Voici la suite de nos aventures au Népal, vers le sommet de l’Himlung Himal. Cette expédition était organisée par Expédition Unlimited en France avec Himalayan Travellers au Népal.
Vous pouvez retrouvez les cinq premières chroniques dans cette première partie de notre histoire sur mon site.
Bon voyage…
Himlung 2019, la sixième chronique
« Le grand départ »
Samedi 4 mai.
Nous quittons définitivement notre camp de base du French Camp et toute l’équipe de cuisine pour nous installer au Camp 1. Nous partons vers le sommet avec 3 ou 4 camps d’altitude et en progression continue.
C’est vraiment un grand départ…
Nous retrouverons l’équipe népalaise dans 8 jours à notre retour du sommet. Ces deux derniers jours nous ont permit de transporter notre matériel à ce premier camp d’altitude tout en continuant notre acclimatation. Quelques légers maux de têtes ont fait leur apparition, puis se sont estompés. Le temps s’améliore doucement et même si le vent persiste en altitude, pour l’instant nous sommes concentré à rejoindre le camp 3 à 6300 m, surtout le plus sereinement possible. Le cadre est bien sûr superbe et en plus nous sommes seuls. L’équipe de Lionel est maintenant redescendu. Pour nous, l’objectif principal est de nous économiser au maximum, de ne pas faire d’efforts superflus. C’est l’exigence de la haute altitude.
Et voici un nouveau message sous forme d’anecdote qui illustre ce nouveau paradigme.
C’est l’histoire de l’épée de Damocles, versus oeudème cérébral ou pulmonaire…
Premier préalable, il faut s’avoir qu’il est complètement absurde et déraisonnable de faire des efforts répétés dans un environnement hypnotique. C’est pourtant ce que nous avons choisi de faire de plus en plus haut, et avec de plus en plus d’efforts, en espérant y éprouver beaucoup de plaisir et d’émotions. Si possible en pleine conscience…
Pour les voyageurs de l’altitude que nous sommes, Il nous faut nous imaginer avec une épée de Damocles suspendue au-dessus de nos tête. Cette épée est bien réelle car c’est tout simplement le risque d’un oeudème (cérébral ou pulmonaire) qui peut survenir et surtout qui est mortel.
Heureusement, cette épée est suspendue au plafond (ou je ne sais quoi…) par une multitude de fils. Elle ne risque pas de nous tomber dessus, à moins de couper tous les fils.
Et malheureusement, nous coupons un fil chaque fois qu’une de nos actions n’est pas juste et provoque une contrainte pour notre corps. Un sac trop lourd, un rythme de marche qui nous essouffle, une étape trop longue, une carence d’hydratation ou d’alimentation, un sommeil trop perturbé, un ennui de santé, un énervement et bien d’autres micros éléments de notre vie quotidienne en altitude.
Forcément, nous coupons des fils, mais l’objectif est quand même d’en couper le moins possible et surtout de ne pas couper le dernier.
Sinon… !
Et aussi, quand nous faisons très attention, avec des temps de repos par exemple, nous pouvons même en ajouter des nouveaux ou les consolider. C’est peut être cela l’acclimatation ?
Cette histoire qui maintenant fait partie de notre corpus collectif peut même nous permettre de prévenir et d’aider un de nos compagnons de voyage qui s’agite trop. Mais la réalité nous montre aussi que c’est bien difficile!
Pour nos amis népalais, j’ai dans ma besace une autre histoire, qui illustre différemment ce propos.
C’est l’histoire de « Hold Buffallo et de son fils… »Mais c’est un autre conte pour enfants, que je vais raconter ce soir. Je suis déjà certain que Kumari va pouffer de rire.…
Rendez-vous au camp 3.
Beaucoup de choses ce seront passées et le sommet sera juste au-dessus de nous.
A bientôt.
Himlung 2019, la septième chronique
« En Slow Attitude vers le camp 3… »
Le 8 Mai…
Nous voici au camp 3, à 6300m, confortablement installé dans nos tentes d’altitude Black Beard. L’Himlung est presque à portée de main…
Tous atteindre le camp 3, le plus en forme possible, avec nourriture et équipement était un objectif important de l’expédition, préalable indispensable à la partie finale de l’ascension.
Le cadre est vraiment splendide, à la fois rassurant, nous sommes sur un grand replat et impressionnant, juste en face de l’Himlung, de l’Himjung et du Gyajikang, tous des 7000.
La montée entre C1 et Camp 2 a été la plus exigeante, avec une première pente de cailloux peu agréable puis des passages sur un glacier tourmenté qui est heureusement devenu de plus en plus simple jusqu’au camp 3. Certains ce sont reposé au camp 2, d’autres auraient du le faire… Le déplacement au camp 3 c’est surtout fait en mode slow sur deux journées, pour ralentir notre progression, météo oblige.
Quel confort et quel luxe d’être simplement là, à faire du camping sur un glacier himalayen.
Il fait grand beau, exceptionnellement sans les précipitations habituelles de l’après-midi et le développement des cumulus, mais avec énormément d event en altitude (80 kl/h à 7000). La faute au cyclone Fanny qui stationne actuellement sur le golfe du Bengale.
Nous avons 4 jours devant nous pour réaliser quelque chose.
– Mais quoi ?
– Et surtout comment ?
Tout dépendra du vent en altitude et de la forme physique des uns et des autres. Et nous sommes un groupe particulièrement hétérogène de ce point de vue.
Rendez-vous vers le 14 Mai pour plus de détails…
Chacun aura alors fait qu’il aura pu et aura vécu le mieux possible cette expérience de vie en altitude, sur ces montagnes hautes et blanches.
Paulo_comme « at home »
La huitième chronique
« De l’usage du temps… entre météo et créneau de sommet »
Dimanche 12 Mai
Quelques cm de neige ont radicalement changé l’ambiance du camp de base. L’orage, d’une rare violence, est arrivé en début de soirée du 11 mai, illuminant la tente mess et nous faisant sursauter a chaque coups de tonnerre.
L’occasion d’apprendre qu’éclair se dit THOK ou CHATTANG et tonnerre, GARANGURUNG ou DUKEK en langage Bothe ou Nepali. Car nous sommes une agence multi ethnique…
L’orage est un phénomène rare en Himalaya durant les périodes des expéditions du printemps ou de l’automne. On le retrouve plutôt en été durant la mousson. Celui-ci se prolongera tard dans la nuit et le spectacle pyrotechnique de Dame Nature fut particulièrement exceptionnel. Surtout depuis le confort d’un camp de base…
« Être au bon endroit au bon moment », à cet endroit précis où se télescope la temporalité et les éléments naturels. Grâce aux prévisions météo de Yann Giezendanner, nous avons évacué la montagne au bon moment. J’imagine avec angoisse toute notre équipe au camp 3 dans le vent et les éclairs, en pleine tempête ! L’expérience de l’altitude aurait pris alors une autre consistance entre épreuve et survie.
Les prévisions météo sont essentiels en Himalaya et pour nos activités en montagne, et pas forcément pour rester au bistrot.
Mes rendez-vous par téléphone et SMS avec Yann sont des moments clefs de la gestion du temps, de ce temps disponible sur la montagne et souvent compté. Nous avions 4 jours depuis le camp 3 à 6300 m, d’où le sommet était possible, tous plus ou moins en forme à ce camp. Par contre la météo annoncée ne nous autorise qu’un petit créneau de deux jours, mais toujours avec un vent important entre 50/60 kl/h puis le lendemain 45 kl/h. Ce qui représente la limite supérieure « acceptable » avec des conditions de progression difficiles et surtout très froides.
Comme souvent, la notion de « tous ensemble au sommet » est d’une extrême complexité.
Certains ont réussi l’Himlung, d’autres le Ana Peak et le Karma Himal, et d’autres encore sont montés le plus haut possible.
De mon côté, je n’ai pas réussi à valider la pertinence d’un camp au Lung La ni à réaliser l’Arête Sud-Ouest de l’Himlung ou le Gyorbu Himal.
Au final, nous voici tous en bonne santé au camp de base, pour « Être au bon endroit au bon moment ».
Mais le voyage n’est pas terminé…
Une partie du groupe, les Lamo Kuta (les longues jambes) alias Fiona, Nico et Bernard, vont rejoindre la vallée de Manang en traversant les alpages de Phu à Naar et 3 cols à plus de 5000 m, pendant que les Sanu Kuta resteront un peu à Phu pour profiter de l’ambiance du village avant de descendre la vallée comme prévu avec l’ensemble de l’équipe népalaise et les muletiers.
Et tout le monde se retrouvera à Koto pour le dernier trajet vers Kathmandu le 16 mai.
Himlung 2019, la neuvième chronique
« Depuis le Camp 3… »
Le plus souvent, les groupes qui envisagent de gravir l’Himlung Himal ne se préoccupent que de l’Himlung.
Et c’est bien dommage, car ils en oublient les autres sommets accessibles depuis le camp 3 qui permettraient de valoriser, d’optimiser le temps passé en altitude en réussissant d’autres sommets, tout en s’adaptant si nécessaire aux niveaux des alpinistes ou aux conditions de la montagne.
Concrètement, s’il y a trop de vent ou trop de neige en altitude vers 7000 m, à l’étage inférieur une ascension est peut être possible. Et pour cela, les sommets du Karma Himal ou du Anna Peak sont idéal. Pourtant tout le monde reste bloqué sur la logique administrative du permis et d’un sommet unique.
Pour notre groupe, particulièrement hétérogène tant par l’expérience alpinistique que par le niveau physique, ces sommets ont constitué d’honorables objectifs de substitution.
Sans parler du Gyorbu Himal à proximité du Lung La, qui n’a pas encore été gravi ! (Et que je n’ai même pas été capable d’atteindre… GRRRR)
A l’arrivée au camp 3, avec l’équipe népalaise nous nous sommes donc organisé pour proposer à chacun la meilleure expérience possible, avec le court créneau météo disponible.
Le groupe des alpinistes les plus compétents et en forme sont partis vers l’Himlung en cordées de deux avec un népalais dès le lendemain, François a constitué une cordée avec Frédérique pour gravir le Anna Peak, Cécile et Olivier sont restés au camp pour se reposer et avec Bernard nous avions prévu de monter au Lung La pour faire la trace vers le Gyarbu Himal pour les autres le lendemain et pour nous, envisager le sommet de l’Himlung depuis un camp 4.
Il a fait très beau ce 9 Mai, sans développement de cumulus l’après-midi, mais avec un vent soutenu en altitude entre 50 et 60 Km/h.
Toute l’équipe des summiters est partie vers 3h30 du matin depuis le camp 3. Ils resteront tous entre 10 à 20 mn au sommet.
- Luc et Sonam sont arrivés au sommet vers 9h20 et étaient de retour au Camp 3 à 12h30,
- Nicolas et Dipeen, à 9h30 et 12H,
- Jean-Paul et Karma à 10h30 et 15h,
- Fiona et Dhan à 11h et 14h.
- François et Frédérique ont gravir le Anna Peak.
- Avec Bernard, Dorje et Anil, nous avons malheureusement fait demi-tour vers 6600 m.
Pour se rendre compte de la réalité de la situation, il faut savoir qu’une autre équipe était avec nous au camp 3: deux alpinistes néerlandais avec deux guides népalais.
Ils sont partis 2h avant notre équipe et étaient de retour vers 19h.
Exténués et atteints de gelures, ils seront évacués en hélicoptère directement depuis le camp 3, le lendemain matin !
De notre côté, le lendemain, Nicolas et Luc iront au Karma Himal.
Olivier avec Nicolas et Cécile avec moi feront une tentative vers le Anna Himal. Puis, toute l’équipe descendra au camp 1.
Avec Fiona, nous resterons au camp 2 car elle aimerait bien décoller en parapente le lendemain matin, mais le froid et un vent trop fort nous obligeront à descendre à pied.
Tout le monde se retrouvera au camp de base le 11 Mai.
Mais le voyage n’est pas terminé… Après une matinée pour ranger les affaires, certains repartent vers Phu.
De nouveau, l’objectif est de s’adapter le mieux possible aux envies de chacun avec un programme de retour « à la carte ». Les mules n’arrivent que dans deux jours et il serait dommage de simplement les attendre au camp de base. Mais pour cela, il faut repenser toute l’organisation et accepter de se séparer en plusieurs petits groupes.
- Jean-Paul & Luc ont envie de se poser deux jours à Phu pour profiter du village et faire une dernière rando vers un sommet.
- Fiona, Nico & Bernard veulent traverser les cols vers Naar et rejoindre Ngawal par le Kang La. Ils partirons avec Dhan, Karma et Sonam car il y a une nuit en tente et trois en lodge.
- Avec le reste du groupe, Dorje et moi, nous descendrons à Phu le lendemain pour rentrer ensuite avec toute l’équipe de cuisine et les mules.
Puis, nous nous retrouverons tous à Koto à notre lodge habituel pour terminer le voyage ensemble.
Le retour en jeep puis en bus sera particulièrement efficace et direct ! Départ 6h30 de Koto et arrivée à 21h30 à Boudhanath à l’hôtel…
Il nous reste deux jours pour profiter de la vallée de Kathmandu !
La dixième et dernière chronique
» Himlung 2019, clap de fin… «
C’est la fin du voyage…, le temps de ranger le matériel d’alpinisme et de poser encore quelques mots sur cette aventure himalayenne.
Cette dernière expédition à l’Himlung m’a permit de clore la réflexion sur la voie normale de cette montagne et de compléter le topo en ligne sur mon site (il ne restera plus qu’à l’illustrer et à le traduire en anglais). En particulier sur la difficulté technique de cette ascension.
L’un des objectifs de cette expédition 2019 était de valider un itinéraire plus simple et sans corde fixe, en utilisant une voie que nous avions ouverte, l’Arête Sud-Ouest.
De ce point de vue, nous n’avons pas réussi et j’en suis bien déçu. L’arête Nord-Ouest et ses cordes fixes restera donc la voie normale et la plus fréquentée.
Simplement parce que l’autre arête est moins directe et nécessite plus d’efforts. Et, surtout parce que l’installation d’un camp supplémentaire change radicalement la nature de l’ascension qui devient similaire à celle d’un grand 7000. Avec donc beaucoup plus d’engagement.
C’est vraiment dommage, car cette arête Sud-Ouest est très belle et un camp aurait été possible un peu en contre bas de l’arête, protégé par un mur de glace. C’était aussi l’accès pour le Gyorbu Himal et l’Arête Nord de l’Himjung.
L’Himlung n’est définitivement pas un sommet facile et sa voie normale depuis le camp 3 peut être côté PD+ en neige avec une pente à 35/40° dont l’exposition est importante. Bien sûr, surtout par neige dure ou glacée.
L’ascension de l’Himlung nécessite donc une réelle expérience en alpinisme pour être à l’aise dans ce style de pente (où toute glissade est interdite), avec une très bonne forme physique car l’effort est important et se déroule en altitude.
Pour illustrer ce style de compétence, il n’est pas facile de trouver des courses équivalentes dans les Alpes, surtout maintenant que les courses de neige deviennent de moins en moins fréquentables.
Je vous propose :
- Le couloir Coolidge au Pelvoux.
- Le Glacier du Milieu à l’Aiguille d’Argentière
- La traversée du Lyskamm
- La traversée du Mont Blanc
Bien sûr, on pourra me dire qu’avec des cordes fixes, pas besoin d’avoir ce niveau technique.
« Tout le monde peut faire l’Himlung ! »
Bien sûr c’est faux… !
Avant tout pour des raisons de sécurité.
Puis, parce que les cordes fixes sont un vrai débat et que l’équipement du printemps n’est pas celui de l’automne, qu’il peut neiger avec du vent…, et alors adieu les cordes fixes !
Au final, il y a de grandes chances que ces cordes soient déjà en place dans les parties raides puisqu’elles sont systématiquement abandonnées après la saison. Et le plus simple serait qu’il y ait une équipe (une fixing team) qui se chargerait de cet équipement en début d’automne de manière pro et systématique (ce qui éviterait que chaque expé transporte des rouleaux de corde pour rien). À suivre donc…
En conclusion, pour réaliser l’ascension d’un sommet de 7000 abordable au Népal, il n’y a guère de choix.
La Putha Hiunchuli reste le sommet le plus abordable.
Grâce à l’avancée de la route jusqu’à Dunai, son organisation est maintenant plus simple, mais pour nous, avec toujours deux vols intérieurs pour rejoindre Juphal. Avec l’équipe des guides d’Himalayan Travellers, nous allons donc proposer de nouveau ce sommet à l’automne 2020 et surtout l’optimiser et le documenter grâce à nos contacts avec les villageois de Kakot.
J’y vais justement cet automne pour le Gyaekochen.
Et cette expédition est prévue en 2021 par Expédition Unlimited.
Je ne retournerais pas à l’Himlung par sa voie normale, car l’équipe népalaise d’Himalayan Travellers a maintenant toutes les cartes en main et les compétences pour organiser et encadrer cette ascension au printemps 2020.
Je m’occuperais uniquement de l’information aux participants et du we de préparation à La Grave car c’est un élément clef de la réussite d’une expédition himalayenne.
La présentation de cette expédition « by Himalayan Travellers » est maintenant en ligne sur mon site.
Mais l’histoire n’est pas terminée !
Sur l’autre versant de l’Himlung, au Nord, il existe un autre monde à défricher, une grande arête aux confins du Tibet. Un immense voyage en altitude pour réussir la « Grande Traversée de l’Himlung », que nous avions juste effleuré au printemps 2016.
Rendez-vous au printemps 2021 pour… « Himlung Mega Ridge », une arête pas trop technique mais gigantesque et ponctuée de sommets vierges !
« Never stop exploring… »
Paulo_le 24 Juin 2019
Sur l’Ile de beauté
Et voici une dernière nouveauté… Vous pouvez même partager cet article sur Facebook !
Bonjour Polo,
Un grand bravo à toute votre équipe! C’est toujours avec un plaisir intense que je me replonge dans les différentes chroniques de cette ascension de l’Himlung.
Amicalement
Himlung Mega Ridge… hâte d’en lire plus ! 😉
Namasté Benoit… Sorry il y aura d’abord l’aventure du Pic sans nom !!!
Et pour moi, ce sera LE projet de l’automne 2022…Maist en partant dans l’autre sens, depuis le camp de base du Ratna Chuli vers le Tripoux Pass et l’arête Nord, avec tous les sommets vierges au passage. Une fin au sommet de l’Himlung et descente « simple » et rapide par la voie normale (qui en cette saison devrait être surpeuplée, mais ça aide aussi, traces et cordes fixes).
Voili, voilou.
Au plaisir de se croiser ici ou ailleurs.
Salutations himalayennes.
Paulo