Ma saison du printemps en Himalaya se termine.
Les premiers orages annonciateurs de la mousson obscurcissent le ciel de Pokhara.
Nous y goûtons un temps de repos bien mérité.
Voici le compte rendu d’un voyage en altitude hors norme avec Christophe et Stanislas, en une expédition très intimiste vers des sommets bien peu connus.
Avec en particulier la traversée glaciaire d’un haut col que nous avons baptisé Loha Pass (du nom de la rivière de cette « Very Lost Valley »), chère à Jocelyn Chavy.
Une expé qui était également une formation « Learning by doing » pour trois alpinistes népalais de l’équipe d’Himalayan Travellers : Dhan, Deepen et Rajan.
Bien sûr, je n’ai pas réussi mon projet initial, avec la traversée du Jomsom Himal et l’ascension de l’Amotsang. Mais la traversée du Loha Pass, de Naar à Phu, me comble car elle représente la fin d’un long cheminement, depuis notre 1ère expédition dans la lost vallée de la Labse Khola « À la recherche de l’Amotsang » en 2002.
Pour la suite de l’exploration de la partie Sud du massif du Damodar himal…,
la nouvelle carte de l’Himlung va être imprimé pour l’automne 2018 par HMH et j’espère avoir le temps de mettre en ligne un topo des montagnes de Naar et Phu, prélude d’un prochain livre en Anglais.
L’histoire continue…
Loha Pass, 1… la remontée de la Labse Khola
Un article écrit en 2017 présentait déjà ce parcours.
Cette année il s’agissait surtout de valider la proposition de découpage des étapes et de compléter les noms locaux des différents alpages pour la prochaine carte.
Une vraie descente, qu’il ne faut pas oublier si vous avez décidé de revenir à Naar !
Loha Pass… Une histoire de traversée.
Extraits de mon journal de bord.
Lundi 28 Mai 2018.
Cela fait une semaine que notre aventure a commencé.
Aujourd’hui, le mauvais temps est arrivé plus tôt que prévu. Ou plutôt, la neige qui a débuté en milieu de matinée n’était pas vraiment prévu au programme. Rien de dramatique, juste un changement de temps qui se passe au bon endroit, au bon moment.
Hier soir, nous avons décidé de bousculer notre programme initial pour prendre une journée de repos à Thangsunda (comme l’année passée). C’est aussi le camp le plus confortable. Notre petite équipe est un peu fragile, pas très en forme et les prévisions dans 2/3 jours ne sont pas optimistes, justement les jours d’ascensions des sommets du Teri Himal.
Nous avons donc décidé de renoncer à cette première partie de l’expédition pour nous reposer, parfaire notre acclimatation et nous concentrer sur la traversée du Loha Pass et l’ascension du Jomsom Himal. Nous aurons surtout plus de temps pour mieux faire les choses, plus de chances de réussir notre traversée.
Car cette traversée reste l’objectif principal, et il est tellement complexe de réussir ce style d’entreprise, surtout en terrain inconnu. C’est aussi tout l’intérêt des traversées, et l’engagement est bien réel.
Réussirons-nous à rejoindre Phu par le haut ?
Ce matin, au petit déjeuner, nous avons commencé une étude de l’évolution de nos % de saturation en Ox et de nos fréquences cardiaques. Nous verrons bien ce que nous pourrons en faire.
Pour les Nepali Climbers, Dhan, Deepen et Rajan, c’est jour d’exam aujourd’hui !
Car notre expé est aussi une formation pour l’équipe népalaise, intitulée « To be guide… ? ».
Ils sont partis tous les trois, avec une simple carte topo au 50 000, pour décider de l’emplacement de notre nouveau camp de base pour le Jomsom Himal, avec repérage et balisage du meilleur parcours pour les mules.
En espérant surtout que celles-ci pourront atteindre ce camp de base…
Nous verrons bien demain !
Loha Pass, 2… vers le camp de base
Jamais je n’aurais imaginé aller aussi loin sur le glacier noir du Labse, et surtout avec des mules.
Durga, le muletier n’a rien dit, comme si cela était normal d’emmener des mules dans un univers aussi minéral.
Mais heureusement, tout c’est bien passé, il a posé les charges et il est redescendu tranquillement à Thangsunda, pour attendre qu’on le prévienne pour revenir chercher tout notre barda superflu…
On lui a prêter une petite tente, il a des vivres, des gamelles et un gros tas de bouses de yack.
Pour ce camp de base, le choix de Dhan est donc optimum. Nous sommes le plus près possible de la chute de séracs du Labse Glacier.
Mais rien n’est encore joué…
Loha Pass, 3… du Camp de Base au Camp 1
Contre toute attente, la porte c’est ouverte !
14h30, presque 5800 m
Avec les Nepali Climber, en deux petites cordées (Deepen et Paulo, Rajan et Dhan), nous avons donc fait quelques longueurs en glace, remonter le glacier et installer le camp d’altitude juste sous le Loha Pass.
Pourtant, la journée avait mal commencé, nous n’avons pas trouvé d’emblée le meilleur itinéraire sur le glacier noir. Et surtout, nous avons découvert que des séracs immenses et très instables menaçaient directement l’itinéraire en neige que nous avions imaginé pour remonter le glacier de Labse.
Comment continuer ?
Nous sommes donc monté directement dans la chute de glace, bien à l’abri des séracs du Jomsom Himal, en tirant quatre belles longueurs. Un bel exercice avec pose de broches, de relais, et un peu de piolet traction (pour ceux qui avait 2 engins !). Puis, le glacier devint moins raide et un itinéraire plus simple se dessine. Il suffit d’avancer dans la vallée glaciaire qui devient de plus en plus simple.
Dans la brume de l’après midi, un col s’ouvre sur la droite. Notre col !!!Mais aussi un peu d’inquiétude… Mes compagnons d’expé arriveront-ils à surmonter l’obstacle avec un tel effort et le poids du sac (même limité au max).
Et surtout comment allons-nous nous organiser ?
Car il nous est quasi impossible de faire deux voyages pour déplacer nos affaires. Stan & Christophe vont exploser !
Ouf… Nous voici tous les trois arrivés à notre camp d’altitude. Nous avons réussi à remonter la partie glace du glacier. Pas vraiment facile de grimper à plus de 5000 m et avec les sacs à dos d’une traversée.
Il est 15h30 et nos compagnons népalais redescendent illico au camp de base. 2 h plus tard, ils seront attablés en cuisine devant leur Dhal Bat quotidien. Merci Bahadur.
Demain, nous nous retrouverons tous ensemble à ce camp.
L’encadrement est un peu court… Mais bon.
Loha Pass. 4… Du camp 1 au Camp du Col
La journée de la veille à été un peu rude pour nous. Difficile aujourd’hui de terminer notre portage au col. Nous avons donc fait un déposit de nos affaires à mi-chemin. De retour au camp, nous en profitons pour préparer la plateforme de la tente de l’équipe népalaise.
5h du mat… Un léger bruit me réveille.
Damned, il neige. Le camp est noyé dans les nuages et je replonge dans mon duvet.
6h du mat… Grand beau. je prépare le bed tea pour Dhan.
6h30, le soleil inonde la tente. La journée sera belle !
Il nous faut démonter les tentes, charger les sacs et partir vers le haut.
Effectivement avant midi, nous somme tous au Loha Pass et nos tente sont installées directement au col. Doucement, les cumulus envahissent le ciel.Tout va bien, dans quelques jours, nous serons tous à Phu…
La manière de constituer des cordées, Franco-Népalaise/Népalo-française, Franco-française ou Népalo-Népalaise est un sujet intéressant.
Qui décide, quand, et quoi ?
En fonction de la journée à réaliser…
Dans le cadre de cette formation « To be guide… » c’est forcément un sujet crucial et nous avons évolué avec toutes ces différentes configurations.
Mais le temps en décidera autrement… Nous n’arriverons pas à réussir notre sommet ! C’est vraiment la poisse.
Le lendemain matin, le choix est difficile. Et fera un très bel exercice de « learning by doing » pour nos népalais…
Comment gérer une prise de décision ? quel critère prioriser ?
Faire le sommet et dormir une nuit de plus au col, avec l’incertitude de la descente le lendemain sur un glacier crevassé et inconnu, avec des gros sacs.
Ou, profiter du beau temps pour descendre immédiatement en renonçant au sommet, mais en assurant la descente dans de bonnes conditions et de manière détendu…
Avec deux joker en plus. Stan ne se sent pas vraiment en forme après deux nuit à 6000 et Christophe a toujours une sat entre 50 et 60. Et surtout, aucun de mes compagnons de cordée (ni les occidentaux, ni les népalais) n’a la moindre expérience en sauvetage en crevasse… Impossible de scinder l’équipe pour assurer le sommet.Nous déciderons de basculer directement dans la descente versant Phu.
Loha Pass. 5… La descente versant Phu.
Loha Pass. 6… le dernier col et le Camp de Base du Pokhar Khang
A suivre…
Puis durant la descente un petit intermède…
Vers le Tilje, un sommet inconnu !
Entre Phu et Koto…, l’itinéraire est très simple, il suffit de descendre la vallée qui est en train de changer doucement. De nouveaux lodges ont été construit à Kyang et à Chyaku, avec de beaux toits en tôles bleues et la route avance doucement !
Nous sommes un peu en avance sur notre planning et nous allons en profiter pour repérer un nouvel itinéraire vers les sommets au Nord du Kangaru.
Les deux glaciers au-dessus de Kyang et Chyakhu étant impraticables, c’est vers l’arête entre les deux que nous allons essayer de trouver un cheminement vers le sommet du Tilje. Si nous réussissons, nous serons capable de faire un camp d’altitude à proximité du glacier pour pouvoir accéder au grand plateau supérieur et à d’autres sommets super beaux comme le Chyaku Himal à 6805 m.
Le Tilje est la clefs de ce nouveau challenge, c’est un petit sommet autorisé au-dessus du village d’hiver de Chyaku qui devient ainsi un nouveau Camp de Base très accessible.
Nous allons donc consacrer une journée à ce repérage à ce sommet pour préparer une prochaine aventure au printemps 2019, et une nouvelle expé de formation pour les népalais, cette fois si sur une arête rocheuse.
Avec Dhan, Rajan et Deepen, il nous faut trouver un camp d’altitude avec de l’eau et vérifier que l’itinéraire est praticable sans trop de difficulté.
Bonne surprise, il y a un petit sentier qui conduit à une kharka et un beau emplacement de camp avec de l’eau à proximité, malheureusement pas très haut, mais c’est le seul.
Ce sera Black Rock Camp, puis nous irons jusqu’à 5350 m sur l’arête du Tilje…
Rendez-vous l’année prochaine pour la suite.
Et nous continuons notre chemin vers Meta, puis Koto. Avec un Dhalbat à Besisahar et un bout de route jusqu’à Pokhara, que ni Christophe, ni Stan ne connaissent.
La Fin du voyage… à Pokhara.
… permet aussi de préparer les voyages de cet automne.
Car Pokhara va servir de point de départ de mes expés, tellement la vie à Kathmandu est devenue peu agréable et le trajet KTM/PKR catastrophique, surtout en début d’expé.
Et le voyage se termine donc en douceur.
Il est temps de revenir dans les Alpes pour un été d’alpinisme.
A bientôt
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Paulo_Depuis le bureau du Sud
le 24 Juin 2018
De bien belles images, qui donnent envie d’aller « en haut » encore et toujours !
Et .. je suis carrément heureux de revoir notre Christophe national s’épanouir à nouveau en himalaya 😀
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