Stress et CSV

Comment limiter le stress dans nos sorties en montagne ?

Les situations de stress sont courantes dans une activité de pleine nature comportant des risques. À la fois pour le leader et les participants.

 Et ce stress peut avoir des conséquences positives ou négatives sur nos comportements et nos prises de décision. Il est d’autant plus important de comprendre les différentes formes de stress, d’être attentif à la fois aux situations qui pourrait provoquer du stress et aux formes d’expression de ce stress par les personnes concernées. Il s’agit principalement d’être dans une posture préventive pour éviter le plus possible ces situations, de mettre des mots sur notre ressenti de la situation et d’être capable de les exprimer et de les partager. La CSV est un outil de préparation, de planification d’une sortie centrée sur l’Humain permettant une expression anticipative des inquiétudes ou du stress des participants à une sortie en montagne. Cette expression pourra exister à condition qu’un espace de parole bienveillant puisse s’ouvrir, avec le temps nécessaire à une écoute attentive. 

Et c’est justement ce que nous sommes souvent incapable de faire ou de mettre en place.

Cet article est un document de travail en cours de rédaction par un petit groupe de réflexion. Il devrait aboutir à une publication ultérieur dans une revue de montagne. Vos commentaires et contributions sont donc les bienvenues.

C’est incroyable comme ce sujet du stress, qui peut sembler anodin ou banal, permet d’ouvrir des portes insoupçonnées de connaissances et de progrès. C’est un vrai sujet à approfondir, qui permettra ultérieurement d’aborder plus sereinement le chapitre des émotions.

 Quand on demande à des pratiquants de la montagne quelles sont les situations qui leurs ont provoqués du stress durant l’une de leurs dernières sorties en montagne en hiver, voici une liste de leurs réponses.
  • L’inconnu d’un itinéraire.
  • Un niveau technique limite pour la course envisagée, ou celui d’un participant.
  • Des conditions nivologiques complexe (une sortie par risque marqué, avec des pentes à plus de 30°).
  • Une météo instable.
  • Un manque de visibilité, un jour blanc.
  • Des impératifs horaires à respecter.
  • Un groupe qui n’avance pas.
  • La méforme d’un participant.
  • Un problème de matériel.
  • Un passage exposé à la montée ou à la descente.
La spécificité des facteurs déclencheurs de stress en montagne
 
·      Physiques : état de fatigue, rythme du groupe difficile à tenir, préparation physique insuffisante ou inférieure à la majorité des participants, équipement vestimentaire ou matériel inadapté.
 
·      Environnementaux : l’inconnu, l’imprévu, l’incident, l’accident… Le risque d’avalanches, la qualité du rocher, la qualité de la neige, la perte de matériel, conditions météorologiques défavorables voire extrêmes.
 
·      Physiologiques : faim, froid, chaleur excessive, douleurs, manque de sommeil, problème de santé.
 
·      Psychiques : 
  • 1.     Soucis personnels, 
  • 2.     Participants inconnus, 
  • 3.     Participant en retard au rdv de départ,
  • 4.     Participant à attendre, en difficulté, 
  • 5.     Perception d’un faible niveau de contrôle de la situation, 
  • 6.     À priori négatif sur un participant lié à une expérience passée ou au qu’en dira-t-on, 
  • 7.     Groupe trop important en nombre de participants,
  • 8.     Présence d’encadrant en qualité de participant et de participants plus expérimentés dans le groupe, 
  • 9.     Compétition entre les personnes, 
  • 10.  Groupe non homogène, 
  • 11.  Participant individualiste, 
  • 12.  Sentiment d’absence de confiance de la part de participants à l’égard de l’encadrant, 
  • 13.  Attentes du groupe, 
  • 14.  Ego (compétences mises en doute et mise à l’épreuve de l’encadrant, réputation à tenir), 
  • 15.  Solitude de la décision, 
  • 16.  Responsabilité d’un groupe.
 

D’’emblée, la plupart de ces situations pourraient être évitées grâce à une préparation attentive de la sortie.

Le stress et la CSV

Le stress et la CSV, de l’importance de la préparation et du débriefing.

Si les leaders et les participants vivent encore ces situations de stress durant leurs sorties, c’est qu’à l’évidence soit la préparation n’a pas été faite du tout ou de manière rapide. Ou n’a pas été faite de manière participative en impliquant l’ensemble du groupe.

La CSV, comme outil de préparation, permet d’ouvrir un espace de discussion, d’expression des inquiétudes, des questions que peut susciter une sortie collective en montagne. L’émergence d’un stress peut exister dès la préparation de la sortie et il peut surtout être exprimé, écouté et pris en compte, avec des réponses forcément empathiques. A condition de le vouloir.

 Le débriefing a également un rôle important à jouer dans la prise en compte du stress, en actant cette réalité et en analysant la manière dont il a été pris en compte par le groupe et le leader. Et la CSV est également un support utilisée pour structurer ce débriefing et analyser sa préparation.

En conclusion : La pratique régulière d’une préparation attentive et d’une analyse post activité sont essentiels pour réguler les effets de stress aigu et éviter l’évolution vers un stress chronique qui affecte l’équilibre d’une personne, diminue ses compétences, modifie négativement ses réactions face à de nouvelles situation d’encadrement mais aussi de la vie ordinaire. 

le stress et la CSV

Connaitre et reconnaitre le stress. Des connaissances scientifiques.

Si le mot stress a été mis un peu à toutes les sauces et a peut être perdu de son sens, c’est aussi un sujet d’étude scientifique et il est important d’avoir en mémoire sa réalité et ses différentes formes.

L’objectif est de mieux reconnaître les situations qui favorisent le stress, de pouvoir en parler et surtout agir pour les éviter. La CSV pourrait-elle accueillir une case spéciale dédiée au stress ? À suivre…

De quelle stress parle-t-on pour nos sorties en montagne ?

Un peu de références scientifiques et de vulgarisation sont donc nécessaire. Voici un extrait d’un texte de Geneviève Guittat et Fabien Berthelot, utilisé lors d’une formation au stress, au 
CAF de Chambery (groupe RETEX).

Définition du stress.

Le stress, c’est :

  • « un syndrome général d’adaptation, un ensemble de réactions ou de mécanisme biologique naturel d’adaptation d’un organisme soumis à des pressions ou contraintes de l’environnement. » (Hans Seyle)
  • « Une transaction entre la personne et l’environnement dans laquelle la situation est évaluée par l’individu comme débordant ses ressources et pouvant mettre en jeu son bien être » (Richard Lazarus et Susan Folkman)
  • « Une paralysie situationnelle » (Henri Laborit)

Dans les actions que nous menons, nous sommes amenés à nous adapter en permanence, et nous le faisons plus ou moins sur 3 modes qui correspondent à trois niveaux de fonctionnement de l’être humain : 

1.     Le circuit de la réussite  

2.     Le circuit du stress aigu

3.     Le circuit du stress chronique 

1. Le circuit de la réussite de l’action

Dans notre cerveau, la structure qui gère notre adaptation « réussie » s’appelle le striatum. Il produit au moment de nos réussites une hormone – la dopamine – qu’on appelle communément l’hormone du plaisir et de la facilitation de l’action. 

Cette structure cérébrale renforce 5 fonctions : 

  • 1.     Manger
  • 2.     Se reproduire
  • 3.     Acquérir du pouvoir (compétition ?)
  • 4.     Comprendre son environnement. (Information) et augmenter sa compétence
  • 5.     Développer l’aisance à agir en optimisant l’effort.

Le striatum nous incite en fait à rechercher toujours plus de plaisir, même quand nos besoins sont satisfaits. Le striatum n’a donc pas de limites et nous procure du plaisir que si nous obtenons plus que la fois précédente ; il nous pousse de façon compulsive à désirer toujours plus ; nos circuits du plaisir ne sont stimulés qu’en augmentant les stimuli de l’action.

2. Le stress aigu

Le stress aigu comporte 3 phases : 

  • Phase d’alarme : la personne mobilise ses forces de défense : on observe une sécrétion d’adrénaline. 

L’alarme est immédiate : l’organisme se prépare au combat ou à la fuite. Dès sa confrontation à une situation évaluée comme stressante, l’organisme réagit immédiatement en libérant l’adrénaline. Celle-ci augmente la fréquence cardiaque, la tension artérielle, les niveaux de vigilance, la température corporelle… Ces modifications ont pour but de préparer l’organisme à réagir en amenant l’oxygène aux organes qui vont être sollicités.

  • Phase de résistance :  la personne met en jeu toutes les forces dont elle dispose pour s’adapter à la situation stressante.

La phase de résistance se déclenche si la situation persiste : peu de temps après la première phase, de nouvelles hormones, les glucocorticoïdes (cortisol) sont sécrétés par la glande corticosurrénale. Ces hormones augmentent le taux de sucre dans le sang pour apporter l’énergie nécessaire aux muscles, au cœur et au cerveau et y maintenir un niveau constant de glucose. L’organisme se prépare aux dépenses énergétiques importantes que nécessite la réponse à la situation stressante. 

  • Phase d’épuisement et/ou phase de récupération 

Si la situation stressante se prolonge ou s’intensifie, l’organisme entre en phase d’épuisement. Dans cette situation, les capacités de l’organisme sont débordées. L’autorégulation des glucocorticoïdes devient insuffisante.

Les conséquences du stress sur notre santé mentale, physique et psychique sont :

  • Soit bénéfique : le stress nous pousse à agir. 
  • Soit néfaste : le stress nous déstabilise.

Ses conséquences psychiques sont des émotions mal gérées.

3. Le stress chronique

(Une remarque… Dans une course en montagne, nous ne sommes pas concerné par cet état de stress, mais dans nos vies, dans notre entourage, forcément)

Le stress chronique est un état durable marqué par des désordres multiples dont notamment la fatigue et la nervosité.

La situation : cela fait plusieurs jours consécutifs que vous ressentez une pression interne. Quelle que soit l’origine de vos problèmes, qu’ils soient relationnels, professionnels, financiers, et même sportifs, cette sensation anxiogène ne vous quitte plus. Vous pouvez perdre plus ou moins vos motivations, vous parlez trop fréquemment de ce qui vous perturbe, vous vous réveillez le matin fatigué, et peut être « triste ».

 La réaction de notre organisme est influencée par une situation stressante que nous avons déjà vécue et que nous associons à la situation présente. Il y a un effet d’accumulation.

  • La réponse à une situation stressante dépend de la façon dont elle est perçue.
  • Cette adaptation personnelle liée à notre histoire explique, en partie, que des personnes confrontées à la même situation réagissent différemment.

En fonction de l’idée que l’on se fait de la situation, la personne peut réagir de 4 façons différentes (stratégies d’adaptation) :

  1. ·   Évitement : fuite ou réticence. C’est le comportement le plus fréquent car il apparait comme le plus confortable.
  2. ·   Inhibition : la personne est en quelque sorte sidérée. Elle attend passivement que l’autre trouve une solution à sa place ou que celle-ci arrive par magie. Elle traduit notre incapacité à nous sentir capable de générer une action positive. 
  3. ·   Réactions émotionnelles : colère, crises de larmes, agressivité.
  4. ·   Recherche de solutions : c’est la stratégie de coopération. On sollicite les membres du groupe, on recherche des informations et des solutions.

Si, lors d’un évènement critique, on trouve une solution efficace, la personne ré-enclenche le circuit de la réussite et de la récompense physiologique qui vient avec la libération de dopamine dans le corps.

Les manifestations du stress chronique :

Le stress chronique est une accumulation de tentatives pour trouver de bonnes solutions mais que notre adaptation est à marche forcée sans prendre le temps de récupérer. Nous consommons nos réserves hormonales jusqu’à l’épuisement provoquant le dérèglement de la majorité de nos fonctions organiques. 

La liste des symptômes ci-dessous est quasiment exhaustive.  

  • Symptômes physiques sous deux modes : 

·   Accélération rythme cardiaque, hypertension, nervosité tremblements, sueurs, gorge serrée, poids sur la poitrine et douleurs thoracique, tension musculaire, troubles de l’appétit et de la digestion, douleurs, nausées, étourdissements, sueurs inhabituelles, troubles du sommeil. Incapacité de se détendre,

·   Sidération/ inhibition, agitation, gesticulation, fuite, panique, état de choc et répétition de gestes automatiques échappant à la conscience.

Symptômes cognitifs : 

 Trous de mémoire, incapacité de se concentrer, mauvais jugement, vision négative dominante, pensées anxieuses, constante inquiétude.

Symptômes émotionnels : 

La personne vit des sautes d’humeur, éprouve des sentiments d’écrasement, de solitude et d’isolement, elle vit des crises de larmes, de tristesse, de sensation de mal-être…

Ces symptômes s’installent en quelque semaines : 

  • Ils peuvent dans des situations stressantes augmenter le risque d’accident en montagne. 
  • Ils ont des répercussions sur les comportements : recours à des produits calmants ou excitants (café, tabac, alcool, somnifères, anxiolytiques, stupéfiants…), repli sur soi, difficultés à coopérer, diminution des activités sociales.
La CSV et le stress

Reprenons les exemples concrets de stress, illustrés avec une utilisation de la CSV.

  • L’inconnu d’un itinéraire.

L’augmentation des compétences carto de chacun est une forme de réponse à ce stress. 

La cartographie est la partie centrale de la CSV, avec une représentation graphique simplifiée de l’itinéraire qui permet de le structurer et surtout de le mémoriser. En cas d’oubli, sur le terrain il est facile de le ressortir et de le consulter. Ce temps consacré à l’itinéraire permet d’aborder plus sereinement un itinéraire inconnu, même s’il est complexe ou difficile.

UnL’une des méga règles de la CSV est aussi que chaque participant dispose obligatoirement d’une application de carto sur son téléphone et sache s’en servir. Durant la préparation, chacun y aura mis des épingles au points de carto ou de décision et pourra donc sortir sa carte numérique à tout moment. C’est également un temps possible de formation.

Ce stress devrait donc ainsi rester à un stade positif.

  • « Un niveau technique limite pour la course envisagée, ou celui d’un participant. »

La réponse se trouve dans la première étape de la CSV : « Qui sont les personnes qui constitue le groupe ? ». 

Avec un questionnement sur les attentes, les capacités, les compétences de chaque personne. Et surtout, avec une adéquation de cette réalité avec le projet et l’objectif envisagé. Cette espace de discussion, parfois difficile à conduire, repose également sur l’auto évaluation et sur une absence de jugement.

L’objectif n’est pas d’éliminer ce stress, mais de le réduire à un stade positif.

  • « Des conditions nivologiques complexe (une sortie par risque marqué, avec des pentes à plus de 30°). »
 C’est un sujet complexe, car l’attention nécessaire en situation complexe est salutaire, et donc indispensable. La CSV permet de mettre l’accent sur les compétences nécessaire ( c’est aussi un outil de structuration du contenu) et sur les stratégies de formation (par exemple le Learning by doing, le lead alterné). Avoir une vision claire des outils nivologiques utilisés, pouvoir les partager, échanger, apportent forcément une meilleur compréhension de la situation, à la fois dans la préparation et sur le terrain. Augmentation des compétences de chacun, prise de conscience des réalités, construction participative des manières de résoudre le problème posé, décision final argumenté, sont autant d’éléments structurants que la CSV met en oeuvre de manière visible et concrète. Le débriefing et la capitalisation, bien présent dans la CSV termine cette boucle de la qualité.

  • « Une météo instable. Un manque de visibilité, un jour blanc. »

La vigilance Mauvais Temps, écrit après la GTA, est un point de repère pour mieux prendre en compte une météo complexe. Une préparation précise permet de faire le lien entre les conditions, le matériel nécessaire et les compétences à avoir ou à acquérir. La nécessité pour chaque participant d’utiliser une application de cartographie (une méta règle de la CSV) et d’être impliqué dans la conduite de la course devraient permettre de limiter cette pression.

  • Des impératifs horaires à respecter. Un groupe qui n’avance pas. La méforme d’un participant.
Nous sommes là radicalement dans l’Humain. Et donc forcément, la CSV devrait pouvoir réduire les déséquilibres entre les réalités du groupe, de la personne et la réalisation de l’objectif choisi. Pouvoir mieux définir « la nature du projet » devrait permettre de limiter ces déséquilibres. La qualité de la communication est au centre de cette réflexion. Cette espace d’expression est inestimable pour mieux vivre la randonnée.

  • Un problème de matériel.
 
  • Un passage exposé à la montée ou à la descente.
 
Article en cours de rédaction… A suivre

ANNEXE

Un texte sur les références historiques et scientifiques sous la plume de Dominique Ansel, enseignant-chercheur en psychologie sociale.

Ce que nous appelons aujourd’hui stress était au 1 er siècle avant J.-C pour les hommes de pensés un mal latin du nom de stringere « pour signifier l’étreinte, le serrement de cœur, la blessure, l’offense ou l’élancement douloureux » (Janot-Bergugnat, Rascle, 2008, p.8). Ce mal défit donc les lois du temps. 

Ainsi, au-delà des pensées communes, le stress n’est pas un mal né entre les murs du XXIème siècle mais trouve une origine dans des écrits de Virgile, Cicéron ou encore Ovide et dans les premières symbolisations des maux. Le stress est de tout temps et d’après les auteurs Rascle et Janot-Bergugnat : « de l’Antiquité à la Renaissance, l’idée de stress contient déjà un double sens : elle s’exprime soit dans le domaine des émotions, caractérisant l’état psychologique d’un individu en proie à ses tourments, soit dans le domaine du monde physique lourd de contraintes et de tensions diverses ». (2008, p.8). Le terme est ensuite repris dans l’ancien français devenant « estrece » ou « estresse » du verbe « estrecier » qui se joint autour de l’idée d’étreinte, de serrer le corps avec les bras en serrant assez fort mais qui se rapproche négativement au fait d’oppresser et de serrer l’autre à un tel point qu’il en arrive à une « détresse » qui « étreint le cœur, l’âme, et nous conduit à détresse, autre mot issu de stringere, à savoir : sentiment d’abandon, de délaissement, de solitude, d’impuissance… que l’on éprouve dans une situation poignante (besoin, danger, souffrance…) » (Stora, 2016, p.7).

 Les anglais reprendront ensuite le terme pour évoquer finalement une souffrance, une pression, qualifiant parfois même par ce seul mot une vie entière d’ennuis, de privation. Puis, Stora (2016) explique que le terme connut une évolution notable : passant d’une conséquence émotionnelle à un agent créant dans le domaine de la métallurgie. En effet, la pression donc le stress conduit à ce qu’il nomme la déformation, la rupture. Ce raisonnement s’est ensuite appliqué à l’homme qui, comme l’objet, soumis à une pression ou des tensions se rompt dans le sens où des troubles psychologiques et somatiques peuvent apparaître.

Le médecin Hans Selye, en 1936 établira la théorie du stress où Selye (1956, 1974, 1975) intègre la réponse de l’organisme aux exigences de l’environnement, tant physique que psychique, dans un schéma qui permet d’éclairer les effets spécifiques et les réactions physiologiques. On parle de Syndrome Général d’Adaptation. Ainsi, il semble que n’importe quel événement de vie, qu’il soit d’ordre physique, psychique ou émotionnel, positif ou négatif, provoque une réponse biologique de l’organisme, identique et stéréotypée. Le stress résulte donc, dans cette conception, d’une résistance de l’organisme face à un environnement nocif. » (cité par Lourel 2006, p.2). Il s’aperçoit qu’il y a des réactions non spécifiques face à des stimuli traumatiques. Il émet l’hypothèse que le stress est une réponse non spécifique de l’organisme aux exigences de la situation où il se trouve. Pour lui, la réponse ne dépend pas des propriétés de l’agent stressant, c’est toujours la même réponse physiologique qui est destiné à retrouver l’homéostasie. Il l’appelle Syndrome général d’adaptation : quelque soit la menace, l’organisme essaye de s’adapter en suivant les mêmes étapes. Ces étapes il en distingue trois : la réaction d’alarme en lien avec l’événement de surprise, le syndrome général d’adaptation et enfin la période d’épuisement. La phase d’alarme naît à la suite d’une agression soudaine de l’environnement sur l’organisme qui va alors répondre de façon violente avec comme manifestation une augmentation de la tension artérielle, du rythme cardiaque, sudation, cortège de réactions musculaires liées à la fuite ou à la contre-attaque. A la suite de cet évènement, le corps peut ensuite tenter de s’adapter pour survivre en développant des stratégies pour tenter de revenir à son équilibre d’origine. Cependant, si l’organisme est en perpétuelle adaptation, la phase d’épuisement peut venir s’ajouter à celle de l’adaptation (Lecoeur, 2011). 

Selye définit le stress dans son livre Stress comme « condition dans laquelle l’organisme répond à différents stressors ou agents de stress ». Le stress est « l’état se traduisant par un syndrome spécifique correspondant à tous les changements non spécifiques ainsi induits dans un système biologique » » (cité par Stora, 2016, p.8). Cette approche physiologique, cette théorie, a très largement contribué à intégrer le terme de stress dans le langage courant comme scientifique avec comme preuve son entrée dans le dictionnaire Larousse comme étant « Un état réactionnel de l’organisme soumis à une agression brusque ». Pour Selye, l’absence de stress pourrait être égale à un état de mort. Le stress borde la vie. Il n’est pas assujetti à une situation particulière de la vie humaine : le stress pendant un examen, le stress pour une compétition sportive, le stress pour un entretien d’embauche, le stress de devenir parents. Ainsi, il existe autant de stress qu’il pourrait exister de situations en agression/réaction.

Dans les théories sur le stress psychologique, il est possible de nommer celle de Lazarus dans les années 80. Ces théories vont venir en quelque sorte remplacer les théories biologiques sur le stress en renvoyant l’idée que le stress est médiatisé par un processus d’évaluation cognitive. Pour lui, un événement n’est pas stressant en soit, il est stressant que si l’individu l’évalue comme tel. L’individu ne répond pas de manière passive au monde extérieur, il l’évalue et y réagit en fonction de cette évaluation. Les cognitions jouent un rôle majeur dans le déclenchement des réactions de stress. Ainsi quand l’individu juge un événement comme menaçant et dépassant ses capacités à faire face il va faire l’expérience du stress. Le stress est donc une rupture de l’état d’équilibre fait par une évaluation. D’une personne à l’autre ce n’est finalement pas le même évènement. Il faut souligner le fait par conséquent qu’un individu peut ressentir du stress alors même qu’un autre individu ne ressentira rien. Au fur et à mesure que la relation entre situation et l’individu va progresser, l’évaluation progresse aussi. En ce sens il y a sans cesse un feedback, une boucle de rétroaction qui est permanente (concept proche de la perspective systémique développée par l’Ecole de Palo Alto). Pour Lazarus (1980) le stress n’est pas dans l’environnement, ni dans l’individu, mais il est dans la relation/transaction entre les deux.

Apport de la psychologie des émotions et du travail : Le modèle transactionnel (Lazarus et Folkman, 1984) même si le cadre théorique reste encré sur la dimension cognitive individuelle, tiens compte au niveau des stresseurs du contexte (relationnel, organisationnel, institutionnel) de la situation stressante et laisse entrevoir une perspective groupale et interactionnelle de la notion de stress.

• Ce modèle introduit la notion d’écart entre les ressources / contraintes internes (l’individu) et les ressources / contraintes externes (l’organisation.)

• Le stress résulterait d’un écart entre les capacités d’une personne et les exigences de sa tâche mais aussi d’un écart entre les besoins (en particulier de soutien relationnel vertical et horizontal) d’une personne et les capacités d’une organisation (ou d’un groupe) à les satisfaire.

• Ce modèle introduit l’idée d’une confrontation dynamique et évolutive entre l’individu et la situation de travail.

L’issue de cette confrontation ne dépend pas des caractéristiques objectives de l’individu ou de la situation de travail mais du contrôle réel / perçu que l’individu peut exercer sur la situation.

Le « faire-face » ou coping correspond aux tentatives actives d’ajustement aux conditions environnementales (prévention, évitement, attaque, actions palliatives). Certains aspects relèvent de l’inconscient, ce sont alors des mécanismes de défense (déni, déplacement=déplacement de l’émotion sur un autre objet, intellectualisation, agressivité).

Merci de votre lecture attentive. 

Ce sujet est loin d’être terminé et nous vous remercions d’avance de votre contributions, en mail perso ou en commentaires.

1 réflexion sur “Comment limiter le stress dans nos sorties en montagne ?”

  1. paulo.grobel@orange.fr

    Un commentaire issu de FB. par Frédérique Delrieu.
    En très rapide. Cet article dit que la préparation joue son rôle dans la manifestation du stress et met l’accent sur des facteurs externes (environnement humain et éléments naturels avec leurs aléas), ainsi que sur le groupe.
    On parle là, il me semble, d’un niveau de stress trop haut, qui ne permet pas la quiétude et les bonnes décisions. Et oui, le contrôle perçu sur une situation implique un certain état de stress. Des études montrent que le surentraînement diminue le niveau de stress par exemple.
    Cependant, le stress n’est pas « mauvais en soi », loin de là, pratiquer l’alpinisme nécessite un niveau de vigilance, et donc d’être dans un certain état de stress, ni trop haut, ni trop bas. Et cette zone est propre à chacun. Connaitre sa propre zone, c’est ce que les psychologues de la performance et du sport (un de mes métiers) enseignent.
    Différencier le stress des émotions n’exclut pas cependant pas les relations mises en évidence, souvent d’ailleurs les gens utilisent souvent le mot stress pour décrire l’anxiété. Je pourrais rajouter qu’un niveau pas trop haut d’anxiété est favorable à la pratique de la haute montagne comme à la pratique du sport de haut niveau. On est enclin à faire davantage de bêtises dans un état particulièrement joyeux ou d’émotions positives. Lazarus a, dans un premier temps, traité les deux sujets (stress , émotions) dans des ouvrages de recherches distincts dont l’un aboutira au modèle transactionnel du stress de Lazarus & Folkman (1984), dans lequel le stress est défini comme « une transaction entre la personne et son environnement dans laquelle cette personne évalue la situation comme dépassant ses ressources et pouvant mettre en danger son bien-être ». Cependant dix années plus tard Lazarus commencera à soutenir que le stress et l’émotion devraient être examinés comme un seul sujet complexe (Lazarus 1993). Il mettra l’émotion au centre de son modèle considérant et qu’elle englobe tous les phénomènes importants de stress. « Nous croyons que les émotions permettent une compréhension beaucoup plus riche des luttes d’adaptation des animaux humains et infrahumains », Lazarus (2000). Et les émotions sont plus difficiles a appréhender que le stress, énormément de gens ne les reconnaissent pas, alors que c’est à partir de cette reconnaissance que l’on peut leur donner une bonne direction (qu’elles soient négatives ou positives).
    Par ailleurs Lazarus a , (à partir de 1991) insisté sur le fait avéré que l’évaluation cognitive n’est pas la seule composante de l’émotion. Les épisodes émotionnels s’expriment par une composante physiologique (changements corporels), d’expression motrice, tant au niveau de l’expression faciale et vocale, que dans la posture et la gestuelle et une composante motivationnelle incluant les tendances à l’action (par exemple, approche et évitement). Par ailleurs l’intensité des manifestations physiologiques varient considérablement d’un individu à l’autre. Ça veut dire que d’autres approches que cognitives sont nécessaires pour bien gérer.
    Pour revenir à l’article cité, est-ce que le débriefing peut jouer sur l’état de stress/émotion ?
    Oui, s’il est bien conduit en connaissances de certaines limites. Par exemple lors d’évènement grave, on pensait il y a quelques années qu’il fallait faire entrer les gens dans l’émotion immédiatement après l’évènement, on sait aujourd’hui qu’il ne faut pas le faire.
    Si le débriefing aboutit à la fixation de buts progressifs pour la progression en alpinisme, à un ré-évaluation cognitive d’une situation qui aurait pu laisser de mauvaises traces, par exemple, alors oui, c’est un atout. Reste que tout le monde n’est pas candidat à un debriefing en groupe.

    Et aussi le site de Frédérique : https://www.psychoperformance.fr/le-stress-dans-toutes-ses-formes?fbclid=IwAR3RqqB6RkNFFOSWoDgH_Oz-xt-jrlqyaX34SwT4E-ySyNOIIicIClgNOa8

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