En cette période sidérante de pandémie, où la plupart des refuges ne sont pas gardés, il est incroyable d’avoir pu réaliser une itinérance de deux semaines à ski. Bien sûr, nous aurions voulu continuer un peu ce fil rouge de la GTA, basculer en Tarentaise puis en Italie vers le Val d’Aoste. Mais les frontières étant fermées, nous avons terminé notre périple sous l’Albaron à Bonneval sur Arc. D’où nous repartirons l’hiver prochain.
Ce sera le projet de la prochaine saison 2022, « De Bonneval à Zermatt », de la Vanoise aux Alpes Valaisannes.
GTA 2021, au fil des jours…
Nous voici tous rassemblés à la maison, dans le petit hameau des Hières.
L’hiver est de retour et ce lundi matin c’est un peu la tempête dehors. Une neige très attendue car les conditions d’enneigement étaient devenues misérables avec une longue période de beau temps et surtout avec le sable du 6 février, partout bien présent.
Cette année notre groupe s’est un peu réduit, nous serons 6 au départ. Et cette taille de groupe sera idéale pour mieux s’adapter aux conditions particulièrement difficiles qui nous attendent en début de traversée.
Ce lundi de mauvais temps sera donc consacré à peaufiner l’itinéraire et à optimiser nos sacs. Ils seront particulièrement lourds, avec à la fois le duvet (Covid oblige), la nourriture pour les refuges non gardés et le matériel glaciaire pour la traversée de la Vanoise.
Initialement, j’espérais partir directement de la maison, skis aux pieds, pour rejoindre le refuge du Goléon et inaugurer une traversée originale vers les Cerces. Mais impossible, les refuges du Goléon et des Drayères ne sont pas gardés.
Mardi : Pont de l’Alpe, refuge Laval
C’est le Grand départ. Il fait beau, tout est blanc.
Où serons-nous dans douze jours ?
Des passages du livre de Zwing « le chemineau de la montagne » me reviennent en mémoire et imprègnent mes premiers pas. Puis le vent nous bouscule sur l’arête du Chardonnet.
80 km/h de vent, l’aventure commence par un peu de baston. Puis tout se calme de l’autre côté. Pas une trace dans le vallon, ni aux alentours du refuge, quelle ambiance surprenante. Plus bas, le melezin du Queyrellin nous offre le meilleur de la Clarée. Le refuge de Laval a bien voulu nous accueillir pour la nuit et c’est un pur bonheur. Merci encore à toute l’équipe !
La soirée se passe tranquillement à griffonner la Carto des Vigilances, une routine qui nous accompagnera chaque jour.
Mercredi : Col de Névache, refuge de Terres Rouges (non gardé)
Une étape qui s’annonçait longue jusqu’au refuge du Thabor et qui s’est transformée en journée catabatique dès le passage du premier col. Nous avons bien failli faire demi-tour tant le vent au col était tempétueux et la visibilité quasi nulle. Heureusement, on devine vaguement une corniche au col d’où une plaque s’est déjà décrochée. Au moins, il n’y a plus de risque d’avalanche. Mais est-ce bien raisonnable de vouloir traverser dans ces conditions. Je pense un peu au Ben Nevis et à nos expériences dans le mauvais temps. Bien fermer toutes les écoutilles, mettre le masque, ne plus penser à rien et se frayer un passage à la pelle et dans les bourrasques pour déboucher au col. Après un premier passage, il est temps d’organiser la traversée pour tout le monde. « On y va ! Ce n’est pas difficile techniquement, mais j’ai besoin de toutes votre attention » Il y a des phrases comme ça qui donne le ton…
De l’autre côté, le vent a buriné la pente, nous descendons encore 100 m à pied, pas de visibilité mais IphiGéNie et seulement la fine trace du GPS qui indique le chemin parcouru. La carte zoomée au 12 500 est d’une belle précision, un outil indispensable avec si peu de visibilité. Mais comment faisions-nous, avant, avec seulement la carte et l’altimètre ?
16h10, voici la dernière combe et les grands plats qui conduisent au refuge, il est temps de manger un peu ! À 18h nous poussons enfin la porte du refuge d’hiver de Terres Rouges. Quelle surprise, le local est tout petit, mais à la fois propre et bien équipé. Luxe incroyable, il y a l’électricité, des toilettes, l’eau chaude et même une douche !
La journée a été éprouvante et le plaisir d’être enfin a l’abri est plus que réconfortant. Pas de doute, notre voyage commence bien. Mais où sommes nous exactement ? Comment continuer la route du lendemain ?
Jeudi : refuge de la Dent Parrachée
Le vent s’est calmé, il fait grand beau. Les premiers virages de la descente sont sublimes. Nous improvisons un itinéraire de toute beauté le long de la rivière. Une piste est même damée à Valmeinier et nous dépose directement à un abri bus. Le minibus arrivera peu de temps après pour nous conduire au supermarché de Modane, puis à Aussois. La journée continue par plus de 1000 m de montée. L’itinéraire soit disant de ski de rando est particulièrement mal tracé, surtout pour des gros porteurs. Damned, que la montée sera longue jusqu’au nid d’aigle de Franck, le refuge de la Dent Parrachée. Mais quelle soirée mémorable !!!
Je n’y étais plus passé depuis plus de vingt ans, alors que j’y ai fait des camps d’ado en ski de rando avec le club FSGT de Voiron et la FFME de l’Isère. Que de souvenirs avec Le Franck ! Faut absolument que j’y retourne…, et c’est même prévu pour notre prochaine traversée de la Vanoise.
Un petit mot sur la qualité de la trace de montée…C’est incroyable le peu d’attention qui est portée à la trace de montée, comme si cela n’avait pas d’importance sur le plaisir de se déplacer en montagne, la qualité de l’effort ou même la sécurité.
Pour nous, avec nos gros sac, ce fut une attention de tous les instants. Comme tout le monde traçait à tour de rôle, (c’est la notion de lead alterné dans le Faire Ensemble) les progrès de chacun ont été marquants, et nos traces de mieux en mieux
Vendredi : refuge de l’Arpont (non gardé)
Une belle étape, plutôt classique mais rendue un peu compliquée avec les conditions nivologiques du jour. Dorothée sera impériale pour faire la trace dans la partie finale du col de Laby. Et la descente du glacier de la Mahure sera excellentissime. Une très belle journée.
Au refuge, belle surprise, nous sommes seuls. Il y a de la place, un poêle et du bois, du gaz, mais pas de couverture ni de couette. Dommage…
Samedi : refuge de l’Arpont (non gardé)
Comme nous n’avions pas de place au refuge du col de la Vanoise, j’avais proposé de rester deux nuits au refuge de l’Arpont. Ce fut une très bonne idée. Nous avons ainsi pu faire une journée à la carte, entre repos et yoga, ou traçage de la pente un peu raide au-dessus du refuge.
Avec Dorothée et Duche, nous avons donc peaufiné la trace pour le lendemain, bien régulière avec de belles plateformes. Une initiative qui nous permettra le lendemain de passer ce passage clef sans stress, quasi « fingers in the nose ».
Ce passage et ce qu’il a provoqué comme réflexion et ré-organisation au sein du groupe a permit de mieux prendre en compte et qualifier une nouvelle vigilance dans l’élaboration de la Carto des Vigilances : la notion de glissade ou plutôt de chute (à la montée ou à la descente). Cette réflexion est également en résonance avec un article récent de Maud Vampoule dans la revue Neige & Avalanches de l’ANENA. Concrètement, sur la CSV, cette nouvelle vigilance a été décliné en quatre modes et donc en quatre couleurs avec un trait avec des croix.
Vert = sans conséquences,
Jaune = possible,
Rouge = avec des conséquences graves,
Noir = chute interdite.
La terminologie est bien sûr à affiner pour mieux collé à la réalité. Et pour nous, pour ce passage et avec le regel nocturne de cette face Sud, notre trajet était en rouge et nous avons donc organiser le groupe en conséquence et prenant en compte les réalités des différentes personnalités des participants. Une manière de dire que cette carto des vigilances (ainsi augmentée) est un outil pertinent pour éclairer et prendre en compte les facteurs humains liés à cette situation particulière d’exposition à un risque de chute.
Et nous avons surtout profité au mieux de ce lieu hors du monde. De nouveau, comme souvent en France, dommage que le local d’hiver ne soit pas mieux aménagé, un peu plus cosy. Il suffirait de pas grand chose. Bientôt, nous serons en Suisse pour la suite de la GTA et tout ira mieux de ce point de vue.
Dimanche : refuge du Col de la Vanoise.
Une journée qui a commencé sous de très bons auspices. Il fait beau, malgré un vent du Nord soutenu. Et la trace est faite jusqu’au plateau des lacs de Chasseforêt.
Un peu de nivologie en cours de route et nous voici bientôt au Col du Pelve, puis sur le plateau du Dard. Et c’est justement à ce moment là que les nuages montent de la vallée et envahissent le paysage. C’est le grand blanc, avec une visi quasi nulle. Pas vraiment l’idéal pour rejoindre le refuge du col de la Vanoise avec tout les micros reliefs. De nouveau, IphigéNie fait merveille et nous accompagne jusqu’au refuge. Quel luxe cet outil.
La transition est rude avec l’ambiance de l’Arpont, mais le refuge est particulièrement confortable et l’équipe pas trop stressée. Merci à eux d’avoir ouvert malgré tout.
Lundi : refuge de la Femma
Le départ se fait sans précipitation car le brouillard enveloppe le col et c’est plutôt une journée de transition qui nous attend pour rejoindre le prochain refuge, même si nous avons prévu de passer par le col de Pierre Blanche.
Le passage du Col de la Vanoise au Vallon d’Entre Deux Eaux n’est pas vraiment simple et la situation nivologique reste préoccupante, une grande traversée et nous voici à la jonction des deux vallées. « Il suffit de passer le pont »… et quelques heures plus tard nous voici au refuge de la Femma. Où l’accueil y sera aussi chaleureux qu’à la Dent Parachée ! Seul au refuge d’hiver mais en mode gardé pour cause de Covid, la soirée sera belle. Merci à Aurélien et à toute l’équipe.
Trop bien ce vallon de la Femma, de beaux itinéraires dans un relief compliqué et des sommets peu connus. Il faut absolument de j’y revienne l’hiver prochain pour un séjour de plusieurs jours (mais sans ce foutu virus… !
Mardi : refuge du Fond des Fours
Une journée de ski pour Dorothée…, c’était la nature du projet pour le gribouillon. Et ainsi fut fait, mais pour tout le monde, avec du très bon ski dans la face Nord de Méan Martin, puis dans la vallon des Fours.
À l’horizon, déjà les premières remontées mécaniques, ça fait bizarre. Mais aussi un peu de connexion pour organiser notre descente à Bonneval car nous n’avons vraiment pas envie de nous retrouver à Val d’Isère, dans un monde qui n’est pas le notre.
Pour le refuge… Il y aurait trop à dire, donc mieux vaut tourner la page.
Mercredi : Bonneval sur Arc
La journée semblait simple, juste à descendre pour retrouver la douche. Mais j’avais oublié qu’il fallait d’abord traverser un col et surtout que la gorge après le Pont des Neige pouvait être délicat. Quelques grandes courbes plus tard et en glissant sur la route, la descente dans la vallée ressemble vraiment à ce qui fait l’essence d’un voyage à ski. Vivre la montagne dans toutes ses dimensions et s’y sentir bien, alterner wilderness, grand blanc et montagne habitée.
La bière à la terrasse de l’hôtel du Glacier des Évettes a une saveur particulière…
Jeudi : refuge des Evettes
Une montée au refuge le matin en mode tranquille et un après-midi très contemplatif face au cirque des Évettes. Le voyage se termine en pente douce, nous prenons le temps de savourer les derniers instants. Le refuge d’hiver est bondé et pas vraiment confortable mais, malgré tout, la soirée fut bonne.
Pas vraiment top ce refuge des Evettes !
On dirait que la section du CAF de Lyon n’entretient plus le bâtiment. Pourquoi n’avoir laissé ouvert que deux dortoirs, surtout en cette période de Covid ? Certains we du printemps vont être difficilement vivable avec une affluence importante.
Vendredi : vers la petite Ciamarella et descente à Bonneval
Pour la dernière journée, nous avons choisi de privilégier la qualité du ski. Sur les conseils d’un petit groupe de jeunes « en télé travail », nous suivrons leurs traces vers la Petite Ciamarella, en concluant notre visite aux Évettes par la descente de la Gorge.
Tout les ingrédients sont maintenant réunis pour repartir de Bonneval au printemps 2022 pour une nouvelle saison et c’est la météo qui décidera de l’itinéraire, entre Prariond, Évettes ou Carro.
À l’année prochaine…, pour de nouvelles aventure !
Samedi : Retour à La Grave.
Une longue journée de transport, d’abord en taxi, en train puis voiture, pour enfin récupérer les véhicules laissés au Pont de l’Alpe. Puis une dernière soirée à la maison pour clore cette saison 2 de la GTA bien remplie. Merci au Faranchin pour la Tourte habituelle !
Paulo, un peu à la maison et qui se prépare pour le 3 ème confinement