Et que le créneau pour réussir le sommet se limite généralement à 3 ou 4 jours, quelque soit la stratégie de progression choisie. Des prévisions météo fiables sont donc indispensables pour adapter au mieux le déplacement aux conditions et choisir la meilleure journée pour le sommet. L’une des stratégies de déplacement consiste à être proche du sommet pour s’adapter aux prévisions météorologiques en ralentissant, en accélérant ou en attendant un jour ou deux au bon endroit. Dans le cadre d’une progression continue car pour cela il faut être capable de vivre en altitude plusieurs jours.
Ce choix appartient aux agences népalaises qui (pour l’instant ?) préfèrent une progression classique. En cet automne 2015 à l’Himlung, nous sommes le seul groupe à progresser ainsi et nous serons tous au dernier camp pour partir vers le sommet.
Les autres groupes utilisent une progression en dent de scie avec plusieurs journées de repos au camp de base et l’installation fixe des camps d’altitude.
Nous faisons vraiment figure d’extra-terrestre en restant ainsi en altitude, sans pour autant que les népalais (guides et porteurs d’altitude) s’intéressent à notre style de progression ou nous questionnent.

Cette possibilité de choix ne me semble ni envisagé ni donc proposé dans le cadre des services des agences népalaises. Les alpinistes-clients que nous sommes ont-ils un rôle à jouer dans l’évolution de cette situation ?
Entre rester en altitude et le confort d’un dal bath au camp de base, il est facile de deviner ce que vont choisir les acteurs népalais.


 

Et un billet d’humeur…

Depuis le début de notre expédition à l’Himlung en cet automne 2015,
tout ce que je vois autour de moi est catastrophique et me désole profondément.

Pourtant, la montagne en elle-même n’a rien de vraiment compliquée, la voie normale de ce sommet ne pose pas de problème technique insurmontable, il faut juste être à sa place et faire les choses correctement.

Voici quelques exemples d’une réalité trop souvent observée.

Il est presque 17 h, la nuit va tomber dans une heure, les cumulus sont de plus en plus présent et un grésil rageur s’installe. Un groupe vient juste d’arriver du Kari Base Camp. Ils montent leurs tentes à l’arrache car ils n’ont pas préparé d’emplacements au préalable. Rien de bien confortable, pour bien vivre leur première nuit en altitude. Les népalais ont préféré partir après le Dhal Bath de midi.
C’est forcément mieux et judicieux pour tout le monde !

Ce matin sur le glacier, les porteurs d’altitude du groupe des Italiens nous ont doublé comme des avions pour s’arrêter un peu plus haut et attendre plus d’une heure. Ils ne s’avaient pas où installer le camp et surtout n’avaient pas de corde, pas de piolet.
Plus tard un petit groupe de cinq alpinistes continue la trace après notre Middle Camp 2. Le premier est encordé à 5 m avec le deuxième, puis les trois autres suivent sans corde, dont deux népalais avec des sacs (et donc avec un poids) conséquents. Plus bas, alors que nous redescendons tranquillement, nous croiserons le 4ème italien sans corde, tout seul sur le glacier.
Le paysage est splendide… Tout vas bien ?

Le lendemain, deux népalais remontent le même glacier, chargés comme des bourriques. Pas de piolet, ni de bâtons. L’un à une pelle en guise de piolet.
Et pourquoi pas ?

Mais le pire nous sera offert avec Charlie lors de notre journée vers le sommet.
Nous redescendons tranquillement quand nous sommes doublés à toute allure par une cordée composées  d’un Népalais et d’un occidental, relié par un bout de corde fixe relativement court.
Le népalais est devant (!) et tire littéralement son compagnon qui est plutôt chancelant. Le «guide» népalais n’a ni piolet ni bâtons, il ne tient même pas la corde dans la main. Il avance à donf, point.
Une dizaine de mètres après nous avoir doublé, le deuxième alpiniste trébuche et part tête la première dans la tente. Le Népalais se jette à terre en s’agrippant à la corde. Heureusement, par miracle, la chute s’arrête ! Il se relève en riant et repart de plus belle, sans rien changer de sa progression, toujours tirant l’autre, toujours sans piolet et sans tenir la corde. Avec Charlie nous sommes atterrés et infiniment soulagés.
Un catastrophe a failli se dérouler sous nos yeux. Nous allons rentrer tranquillement au camp 3 !!!

C’est justement la situation et l’inquiétude que nous avait exprimé Prem Gurung (responsable de la formation à la NMIA), lorsque nous nous sommes croisé à Besisahar, d’une insouciance de pratique et de comportement de la part des «guides de facto» sur le terrain, alors que de plus en plus d’agences népalaises organisent des expéditions en embauchant exclusivement ces «guides» qui pour la plupart n’ont suivi aucun stage de formation (NMA ou NMIA) même basic.

Bien évidement, cette situation est plus qu’inquiétante.
Car elle touche directement la sécurité des personnes qui vont en montagne en faisant confiance à un Népalais qui se présente comme guide.

Je ne remet surtout pas en question la légitimité pour les Népalais d’exercer la profession de guide de haute montagne. Bien au contraire. Et, je ferais tout pour aider et soutenir mes collègues guides IFMGA Népalais
Cette réalité avance et à été renforcé par une récente modification de la réglementation des permis d’expédition qui favorise plutôt les acteurs népalais.

Mais je suis très inquiet de l’évolution actuelle.
Je trouve que tout cela va trop vite.
Que beaucoup de Népalais que je croise sur le terrain ne se rendent pas compte des situations de risques qu’ils vivent,
– ne connaissent même pas les techniques d’assurage de base,
– les règles les plus simples de sécurité comme un encordement de qualité, adapté à la situation et au terrain.

Jusqu’à présent, heureusement, il n’y a pas eu d’accident significatif et suffisamment dramatique pour provoquer une prise de conscience des occidentaux comme des Népalais.
Et je ne parle pas du déroulement des expéditions à côté de nous, pour que l’elico du secours viennent par trois fois au camp de base de l’Himlung pour des évacuations. Des histoires édifiantes circulent au sujet de ces évacuations par élico, comme d’un business lucratif, quand les agences népalaises les sollicitent… Mais bon, c’est une autre boite de Pandore.

Alors que faire… ?

Simplement en parler le plus possible. Rendre les choses compréhensible, même quand on est loin, même quand on ne connait pas la réalité locale.

1…, Pour notre équipe népalaise d’alpiniste, essayer d’être le plus exemplaire possible dans notre pratique quotidienne. Être intransigeant sur toutes ces questions de sécurité, et surtout continuer à s’entrainer et à se former.

2…, Pour les alpinistes occidentaux, j’aimerais expliquer qu’il est préférable actuellement de rejoindre une expédition encadrée, supervisée par un guide UIAGM, qu’il soit français ou Népalais, au moins pour les grands sommets. Plutôt que de choisir n’importe quelle agence de trek présent sur le Web.
Ou a défaut, de bien se renseigner sur les compétences et la formation «des guides» qui vont vous accompagner. Le besoin d’information est légitime de la part des clients que nous sommes, et ce souci de clarification, de transparence, peutégalement permettre cette prise de conscience de la nécessité de formation en montagne, auprès des agences et des jeunes népalais. Pour notre sécutité comme pour celle des Népalais.

Beaucoup de guides «de facto» sont compétents, bien sûr. Mais les exemples partagés plus haut sont édifiants.

C’est aussi une question de temps, pour permettre aux Népalais de se former convenablement, tout en  valorisant ceux qui ont fait cet effort.
Même si la situation actuelle, avec la remise en question du financement de la NMA, complexifie encore plus cette évolution naturelle et légitime.

Jangbu, content d'être bientôt à bon port, après le sommet.
Jangbu, content d’être bientôt à bon port, après le sommet.

Bon voyage en altitude.

Et merci pour vos commentaires…

Paulo, entre Shechen et Padma
Un 12 Novembre 2015

Un moment exceptionnel de joie et de partage. La séquence photo avant le départ du Kari Base Camp. Merci à Fabrice pour le poster !
Un moment exceptionnel de joie et de partage. La séquence photo avant le départ du Kari Base Camp. Merci à Fabrice pour le poster !

4 réflexions sur “Himlung Summit 2015…”

  1. C’est super d’avoir su vous adapter aux circonstances et d’avoir eu cette souplesse pour que chacun y trouve son compte! Bravo à toute l’équipe et surtout à Paulo et son Nepali’s gang car çà n’a pas dû être simple. Merveilleux!
    Loïc (d’un Paris gris :))

  2. Et non ce compte rendu d’expédition n’est pas long, il est au contraire riches des détails qui font qu’un amateur de haute montagne va choisir un guide plutôt qu’un autre pour son prochain objectif montagne.
    Je reconnais bien dans ce C.R les préoccupations essentielles de Paulo qui est de rendre le cheminement vers le sommet de chacun chacune le plus harmonieux possible avec lui même et son environnement, cela sous entend une gestion (management) complexe d’un grand nombre de paramètres évoluant en permanence dans un contexte pouvant se révéler délicat notamment quand le groupe est important.
    Ce compte rendu confirme encore un peu plus mon intention de tester la haute altitude en compagnie de Paulo et de sa slow attitude.
    Régis

  3. Merci pour ces analyses et commentaires…..qui permettent de mieux appréhender ce que vivent de l’intérieur les personnes qui font ces expéditions à très haute altitude.
    Thierry

  4. Salut les amis,
    Quelle belle aventure. Je ne peux pas m empécher d y repenser et de surtout vouloir y retourner avec notre même groupe. Assez sceptique au départ vu la rusticité de mon expé précédente, je reconnais avoir vécu une expé des plus agréable. Certe dure mais le pinsement au coeur que j ai qd je me repasse photos et vidéos démontrent à quel point elle m était enrichissante tant humainement parlant que techniquement. Vous me manquez tous beaucoup…
    Pour faire court : on repart quand mon Polo?:-)
    Amitiés sincères
    Pour le Luxembourg 😉
    Ton pote Manu

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