Dans un article précédent « CSV, introduction et historique », nous avons proposé une définition de la CSV :
Pour nous, c’est…
- une représentation graphique de la préparation d’une sortie de ski de randonnée
- dans la démarche d’un 4×3 itératif.
- avec une intégration de certains outils de la nivologie.
- Et dans le cadre d’un Faire Ensemble.
Voici une présentation plus concrète de cette CSV…
CSV et intégration... Mais, c'est quoi exactement cette CSV ?
C’est une représentation graphique de la préparation d’une sortie hivernale, réalisée AVEC l’ensemble du groupe.
Pour la réaliser, il faut une feuille blanche et un crayon, et trois petits feutres de couleurs différentes (vert, jaune et rouge). Mais surtout, il est nécessaire d’y consacrer du temps et de réunir TOUS les participants pour la réaliser ENSEMBLE. Et c’est certainement ce qui est le plus difficile à systématiser pour toutes nos sorties hivernales. Car l’enjeu est bien d’en faire une routine quotidienne, une « bonne pratique de sécurité » incontournable et systématique.
La notion de représentation graphique est très importante car elle permet de compléter les échanges verbaux, d’utiliser une autre visualisation co-construite du projet commun, laissant une trace qui ultérieurement sera le support de l’analyse de la sortie réalisée.
En période de Covid, Philippe a également réalisé cette CSV à distance et avec tout le groupe. Ce qui en montre le caractère adaptable et flexible. Et c’est peut être une piste intéressante pour utiliser la CSV dans le cadre associatif (comme la FFCAM).
PLUS CONCRÈTEMENT ?
Il s'agit d'intégration et d'interactions...
On part d’une feuille blanche que l’on remplit progressivement.
Bien sûr, nous ne partons pas de rien car nous avons l’habitude de préparer nos sorties en montagne. Et, pour nous aider dans sa représentation graphique, il existe maintenant une matrice de cette CSV.
Concrètement, le contenu de cette matrice (la feuille blanche à remplir avec/par le groupe) est une intégration de quelques notions fondamentales de la nivologie, qui ont été organisées par cases successives.
Cette proposition de canevas reste très ouverte. A chacun de l’utiliser et de l’adapter à la situation réelle de l’instant. Le principal, au final, c’est qu’elle existe sur le papier, même de manière rudimentaire.
1… La nature du projet. C'est la première case à remplir.
C’est la question fondamentale, souvent évincée. Par contre, ce n’est pas le nom d’un sommet ou d’une course, mais la définition de ce que nous souhaiterions faire ensemble.
- Quel est le projet qui nous rassemble ?
- Nous rassemble-t-il réellement tous de la même façon?
- Avons-nous vérifié que chacun se retrouvait bien dans ce projet ?
- Quelle est la nature des questionnements qui émergent ?
Nous voici d’emblée dans le monde des facteurs humains avec des interactions entre les participants !
Puis, deux stratégies sont possibles:
- une idée de course existe et il faudra ensuite aller chercher les informations sur la situation nivologique.
- On étudie d’abord la situation nivologique, puis on recherche une course en cohérence avec cette situation et avec la nature du projet.
Une remarque. La première solution (une course pré-définie) complexifie énormément les interactions avec la nature du projet, les conditions nivologiques et les participants. Une solution médiane pourrait être de proposer plusieurs projets de course pour favoriser une co-construction.
2… La situation nivo-météorologique, avec trois cases.
- Les prévisions météo, à courte échéance, sont très factuelles, la plupart du temps relativement exacte ( mais parfois imprécise, erronée, ou pire inexistante. )
- Le BERA de Météo France est très concret mais à l’échelle d’un massif.
C’est le seul outil à notre disposition durant la phase de préparation. Il peut être analysé à l’aide d’Eval-BERA (un outil proposé par Seb Escande de l’ANENA).
Notre difficulté avec le BERA réside dans sa complexité de lecture et surtout dans la représentation que chacun se fait de la situation nivologique locale pour la course choisie ou à choisir. C’est donc une interaction majeure.
Un réel apprentissage est nécessaire pour que la lecture du BERA conduise à une localisation précise (pentes/orientations) du ou des problèmes nivologiques du jour. Et surtout, partagée et comprise par l’ensemble des participants. Cela nécessite beaucoup de connaissances de base en nivologie et constitue un domaine inépuisable d’enseignements. - Data-Avalanche et sites internet. Si la première, Data-Avalanche développée par Alain Duclos est une base de donnée concrète et structurée, les autres sources d’information sur internet comme Skitour, malgré leurs richesses, sont souvent chronophages . Elles conduisent parfois à un formatage de la décision (« c’est bon là, alors y va ! Et tout le monde y va !»). Seule solution d’avenir, qu’elles soient l’une et l’autre, encore plus et mieux documentées.
3… La partie centrale de la CSV, la course choisie.
Il est temps de valider le choix de la course et d’en faire un croquis, à la fois cartographique et nivologique. Pour cela, pas la peine d’avoir fait les Beaux Arts. L’emplacement choisi pour cette représentation est le centre de la feuille et cela en dit toute l’importance.
D’un point de vue cartographique, les pentes à 30° peuvent être représentées en rouge, au stabilo.
Puis, pour la nivologie, il est nécessaire de fractionner l’itinéraire en fonction des modes de vigilance estimés. Il nous faut pour cela intégrer la réflexion de « la vigilance encadrée » présentée par Alain Duclos, avec cependant une adaptation importante. Durant cette phase de préparation de la sortie, la notion de vigilance Détendu, Alerté ou Méfiant caractérise une pente (ou un ensemble de pentes) et incite le leader et le groupe à être soit Détendu, Alerté ou Méfiant en adoptant des postures pédagogiques ou de conduites différenciées (du « laisser faire » au « Faire soi-même », etc.). Une pente peut être qualifiée un jour de Détendu ou plutôt « propice à une pratique Détendu » et le lendemain devenir une pente qui « nécessite une pratique Alerté ». La pente n’a pas changé bien sur, mais c’est la situation nivologique qui s’est modifié (ou notre analyse). Pour complexifier l’histoire, la représentation d’une pente X, n’est pas la même en fonction des participants.
Les interactions sont nombreuses et particulièrement intéressantes lors de l’élaboration de ce schéma. Le choix de la course peut d’ailleurs être remis en question. Et il va en découler d’autres cases de la CSV.
4… La case « Stop, Think & Share »
Des points de décisions apparaissent quasi automatiquement à tous changements de niveau de vigilance, et les critères d’observation de la vigilance encadrée permettent de définir/prioriser ce qu’il faut analyser.
Ils seront également directement intégrés comme waypoint sur TOUS les IphiGéNie des participants ! Ce qui signifie que chaque participant sait utiliser cet outil sur son téléphone (c’est d’ailleurs une des méta-règles du Faire Ensemble en ski de randonnée).
La notion de « Stop & Think » a été proposée par Maud Vanpoulle, dans le cadre de la « résilience », et nous y avons ajouté le « share » pour notre cadre d’un Faire Ensemble interactif.
5… Les autres vigilances.
C’est une autre case qui met en relation, la météo, la course choisie et les participants, sur d’autres critères que la nivologie. Et qui sont également accidentogènes, comme :
- le risque de chute (à la montée ou à la descente) appelé communément glissade. Les pentes à plus de 30° prennent alors une autre signification.
- Une détérioration de la visibilité nécessitera de réelles compétences et stratégies de navigation mais surtout n’est absolument pas compatible avec une portion d’itinéraire en mode Méfiant.
- Le terrain glaciaire est également un domaine particulier, comme le caractère alpin d’une course.
6... La fréquentation
Cette petite case est apparue grâce à Alexis Mallon et à une réflexion menée au sein de l’ENSA.
Elle concerne certaines courses très fréquentées, qui deviennent encore plus complexes en présence d’autres groupes.
Cette fréquentation, sur certains itinéraires, devrait inciter à plus d’échanges, de bienveillance et d’interaction avec les groupes en présence, au refuge et sur le terrain. Forcément, cet item deviendra de plus en plus marquant à l’avenir et quelques accidents liés à la fréquentation ont déjà eu lieu.
7… Organisation matérielle.
Cette case est très classique et elle est en interrelation avec beaucoup d’autres. Plus elle sera précise, plus la course pourra être bien gérée.
Les trois dernières cases de la CSV concernent les facteurs humains, avec la posture du leader, les biais cognitifs et les participants.
Ils seront abordés dans un prochain article, tellement le sujet est large et complexe.
Mais cette définition de la CSV comme étant une simple représentation graphique n'est-elle pas un peu réductrice ? La CSV semble beaucoup plus que celà ?
Effectivement, cette représentation graphique n’est que la partie émergée de l’iceberg CSV. Principalement parce qu’elle s’est construite avec deux piliers importants : le faire ensemble et une démarche qualité.
Par exemple :
- Le fait qu’elle soit réalisée avec et par le groupe permet d’ouvrir la réflexion sur les facteurs humains, de pouvoir mieux les prendre en compte.
- Que la CSV permette de réaliser l’analyse de la sortie invite également à réfléchir à la Roue de Deming et à la capitalisation des acquis de l’expérience.
- D’un point de vue pédagogique, en lien avec les différentes formes de vigilance, il est également possible de questionner la posture du leader, et donc aussi sa formation.
De manière plus large, la notion d’implication des participants (le faire ensemble) permet d’aborder une forme de co-responsabilité qui pourrait être très utile dans le domaine juridique et des assurances, mais aussi dans le monde associatif dont c’est une des valeurs clefs.
Et ce sont encore d’autres sujets qu’il faudrait aborder… À bientôt pour un prochain article sur la CSV !
Paulo Grobel & Dominique Ansel, le 27 Janvier 2022… Avec un beau temps scandaleux dans l’Alpe.
Une série d’articles sur la CSV, la Cartographie Systémique des Vigilance. À retrouver au fil de l’hiver…
- « CSV, introduction et historique »
- « CSV : la Cartographie Systémique des Vigilances, 3 mots à définir. »
- « La CSV : deux mots clefs, Intégration et interactions »
- « Avec la CSV, du 3 x 3 a un 4 x 3 itératif. »
Et, le prochain post sera consacré à la Vigilance Encadrée d’Alain Duclos. (Rendez-vous fin février)
- « CSV et Cristal. La vigilance encadrée au coeur de la CSV »
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