Comment faire le lien entre réchauffement climatique, transformations rapides de la montagne, recherche scientifique et la pratique de l’alpinisme ?
Je vous propose un nouveau style de topo, avec une double orientation, CSV et réchauffement climatique. pour vous permettre de mieux préparer votre prochaine course, sur le Haut Tour des Écrins.
Du refuge de la Selle au refuge du Chatelleret, par le Col et la Tête Sud du Replat.
- D+ : 700 m, D- : 1080 m
La description de la traversée est déjà présente dans les 100 + belles courses du Massif des Écrins et bien sûr comme un itinéraire du Haut Tour des Écrins de la première étape « De La Grave à La Bérarde ».
Sur internet le topo de C2C est plutôt succinct.
- Premier parcours (lors de la première ascension des Têtes du Replat) : 16 juillet 1874 – Christian Almer père, W.A.B. Coolidge, Peter Michel fils.
- Cotations : F III P4 2.3 / E1 PD+ / S3
- Approche : Du refuge de la Selle, partir en ascendance vers le NE jusqu’à rejoindre le glacier de la Selle (à 3000 m environ). Le parcours devient alors évident. Il faut traverser le grand plateau glaciaire en se dirigeant vers le SE
- Itinéraire : Gravir l’ultime pente NW défendant le Col du Replat.
Cela peut suffire… Mais il me semble interessant de croiser plusieurs types d’informations pour proposer une nouvelle génération de topo. Intégrer la CSV est aussi un enjeu de prévention des risques dans l’activité alpinisme.
Pour se mettre de l'ambiance...
Une belle journée en montagne pour franchir un grand col de l’Oisans et gagner le vallon des Ètançons. La journée commence par une longue traversée à flanc sur un sentier pour rejoindre le glacier de la Selle. Un grand replat permet de prendre pied sur le glacier, puis, une pente de neige un peu plus raide mais peu crevassée conduit au Col du Replat. Le sommet est facultatif, mais c’est un bel objectif pour se familiariser avec le parcours d’une arête rocheuse plutôt facile. Pour la descente, à part le départ un peu raide, tout va bien… Une sente puis un sentier, traverse de grandes pentes d’éboulis, enneigées en debut de saison, puis une zone plus raide donne accès à un étage post glaciaire, avant les derniers lacets au-dessus du refuge.
Le topo du col du Replat et de la Tête Sud du Replat, en mode CSV.
Plusieurs types de risque de chute et donc de vigilance sont présents dans cette course :
- la cartographie
-
le glacier
-
les pentes de neige
- le terrain rocheux facile
Pour plus d’informations sur les vigilances, n’hésitez pas à cliquer sur les liens proposés.
Il est bien sûr nécessaire de valider les compétences des participants et le matériel nécessaire, à hauteur des diverses vigilances à prendre en compte.
Deux portions de l’itinéraire sont à prendre particulièrement en compte : la partie la plus raide des pentes de neige dans la montée au col du Replat, et le petit couloir au début de la descente.
Pour rejoindre le glacier depuis le refuge de la Selle.
Une première vigilance Cartographie, en mode SIMPLE. En début de saison, des névés résiduels peuvent complexifier le parcours en ajoutant une petite note d’exposition, surtout s’il n’y a pas de trace.
Sur le glacier puis la montée au col du Replat.
Une vigilance Glacier en mode CLASSIQUE, pour faire attention aux quelques crevasses présentes. Quand la pente se redresse, une vigilance Pente de neige en mode MÉFIANT. Au début, plutôt en corde courte surtout si la pente est en glace. Puis, comme le terrain reste crevassé mais que la pente s’adoucit, il faudra peut-être préférer un encordement long pour la vigilance glacier. A décider sur place, en fonction des participants, des conditions d’enneigement, du regel nocturne et, s’il y a une trace ou non. Nous voici au col.
Pour le sommet en aller retour.
De nouveau l’enneigement est important, car avec ou sans neige, la course n’a rien à voir et demande d’autres compétences. S’il n’y a plus de neige. Nous pouvons être dans une vigilance Terrain rocheux facile, en mode CONCENTRÉ (et évoluer sans corde) ou MÉFIANT (en évoluant à corde courte). S’il y a de la neige sur l’arête, c’est un peu plus compliqué nous aurons une vigilance pentes de neige, en mode CONCENTRÉ (sans corde) ou MÉFIANT (en corde courte).
La descente du col du Replat, jusqu’au refuge du Chatelleret.
Cette descente commence par un court couloir relativement raide. De nouveau, la présence de neige change tout et le niveau de gel est également important. Donc, avec une vigilance pente de neige ou terrain rocheux facile en mode ALERTÉ, car il sera souvent nécessaire d’utiliser la corde, soit en faisant une longueur, un rappel ou une main-courante. Un mode MÉFIANT (en corde courte) est également possible. Comme c’est le passage le plus technique de la voie, il faut s’attendre parfois à un embouteillage et la patience et la bienveillance seront alors de mise. Pour une vigilance groupe (ou fair play). La suite se déroule d’abord en descente sur une sente ou en neige, puis en traversée sur sentier vers le sud, avant de plonger vers le vallon des Étançons. Une vigilance Cartographie, d’abord en mode SIMPLE, puis CONCENTRÉ pour un court passage, pour rejoindre la combe avant le bon sentier qui conduit au refuge. N’oubliez pas de repérer le pont…
Pour la CSV Alpinisme, un autre article avait déjà inaugurer la prise en compte de l’écologie et du changement climatique, mais sous un autre angle.
CSV alpinisme, écologie, enjeux climatiques et pratiques professionnelles…
Le topo du col du Replat et de la Tête Sud du Replat, d'un point de vue géomorphologique.
- Recul glaciaire et zones proglaciaires
Le glacier de la Selle a reculé jusqu’au sommet du replat, à 2980 m. De nouveaux torrents proglaciaires se sont formés ainsi qu’un nouveau lac rive droite à proximité de l’arrivée de l’itinéraire.
- Surfaces plus souvent déneigées, et accroissement de l’angle de pente du glacier
Une large partie du plat du glacier, ainsi que les pentes d’accès au col sont rapidement déneigées. C’est le phénomène le plus marquant de l’itinéraire. Des crevasses sont plus visibles et la pente du glacier se creuse dans les parties les plus raides.
- Chutes de matériaux rocheux à la surface du glacier.
Plus visibles et fréquentes issues de la Pointe Sud du Replat, liées à un retrait des couvertures glacio-nivales et à l’apparition d’un substratum rocheux fracturé.
- Fonte accélérée du couloir de descente en versant sud-est.
- Déstabilisation rocheuse dans le couloir de descente.
- Recul glaciaire et perte de la couverture nivale dans le haut du vallon.
Il est important de noter que les deux portions les plus complexes de l’itinéraire sont directement affectées par des phénomènes géomorphologiques marquants :
- surfaces plus souvent déneigées, dans la partie la plus raide des pentes de neige dans la montée au col du Replat
- déstabilisation rocheuse, dans le petit couloir au début de la descente.
En cours de la saison estivale, une documentation régulière de l’état de la pente sous le col du Replat serait utile pour tous les usagers.
Par exemple, disponible sur Internet, sur le site du refuge, et encore mieux par une contribution participative des pratiquants et usagers du refuge de la Selle.
En fin de saison d’été et avant les premières neiges, il serait également intéressant de prendre des photos du Haut Vallon de la Selle pour faire un état du recul glaciaire et de la limite de la fonte de la neige.
Une proposition : cela pourrait être une action concrète dans le cadre de Refuge Sentinelle et du Parc des Écrins ?
Paulo, le 12 Mai 2023, avec l’aide de Xavier CAILHOL et Mathis ARNAUD, aspirant guides et chercheurs en Géomorphologie.
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