L’objectif de cet article est de présenter un outil*1, avec une approche « ludique », pour structurer l’organisation ET la préparation d’une randonnée à ski sous la forme d’un projet participatif.
L’idée principal est bien sûr d’augmenter la sécurité, l’apprentissage, le plaisir, et une forme de ski de randonnée en conscience*2.
Par ailleurs, je souhaite depuis plusieurs années accroitre la dimension collective de ces projets par une approche qu’on appellera « Faire ensemble »; avec un apprentissage par « Learning by doing », la construction d’un groupe auto-apprenant et une réflexion sur le rôle d’un leader « chef de projet ».
Il y a bien évidemment d’autres manières d’aborder le ski de randonnée, à chacun de choisir la forme la plus adaptée. Ceci est juste un témoignage, une proposition…
Le jeu des épingles avec IphiGeNie
Pour progresser en compétences et en prise de responsabilité, je vous propose de découvrir « le jeu des épingles », basé tout simplement sur l’application Iphigénie, que vous pouvez télécharger sur votre smartphone.
Principes et pré-requis
Pour que cela fonctionne, il suffit de réunir les ingrédients suivants :
- un groupe, constitué de participants, tous différents, dont l’un d’eux est le leader (quelque soit son statut pro ou amateur)*3
- une idée de balade en ski de randonnée
- un environnement contextualisé (ici et maintenant)
- Et surtout une adhésion*4 à la notion de projet participatif par chacun des participants.
Une fois que le choix de l’itinéraire est identifié, proposé et validé*5 par l’ensemble des membres du groupe, la préparation effective peut commencer :
- sur la carte topographique avec IphiGeNie,
- avec l’aide du BERA,
- le 3×3,
- « les 6 paramètres & 4 modes de vigilance d’A. Duclos ».
Toutes ces notions sont à retrouver sur le site de l’ANENA et sur la page consacrer aux formations que j’encadre.
L’ensemble est construit et validé par chacun, au cours d’une discussion ouverte et par consensus.
Il s’agit maintenant de réfléchir et de décider du déroulement de la randonnée sur le terrain pour que le « Faire ensemble » ne soit pas simplement un concept mais une réalité.
Cette mise en place du « faire ensemble » nécessite explication et apprentissage pour devenir une habitude de fonctionnement plutôt qu’une contrainte*6.
Le « Jeu des épingles » est donc un outil pratique pour faciliter cette habitude
Pré requis
- La taille du groupe est égale ou inférieure à 6 personnes*8 (leader inclus), pour faciliter les échanges et les prises de décision.
- Tout le monde dispose d’IphiGeNie et sait s’en servir.
- Les conditions nivo et météo sont acceptables (?).
- L’attention que chaque personne est capable de mobiliser sur la qualité de son activité physique est forcément un critère important*7 … Et devrait être intégrer dès les premières sorties comme un élément fort de nos manières de faire.
Crédit Yoann Vieil
Le jeu des épingles avec IphiGeNie. Les étapes du jeu…
Sur son smartphone, avec IphiGeNie et la carte de la randonnée au zoom le plus grand, le leader positionne des épingles (des waypoints) sur l’ensemble du parcours (montée & descente !).
Ces waypoints sont discutés (pour leur pertinence et il est possible de les modifier), identifiés et reproduit sur chaque smartphone.
L’intervalle entre deux épingles représente un parcours qui sera pris en charge par une personne avec un compagnon qu’il aura choisi, pour former un binôme.
La décision de la prise en charge d’un parcours peut se faire également sur le terrain. Mais il est plus simple de le décider durant la préparation (même si cela peut changer en court de route).
Sur le terrain, chaque binôme prend en charge l’intervalle/le parcours qu’il a décidé et préparé, avec un roulement le plus fluide possible. (Le rôle de chaque personne d’un binôme est bien sûr diffèrent).
Bien évidemment, la complexité des intervalles n’est pas identique, ni la compétence des binômes et de l’une ou l’autre des personnes composant ce binôme. (Ce n’est pas un choix systématique d’hétérogénéité des binômes mais simplement un constat de la réalité).
La difficulté sera de trouver la bonne adéquation entre compétence et apprentissage, fonctionnement du binôme dans la tache choisie et optimisation de la réalisation de la tâche.
« Les 4 modes de vigilance d’A. Duclos» (qui sont plutôt 3 !) est un bon outil pour construire la répartition des intervalles en fonction de la compétence et de la qualité de fonctionnement*9 du binôme.
Au moment de la rotation des binômes, une micro analyse (ou un commentaire) de la tache réalisée est (ou peut être) intéressante. (Avec toute les questions liées à cette échange : Faite par qui (chaque binôme ?) et animée par qui (le leader )? Le groupe participe à ce moment là ? si oui comment ?)
Et, à la fin de la balade, un débriefing sur la randonnée réalisée est indispensable pour aller plus loin et construire un groupe auto-apprenant durant les prochaines sorties.
Le jeu des épingles avec IphiGeNie. Quelques situations concrètes.
Une personne qui a peu l’expérience de faire la trace choisira un parcours simple, en début de randonnée et si possible sans trace existante. Elle choisira un compagnon expérimenté dans la manière de faire une bonne et belle trace qui évoluera juste derrière elle pour l’aider, commenter ou corriger la trace faite. Cette personne ressource peut également ponctuellement passer devant pour faire, montrer ou expliquer la trace.
Ou simplement être là pour l’aider si nécessaire (une roue de secours).
Normalement, la préparation précise de l’itinéraire a mis en lumière le ou les passages clefs, délicats ou complexes.
Un parcours complexe peut être pris en charge par la personne la plus compétente (le leader) qui choisira un compagnon pour former un binôme, ou par une personne souhaitant expérimenter/se confronter à la gestion de ce passage complexe avec un compagnon plus expert (par exemple le leader). Le mode de vigilance aura certainement changé et la situation sera plus délicate (intéressante) à prendre en compte du point de vue de la sécurité (de la neige et des avalanches).
La notion de rythme adoptée (et adaptée) par la personne qui conduit un parcours est un sujet éminemment compliqué puisque la règle obligatoire du « faire ensemble » est de « rester ensemble » !
La question principale est bien : Comment faire pour que le binôme fonctionne aussi “au service” de l’ensemble du groupe et pas seulement à deux. Et la réponse se trouve dans une définition claire du projet et de ces règles de fonctionnement énoncé et explicité par le leader (par exemple, l’obligation de rester ensemble)
La gestion de la descente avec ce « jeu des épingles » est très intéressante car elle permet d’intégrer le niveau des skieurs, leurs genres (!) pour que chacun puisse vivre une situation d’ouverture de la pente à skier (et pas uniquement le leader ou le meilleur skieur).
Une remarque.
Un jeu « à géométrie variable »
J’utilise actuellement ce « Jeu des Aiguilles », à la fois dans les randonnées d’initiation que j’encadre en tant que guide de haute montagne, mais aussi avec ma compagne quand nous sortons tout les deux et avec un petit groupe d’amis pour nos sorties en amateur…
Ces trois situations sont paradoxalement à la fois identiques et différentes*10 (allez y comprendre quelque chose… !)
Une proposition.
Il me semble qu’il devrait également être intéressant d’utiliser la fonction enregistrement de la trace dans IphiGeNie pour, au débriefing, l’analyser et la comparer avec l’itinéraire préparé au départ.
C’est ce que je vais expérimenter lors de mes prochaines randonnées.
Et bien sûr, vos commentaires, suggestions ou analyses sont les bienvenues pour améliorer encore ce « Jeu des
Epingles ».
Merci d’avance d’avoir lu cette prose laborieuse jusqu’au bout !
Paulo Grobel_entre ski et clavier
Avec le soutien bienveillant de Dominique Ansel et Marc Magaud
Trois autres articles sur le même sujet :
*1 : Une manière de faire correspond à la méthode générale, la philosophie de la démarche. Un outil est un moyen parmi d’autres de mettre en oeuvre une méthode.
*2 : Ce concept mériterait d’être explicité, en particulier dans le cadre d’une activité de pleine nature, réalisée en groupe et présentant des risques liés à un environnement complexe nécessitant des prises de décision structurées où la part de l’humain est loin d’être négligeable.
*3 : Il ne me semble pas nécessaire de différencier le statut du leader, qu’il soit professionnel (guide ou accompagnateur), ou amateur (diplôme bénévole ou non) et le cadre de sa pratique (groupe d’amis, couple, professionnel, associatif) ni la nature de sa pratique (occasionnel, régulière, structuré sur la base d’un projet ou de compétition). Bien évidemment il ne s’agit pas de la même situation et celle-ci modifie la posture du leader. Il faudrait se questionner si (pour le même leader intervenant dans différent cadres) ce changement de pratique modifie ou non la qualité des prises de décision.
*4 : Avec toute la difficulté de mesurer ce niveau d’adhésion?
*5: La notion de validation d’un projet par le groupe nécessite de s’interroger sur le processus décisionnel (concertation, majorité), sur la qualité des informations partagées et leur compréhension par tous. Et sur la vérification de cette adhésion à un projet.
*6 : ce terme de contrainte est peut être un peu fort mais il exprime le poids des habitudes, la difficulté et la résistance aux changements, surtout dans une activité de loisirs.
*7 : Cette attention rejoint la notion de « pleine conscience » sur le plan physique et mental. On pourrait la rapprocher de la pratique de la marche consciente. Et il s’agit ici de l’utiliser comme base d’un fonctionnement de groupe harmonieux (ergonomique ?). C’est forcément un chantier en cours…
*8 : Cette taille de groupe maximum est surtout liée à la facilité de communication entre les membres, durant la préparation et sur le terrain. Il me semble qu’un groupe plus important aura beaucoup plus de difficulté à « faire ensemble », et encore plus quant les conditions environnementales deviennent compliquées et nécessitent des prises de décisions très pertinentes. (Il doit certainement exister des travaux sur ce sujet ?).
*9 : Voici une notion que je suis bien incapable d’expliciter. Comment se mesure cette qualité de fonctionnement, avec quels critère, quelles procédures ? Et surtout pour des personnes qui ne se connaissent pas.
*10 : Comment des situations peuvent elles être à la fois différentes ET similaires. C’est bien ce qu’il convient d’expliciter.
En quoi sont-elles semblables et en quoi sont-elles différentes ?
Et surtout cette différence modifie-t-elle la pertinence et la qualité des prises de décisions en situations complexes.
Il reste maintenant à partager cette idée, de la mettre en pratique et de l’expérimenter tout au long de l’hiver.
J’espère que mes compagnons de randonnée se prêteront à ce jeu…
Il faudra aussi agrémenter ce texte de quelques image en situation.
D’anecdotes et de commentaires.
Et surtout continuer cette réflexion sur le « Faire ensemble »… Let’s see !
Merci encore
J ai hâte de revenir pour t epingler!
Ping : Initiation ++ au ski de randonnée dans les Cerces avec Paulo Grobel
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