Certaines expéditions vers des sommets du Népal semblent insignifiantes par l’altitude ou d’un point de vue technique et pourtant, elles représentent un intérêt, une avancée importante dans la connaissance d’une région, d’un massif et « marqueront » les réalités du monde du trek ou des expéditions.
Ainsi en est-il de ce Gyaekochen 2019.
Il faut du temps pour qu’un nouvel itinéraire de randonnée voit le jour.
Cela nécessite un concours de circonstances bien particulier, de l’intuition, un zeste de chance et beaucoup de persévérance. L’idée de ce Gyaekochen (le trek et l’ascension) est née lors de descente de la Putha Hiunchuli à l’automne 2016 en prenant des photos d’un petit sommet au nord de Kakkot que je n’avais jusqu’alors jamais remarqué.
Le Gyaekochen…?
Un petit groupe de sommets, juste à 6000 m, avec en prime un beau glacier qui se déverse dans un lac.
Sur la carte du Dolpo, aucun sentier ne passe à proximité, de quoi aiguiser ma curiosité et mon envie d’aller voir sur place la réalité des lieux.
Il a fallu décrypter les accès sur les cartes et Google Earth, questionner les gens de Kakkot et comprendre que la vallée de la Tatu Khola était l’un de leur alpages pour les yacks et les troupeaux de chèvres et aussi un lieu de récolte pour Yersa Gomba au printemps. Un itinéraire idéal semblait se dessiner du Sud au Nord, depuis Kakkot jusqu’à Dho avec le passage de plusieurs cols à plus de 5000 m et en particulier celui au pied du Gyaekochen à 5318 m, à deux pas des glaciers.
Mais surtout par quel côté gravir ce beau sommet, forcément vierge ?
Et dont on ne trouve aucune trace dans les compte-rendu d’expédition.
En 2018, j’imagine un accès depuis la vallée de la Tarap car le col depuis Kakkot semble compliqué avec des mules et j’ai trouvé une photo d’un camp installé près du grand lac au pied du versant Nord du Gyaekochen sur le site web d’Explore Dolpo, une agence historique du Dolpo tenue par Jithendra. Une vallée principale y accède directement depuis Nawalpani, mais les mules y vont par le haut depuis Gyamar pour ravitailler au printemps les chercheurs de yersa gumba.
En début de l’été 2018, Bishal organise donc une reconnaissance avec quelques népalais de l’équipe d’Himalayan Travellers, notre petite agence népalaise spécialisée dans les expéditions. L’objectif : trouver le sentier d’accès pour les mules, traverser sur Klang, et prendre des photos de l’itinéraire d’ascension pour préparer l’expé de l’automne. J’apprendrais plus tard que Sere Magyar, notre muletier habituel de Tarakot est venu avec eux et qu’il a même traversé le col 5318 (le Gyaekochen Pass) en descendant la vallée jusqu’à être bloqué par une rivière trop importante.
Notre aventure en 2018 vers le Gyaekochen sera une très belle expé, avec à la clefs le pèlerinage de Riwa Palwar et surtout la découverte du Schaller Trail. Mais, malheureusement, sans le Gyaekochen car nous nous arrêtons à 50 m du sommet dans le mauvais temps, sans aucune visibilité.
Mais la voie d’ascension est ouverte et il suffira de revenir l’année prochaine.
À l’automne 2019, pari tenu pour ce nouveau voyage vers le Gyaekochen et une équipe intimiste de passionnés du Dolpo. Au programme :
- visiter les villages du Lower Dolpo par les Balcons de Tarakot, un nouveau trek de villages en villages pour rejoindre Kakkot par le haut,
- puis traverser le fameux col au-dessus de Kakkot pour accéder à la vallée de la Tatu Khola
- la remonter jusqu’au camp d’altitude du Gyaekochen Pass.
- Et bien sûr, réussir l’ascension du Gyaekochen au passage, avant d’arriver à Dho.
La première partie, par les balcons de Tarakot, fut un trek très abordable d’une rare beauté, qui mériterait vraiment de devenir classique. Puis, après quelques surprises, la remontée de la vallée du Gyaekochen Trek c’est déroulé sans complication, du village de Pimri à Klang, puis Dho par le haut.
C’est cet itinéraire qui est décrit en détail dans cette page dédiée.
L’enchainement, en boucle depuis Juphal, des balcons de Tarakot avec le Gyaekochen Trek puis le Schaller Trail est certainement l’un des plus beaux itinéraires de trek du Dolpo.
Et toutes les informations nécessaire sont disponible sur mon site.
L’ascension du Gyakochen est facultative car ce sommet n’est pas (encore) autorisé.
Une démarche officielle est encours par les autorité locales vers le ministère du tourisme népalais.
L’itinéraire est à la fois simple et intéressant techniquement, en voici également le topo.
C’est surtout un très beau sommet !
Gyaekochen Trek & Summit… Le compte rendu.
Quand tout se passe le mieux possible lors d’une expédition, je me demande quand le ciel va me tomber sur la tête. Quelle sera la prochaine catastrophe qui va nous arriver ?
Jusqu’à présent et jusqu’à Kakkot, tout c’est déroulé le mieux du monde. Aucun retard, aucun désagrément dans le déroulement du quotidien d’un groupe en itinérance. Et pourtant, nous inaugurons un itinéraire original, jamais parcouru par notre équipe népalaise. Tout le monde connait la multitude d’aléas qui peuvent survenir durant un trek ou une expé au Népal, surtout au Dolpo et encore plus en mode exploratoire.
Depuis Nepalganj, le petit avion de Tara Air nous a déposé sans encombre ni retard à Juphal et les étapes s’enchainent harmonieusement, toutes différentes et plus belles les unes des autres.
Un plaisir immense.
Une page dédiée décrit précisément ce nouveau trek des Balcons de Tarakot. Un « GR de pays » d’un réel intérêt culturel.
Le Gyaekochen Trek, un beau projet.
Comme prévu, à Kakkot tout c’est compliqué !!!
Impossible de suivre l’itinéraire prévu avec nos mules pour basculer dans la vallée de la Tatu Khola. En fait, Serè, le muletier qui m’avait annoncé le contraire s’est trompé de col. Et Serang (le maire de Kakkot) a juste oublié de préciser que le col était effectivement régulièrement utilisé par les villageois, mais pas avec des mules.
Que faire ?
En étudiant les cartes au 50/000, il me semble que d’autres passages devraient exister depuis le village suivant, Pimri gaon.
Il nous reste à trouver ce col et surtout qu’il soit praticable avec des mules.
Le lendemain matin, alors que nous sortons du village, Dipen nous rattrape. Serang veut me voir d’urgence et nous « demande » de rester un jour de plus à Kakkot. La discussion s’engage dans la maison de Serang avec les cartes topo dépliées sur le sol. Je lui explique notre projet d’un nouveau itinéraire de trek, un futur Gyaekochen Trek, mon travail sur de nouvelles cartes et j’argumente le mieux possible pour un départ immédiat. Contre toute attente, nous réussirons à le convaincre et à partir le jour même ; l’étape pour Pimri sera de toute beauté, loin au-dessus de la vallée de la Barbung Khola.
Mais la journée a été rude pour tout le monde et une journée de repos à Pimri est nécessaire avant de continuer notre voyage. Et c’est très bien comme ça, le cadre est splendide, juste en face de la chaine des Dhaulagiri. Dipen en profite pour se renseigner sur la suite de l’itinéraire. Mais, de retour de reco en fin de journée, ses explications sont peu convaincantes et je reste inquiet pour notre étape du lendemain, la plus importante du trek.
Tout va bien !
Au final, nous réussirons à rejoindre la vallée de la Tatu Khola en un itinéraire d’une belle wilderness. Le sentier est bien tracé et c’est surtout le seul pour rejoindre les alpages de Kakkot et de Pimri.
L’aventure continue.
Gyaekochen… Vers le sommet.
Nous sommes maintenant à pied d’oeuvre avec, devant nous, des vallées sauvages et surtout un bon sentier. Quelques jours plus tard, nous installerons notre camp d’altitude au pied du Gyaekochen, au même emplacement que l’année précédente. Mais, cette fois, il fait nettement plus froid et le lac est complètement gelé.
L’organisation de notre histoire se met en place…, l’équipe népalaise avec les muletiers va traverser deux cols ( le Gyaekochen Pass et le Seré La) pour se poser quelques jours versant Klang, puis reviendra récupérer notre matériel après notre ascension des Gyaekochen.
Nous avons quelques jours de disponible et la météo est plutôt clémente.
Le premier objectif sera donc que tout le monde réalise l’ascension du sommet le plus accessible, celui que nous avions tenté l’année précédente, le Klang Himal à 6042 m.
- Les Bernard s’encorderont avec Dipen et Dhan en deux cordées franco-népalaises, pour avoir le plus de chance possible de réussir le sommet et pour nous ouvrir l’itinéraire.
- Jean fera cordée avec Martine.
- Et, je m’occuperais de Marie-Christine et Anne-Marie.
C’est pour certains leur dernière expérience d’ascension himalayenne, il faut donc qu’elle soit la plus sereine possible, avec ou sans sommet à la clefs. Malheureusement, une neige profonde et sans consistance rendra notre progression plus difficile que prévue et seule la cordée de Bernard & Dhan parviendra au sommet.
Une belle réussite qui laisse également la place à une prochaine ascension officielle du Grand Gyaekochen !!!
Tout est maintenant en place !
Le lendemain, il n’y aura pas de deuxième journée d’ascension et donc pas de Gyaekochen pour moi.
Les népalais sont HS et impossible d’y aller seul car il me faut descendre avec le groupe et l’équipe des mules. Le cadre est toujours aussi splendide et je range mon matériel d’alpinisme la mort dans l’âme. Pas facile à vivre, le statut et la fonction de guide, surtout avec des envies de sommet… Mais avec une belle satisfaction : que tout le monde, les uns et les autres, aient pu aller le plus haut possible, au mieux de leurs envies et possibilités.
L’ouverture du Gyaekochen Trek est forcément une autre satisfaction, également marquante.
Les photos de l’ascension du Gyaekochen
Crédit :
Crédit : Jean Milteau
Crédit : Bernard M.
Crédit Paulo Grobel
Crédit : Bernard Vallet
Gyaekochen Trek. Fin d’expé…
Tout va bien, nous avons traversé les deux cols et nous voici au Seré La Camp, versant Klang. En ouvrant ma tente ce matin,… Quelle surprise ! Tout en blanc !
Il a neigé quelques cm durant la nuit et je n’ai rien entendu.
À l’horizon, des bandes de lumière illuminent les montagnes enneigées dans un univers de gris. L’ambiance est splendide. Mais pas d’inquiétude, nous sommes au bon endroit, au bon moment. Et le programme décidé la veille est idéal pour tout le monde. Surtout qu’un autre passage neigeux est prévu dans quelques jours.
À Dho… « Time is changing… »
« In 2012 the first motorcycle was introduced in Dolpo by a local guy from Polde village. Since then the locals have started building internal roads connecting the villages. Dolpo is now in a very beginning phase of infrastructural development. The region that remained untouched by human technology, inaccessible and pristine until today is preparing to open its doorways to the world. At the same time, this very movement of so called « Development » has alarmed and startled the unique culture that has thrived over the centuries, pristine mountainous environment and wildlife that makes the region one of the most beautiful places on earth.
This painting expresses the two faces of development, one as the construction of basic facilities and the other as the destruction that development brings along to the culture, environment and lifestyle of the inhabitants. »
By Ian Wall
Demain (dans un mois) la piste atteindra Sisaul, 2h en aval.
En cette fin d’automne tous les travaux des champs sont terminés à Dho. Le Dolpo a revêtu son habit de terre. Aucune couleur dans le paysage.
Seul le ciel est d’un bleu profond et les bannières bouddhistes claquent dans le vent au-dessus des maisons. Quelques caravanes de yacks lourdement chargés de bois arrivent en fin de journée.
L’activité semble comme suspendue en attendant l’hiver. Pourtant des motos vont et viennent dans la vallée, plutôt des motos tout-terrain chinoises, bien adaptés à ce types de lieu et conduites par de jeunes et fières Dolpo-pa. Mais comment font-ils pour se payer l’essence nécessaire qui vient en mules depuis Dunai à plus de 400 roupies le litre ?
Par exemple, en moto, il est maintenant possible de rejoindre Tilje dans le Upper Dolpo en presque deux heures ! Plus surprenant encore, une multitude de fûts sont entreposés à l’entrée de Dho et une pelle mécanique s’emploie a ouvrir une piste vers l’aval, jusqu’à Sisaul, la limite de la commune dans la vallée de la Tarap.
Pire…, un deuxième bulldozer travaille sur la piste dans le village. Le premier tracteur est également arrivé à Dho et la municipalité de Chharka a fait l’acquisition d’une pelle mécanique !
Forcément, une piste dans la Barbung Khola verra le jour très prochainement jusqu’à Kakkot.
Plus bas, c’est une autre histoire ! Comme pour le trajet de Sisaul à Laisicap…
- Combien de temps faudra-t-il pour tailler une piste carrossable dans les gorges ?
- Et surtout, quand commencera réellement ce chantier titanesque ?
Si un jour il commence vraiment…
Le voyage se termine en pente douce…
Pas de « Sentier par la montagne » cette année.
Impossible de le parcourir avec des mules depuis Sisaul et la météo n’est pas non plus très engageante.
Mais forcément, j’irais un jour…
Il s’appelle déjà « The Old Caravan Trail », grâce à Kedar et Jag.
En descendant la Tarap Khola, tout en prenant notre temps, nous passerons à Khanigaon, le village de Bhagya Devi Rokya, notre superwomen et future trekking guide du Dolpo. Puis, nous continuerons en balcon jusqu’à Darapani pour éviter la piste de Laisicap, avec une nuit à Sayhotel, un autre endroit improbable du Dolpo au bord de la rivière.
Et, depuis Dunai, nous prendrons même une jeep pour remonter à Juphal !
Je me demande encore pourquoi je ne l’ai pas fait avant…Le lendemain, réveil à 5h du mat !
Nous serons le jour même à Katmandu pour une dernière ballade dans la campagne népalaise vers Panauti, Baltali et Nanno Bouddha.
Pour ne pas dormir à Dunai… Une belle adresse, mais ce n’est pas vraiment la route qui fait le plus de bruit !?
Une équipe de plus en plus féminine.
Rendez-vous l’année prochaine pour une prochaine aventure au Dolpo.
Et je suis bien-sûr à votre disposition si vous souhaitez des informations complémentaires sur ces nouveaux itinéraires.
Surtout n’hésitez pas !
Paulo_tranquille depuis Bouddhanath à l’Himalayan Java Caffée
le 15 novembre 2019
Mon camp de base à Kathmandu, y’a pire !
Crédit Christian Hurgon
Merci à toutes et tous…
Avec Marie-Christine, Bhagya, Bernard, Kumari Martine, Anne-Marie, Jean et Bernard.
Crédit Bishal Rai
Et une pensée particulière à nos deux Superwomen trekking guides népalaises. Kumari Kulung et Bhagya from Dolpo
« Le sentier par la montagne » que Kedar Ji a proposé de nommer « The Old Caravane Trail », from Dho to Parlé.
A bientôt donc !!!
Bravo à toute l’équipe,
très bel itinéraire, avec l’accès entrevu l’année passée et qui pourra devenir un classique. Enfin le Gyaekochen (un de ses sommets) a fini par sourire à des camarades. Un sommet que je trouve très esthétique et offrant plusieurs possibilités. Merci pour cette belle vision de ses hauteurs, nous qui n’avions pu rien voir l’an dernier ; j’enrage comme toi Paulo mais il reste encore le grand sommet dès qu’il sera officiellement ouvert maintenant qu’il est connu et désiré.
J’embrasse affectueusement Jean, mon camarade de plusieurs expés pour sa dernière. Et Marie-Christine également très impressionné par sa persévérance.
le Dolpo, c’est beau !
à bientôt
Jean Paul
Salut Le Jean-Paul, tu aurais fait un superbe compagnon pour cette découverte, un truc de ouf qui t’aurait bien été!
Et puis, on aurait éviter de se creuser les méninges pour savoir si cet arbre était soit un conifère, un sapin, un genévrier…un truc en bois.
C’est ça l’EHPAD à la mode Paulo
à toi, longue vie de bonheur
Tchang Bagé