Le topo d’une course en alpinisme est l’élément central d’une préparation avec la démarche CSV.
Il devrait permettre d’identifier les différents terrains parcourus, et d’en avoir une perception la plus proche possible de la réalité.
Voici le topo de Roche Faurio en mode CSV avec toutes les vigilances à prendre en compte.
Et quelques informations pour facilité l’observation des phénomènes géomorphologiques, révélateurs du réchauffement climatique et susceptibles d’impacter cet itinéraire de haute montagne.
Roche Faurio, présentation...
« La voie normale de Roche Faurio est une belle course classique glaciaire et neige, avec une arête finale aérienne en rocher facile, qui offre un superbe panorama, sur le versant N des Écrins et la Grande Ruine.
Roche Faurio peut constituer soit une course de découverte, d’initiation ou d’apprentissage de l’alpinisme, soit une course d’acclimatation en vue de l’ascension des Écrins.
C’est surtout l’itinéraire le plus fréquenté du bassin du Glacier Blanc, vous n’y serez donc pas seul, avec forcément des avantages et des inconvénients.
Roche Faurio est constituée de deux sommets bien distincts, par leurs natures et leurs difficultés, avec une grande partie de l’itinéraire commun :
- un sommet Est, en neige (ou éboulis), appelé aussi antécime.
- le sommet principal, en rocher ou sommet Ouest.
Durant la montée au refuge des Écrins, vous avez pu observer concrètement les conditions du glacier et de l’enneigement.
Puis, le soir au refuge, le gardien aura fait une information sur les courses et leur fréquentation et avec ces deux types d’information il vous sera plus simple d’adapter le « gribouillon » central de la CSV aux conditions du moment.
Tous les membres de la cordée ou du groupe sont réunis autour de la table, vous avez sorti une feuille de papier blanc ( éventuellement la dernière matrice de la CSV ) et les 3 feutres de couleur habituels. Tout le monde a son smatphone avec une application de cart oet les cartes chargées ( et même la carte des pentes).
En avant pour la CSV Alpinisme.
Il va s’agir de lire attentivement les topos disponibles et d’en tirer les informations utiles pour faire le schéma de la course.
Plusieurs sources d’information sont disponible.
- Le topo « Courses classiques des Écrins » de Seb Constant.
- Le livre « alpinisme plaisir » des éditions Glénat, de Frédérique Julien
- Le topo en ligne de C2C
Roche Faurio, les topos
L’itinéraire.
« Par bon enneigement, juste après avoir passé l’arête SE de la Pointe Xavier Blanc, remonter une pente raide et crevassée au SW. Par moins bon enneigement, éviter cette pente en attaquant la montée du versant SE juste après la zone raide et crevassée. Déboucher sur un petit plateau (3400 m). Contourner de larges crevasses, traverser vers la gauche (W) et par une courte pente raide orientée E (S3 – souvent chargée après une chute de neige) gagner l’arête S de Roche Faurio légèrement au N du point 3550 m. Il peut y avoir une rimaye à franchir à ce niveau. Remonter l’arête en franchissant une courte section rocheuse facile jusqu’à l’antécime neigeuse plus raide (S3) qui se termine en triangle au pied de l’arête terminale, mixte à dominante rocheuse. Les skieurs s’arrêteront généralement là. Pour atteindre le sommet, aborder l’arête rocheuse sur son flanc S (2 pitons) et basculer au niveau d’un gros bloc détaché sur le versant N. Remonter un couloir puis suivre le fil de l’arête qui devient horizontale jusqu’au sommet (point géodésique).
Variante.
Depuis le petit plateau (3400 m), ne pas rejoindre l’arête S à mi-hauteur. Poursuivre par les pentes SE à gauche de la Brèche de Tombe Murée et rejoindre l’arête S avant le sommet. »
Le topo de Frédéric Julien (Roc-Écrins)
- Départ course: refuge des Écrins (3 175 m)
- Difficulté: F
- Cotation rocher: 3a (arête aérienne)
- Cotation neige et glace: Dg 1 (pente à 30-35°)
- Engagement : II (engagement concentré sur l’arête terminale)
- Horaire: 1 h 30 du refuge jusqu’à l’attaque / 2 h 30 jusqu’à la brèche. Soit environ 7 h en AR du refuge
- Dénivellation: 680 m dont 100 m de rocher en II (aérien)
- Période favorable: dès le début d’été compte tenu de son exposition. Abritée du vent du nord.
- Orientation: sud- est
- Rocher : granite
- Matériel : casque, baudrier, crampons, corde dynamique de 30 m, kit de sécurité sur glacier, sangles, broches à glace et piolets.
- Équipement en place: aucun
- Accès routier: par Vallouise, Pelvoux, Ailefroide, Pré de Madame Carle (parking, 1 874 m)
- Carte IGN: 3436 ET
- Première ascension: le 21 juin 1873 à la descente par H. et P. Baumann, P. Knubel, J.-M. Lochmatter, T. Cox, F. Gardiner, R. et W. M. Pendlebury et C. Taylor.
- Points GPS (coordonnées UTM) 1 : 292196 / 4979442 / Altitude 3 253 m 2 : 32T 291916 / 4979556 / Altitude 3 426 m 3 : 32T291635 / 4979482 / Altitude 3 351 m
« Depuis le refuge des Écrins, rejoignez le glacier, puis remontez sa rive gauche en empruntant la bonne trace qui conduit aux Écrins. Attention, dès la première côte, de belles crevasses apparaissent (la veille depuis le refuge, je vous conseille de jeter un œil dans les jumelles pour détailler le passage que vous franchirez de nuit. La trace ne passant plus forcément aux meilleurs endroits au fil de la saison). Quand le glacier s’aplanit de nouveau, restez encore un peu en serrant rive gauche. Traversez ensuite de manière rectiligne le glacier, en direction du col des Écrins, soit au sud-est.
Quand vous serez dans l’axe de l’éperon issu de la pointe Xavier Blanc (3 677 m), vous apercevrez alors à droite une pente menant à Roche Faurio (vers 3 250 m, point GPS 1). En début de saison, si la pente (35°) à droite est bien enneigée, sans trop de crevasses apparentes, alors gravissez-la en son centre, puis sortez par la gauche. Dans le cas contraire, continuez en direction du col des Écrins pour contourner le rognon glaciaire à droite. Ce dernier une fois dépassé, visez la base de la paroi verticale à droite. Puis continuez à monter en vous écartant légèrement de l’éperon. De belles crevasses sont présentes dans cette première côte. Poursuivez vers le nord, en visant la pointe Xavier Blanc. Vous parvenez sur un replat : gardez la même direction. Le sommet est bien visible. Vers 3 420 mètres d’altitude (point GPS 2), deux itinéraires sont possibles.
1 – En début de saison, si la pente dans l’axe du sommet de la Roche Faurio (soit au nord-ouest) est bien enneigée, vous pouvez monter directement: c’est plus court mais plus raide.
2 – Sinon mettez le cap à l’ouest et franchissez la rimaye au mieux. Par une pente assez raide, atteignez une selle neigeuse à 3 550 mètres d’altitude (point GPS 3). Remontez la selle vers le nord pour venir buter sur un petit passage mixte en rocher brisé (dièdre facile). Poursuivez sur la ligne de crête d’une croupe (attention corniche) menant vers la dernière pente jusqu’au sommet. Si elle est déneigée, déposez crampons et piolets au pied de l’éboulis. Raccourcissez l’encordement puis gagnez le sommet de cette pente. C’est l’antécime de la roche Faurio. Pour le vrai sommet, empruntez l’arête rocheuse moyennant une traversée de 4 mètres (microvire pour les pieds versant sud), puis engagez-vous dans un petit dièdre pour sortir sur l’arête (une longueur de 15 m). Puis restez sur le fil horizontal qui devient aérien jusqu’au sommet (II) : assurage corde tendue à 6 mètres en plaçant quelques sangles entre vous sur les bons becquets qui jalonnent l’arête. Attention aux autres cordées qui reviennent du sommet, les croisements ne sont pas évidents. »
On remarquera dans ce topo qui se veut aussi pédagogique, des conseils sur les modes de progression.
Le topo de la Roche Faurio, en language CSV.
Voici une traduction de ces topos, pour faciliter la réalisation d’une CSV. pour Roche Faurio.
Les différents terrain ont été clairement identifié et il restera à chaque cordée le soin de les représenter en identifiant les modes de déplacement choisi en fonctions des compétences des participants. Systémie oblige…
En quittant le refuge, reprenez l’itinéraire d’accès au refuge que vous connaissez déjà et qui en début de saison est encore enneigé, descendez jusqu’au plat du glacier.
Remonter le glacier plutôt plat en direction du Col des Écrins, juste avant le col, à proximité d’une barre rocheuse il faudra prendre à droite. Ce terrain glaciaire est plutôt simple avec une petite zone crevassée juste après l’aplomb du refuge.
Remonter cette pente de neige à droite pas trop raide (-de 30°) par quelques lacets pour déboucher sur un plateau (3400 m). Il y a peu (pas) de crevasses dans la pente régulière mais elles sont importantes à l’approche et sur le plateau.
L’itinéraire oblique à gauche pour remonter une pente un peu plus raide (+ de 30°) pour déboucher sur une large arête.
L’arête de neige se redresse et devient une petite barre rocheuse qu’il faut gravir par une courte cheminée en rocher facile (environ 40 m, 2+). On débouche sur une large et facile arête neigeuse.
En ce début de saison, le dôme final avec des pentes peu raides sera forcément en neige. C’est le sommet de Roche Faurio sommet Est.
Pour le sommet Ouest. Depuis un petit col, traverser en contre-bas de l’arête, en ascendance à gauche (1 piton) sur une dizaine de mètres. Remonter un court passage jusqu’à l’arête effilée. Puis continuer celle-ci jusqu’au sommet. La fréquentation importante sur ce court passage provoque des croisements délicats, nécessitant plus de temps et de faire-play.
Avec ce décryptage des topos, les membres de la cordées ont pu identifier plusieurs vigilances (et pour cela, vous connaissez la définition de ces différentes vigilances) :
Dans une même course, ces différents terrains se succèdent et à chaque changements correspond un points de décisions qui sera indiqué sur le gribouillon et marqués comme waypoint dans les applications de carto de tous les participants.
Voici une mise à plat de l’analyse du topo, qui a permit de faire le croquis de la course.
1 ère vigilance, « Pente de neige ». (En voici la définition)
Nous sommes le jeudi 20 juin 2024, il fait beau avec un bon regel nocturne, la trace est bien marquée. Notre objectif est le sommet Est, l’antécime (c’est notre plan A). Et notre petit groupe fait parti d’un stage d’initiation à l’alpinisme du CAF Chambéry.
En quittant le refuge, reprenez l’itinéraire d’accès au refuge que vous connaissez déjà et qui en ce début de saison est encore enneigé, descendez jusqu’au plat du glacier. Prévoir des crampons à portée de main si nécessaire (en fonction de l’aisance des participants) et éventuellement un bout de corde pour un encadrement court. Cette vigilance sera représentée en vert (sans corde) ou en jaune (encordement court). Les critère complémentaires sont la météo (bon regel nocturne) (point +) et il faudra prendre en compte l’heure matinal (obscurité, ne pas oublier la frontale) (point -) et la fréquentation (point -). Tout le monde part plus ou moins en même temps, un peu stressé et pas forcément bien réveillé. L’exposition est présente, mais peu importante.
2 ème vigilance, « Terrain Glaciaire ». (En voici la définition)
Remonter le glacier plutôt plat en direction du col des Écrins, juste avant le col, à proximité d’une barre rocheuse il faudra prendre à droite. Ce terrain glaciaire est plutôt simple avec une petite zone crevassée après l’aplomb du refuge. Cette vigilance sera représentée en jaune (glacier classique) et les critères secondaire seront la météo avec un bon regel nocturne (point +), le bon enneigement (point +), une trace importante (point +), la fréquentation (point +) et le partage des compétences minimales au sein du groupe (car nous somme dans le cadre d’un stage de formation d’une semaine) (point +).
3 ème vigilance, « Pente de neige » ET « Terrain glaciaire ».
Remonter cette pente à droite pas trop raide (-de 30°) par quelques lacets pour déboucher sur un plateau (3400 m). Il y a peu (pas) de crevasses dans la pente régulière mais elles sont importantes à l’approche et sur le plateau. Cette vigilance sera représentée en jaune, avec deux vigilances. Mais comme il n’est pas possible de combiner deux types de vigilance (Terrain glaciaire et Pentes de neige) , il vous faudra choisir entre un encordement long ou un encordement court. L’usage dans ce cas précis et en début de saison est souvent d’être encordé long mais de reprendre des anneaux à la main pour être en corde courte durant la montée et de pouvoir rallonger dans le plat. A vous de choisir !
4 ème vigilance « Pente de neige »
L’itinéraire oblique à gauche pour remonter une pente un peu plus raide (+ de 30°) pour déboucher sur une large arête. Continuer en corde courte, car la rimaye ne devrait pas être visible. De nouveau, cette vigilance est représentée en jaune. Avec les mêmes critères complémentaires positifs.
5 ème vigilance « Terrain Rocher Facile » (En voici la définition)
L’arête de neige se redresse et devient une petite barre rocheuse qu’il faut gravir par une courte cheminée en rocher facile (environ 40 m, 2+). On débouche sur une large et facile arête neigeuse. Progression en corde courte et donc une vigilance représentée en jaune sur le gribouillon.
6 ème vigilance « Pente de neige ou éboulis ».
En ce début de saison, le dôme final avec des pentes peu raides sera forcément en neige. Il sera représenté en vert ou en jaune, car il peut être parcouru sans corde ou en corde courte.
Nous voici sur le sommet Est (il faudra peut être un peu se tasser). Et nous avons atteint notre Plan A. Et si on faisait un plan B, en allant au sommet Ouest ? (C’est le moment d’utiliser l’outil GUIDOSS, un outil d’aide à la décision)
7 ème vigilance « Terrain Rocher Facile ».
Depuis un petit col, traverser en contre-bas de l’arête, en ascendance à gauche (1 piton) sur une dizaine de mètres. Remonter un court passage jusqu’à l’arête effilée.,puis continuer celle-ci jusqu’au sommet. La fréquentation importante sur ce court passage provoque des croisements délicats, nécessitant plus de temps et beaucoup de faire-play. La vigilance sera représentée en jaune car il est possible d’évoluer en corde courte ou à corde tendue, ou en rouge si vous préférez faire une longueur.
Bonne course et beaux sommets de Roche Faurio…
Et rendez-vous un peu plus tard pour l’analyse de la sortie, pour ce temps de débriefing et de capitalisation indispensable où ce document de la CSV, réalisé ensemble, sera posé sur la table comme support de discussion.
Roche Faurio et le réchauffement climatique, pour un regard précis sur les phénomènes géomorphologiques
Les conséquences du réchauffement climatique sont particulièrement visibles en montagne et encore plus dans les Écrins. Et, en tant qu’alpinistes nous sommes aux premières loges pour nous en rendre compte.
Le glacier blanc est étudié depuis longtemps par le Parc National des Écrins et le sentier d’accès au refuge des Écrins est une belle histoire de glaciologie. Ce lien en donne toute la mesure.
Déstabilisation rocheuse dans les zones récemment désenglacés, comme l'accès au refuge des Écrins
Pour le glacier, des surfaces plus souvent déneigées et un accroissement de l'angle de la pente.
Flore d'altitude, pour une observation sensible, esthétique et scientifique.
Peut être avez-vous remarqué, tout en bas de la matrice de la CSV, une petite case sur les observations et en particulier sur la flore en altitude.
Ce petit rappel fait l’éloge du travail du Parc National des Écrins en matière de botanique sous la houlette d’un expert passionné et passionnant, Cédric Dentant.
Avec un message fort : Le monde de l’altitude n’est surtout pas un désert de vie ! À nous à apprendre mieux l’observer et c’est pas facile…
Vous pouvez retrouver ce sujet dans cet article: « CSV alpinisme, écologie, enjeux climatiques et pratiques professionnelles… «
Et, il y a aussi dans la CSV, une petite case « pratique », sur les transports, pour questionner la mobilité douce.
bel été et bonne ascension de ce beau sommet des Écrins, très accessible.
PauloG, le 28 Mai 2024