Trois photos pour l’Himlung

L’exercice est difficile et demande du temps et de la disponibilité.
Au retour d’un voyage, d’une expédition se poser un peu et laisser émerger les souvenirs, les éléments marquants, les émotions les plus fortes, les instants inoubliables.

Puis, en choisir trois ! Uniquement trois…
Et trouver trois photos pour les illustrer.

L’inverse est aussi possible.
Choisir 3 photos marquantes et par le commentaire réaliser 3 cartes postales de l’expé.

C’est maintenant devenu presque une habitude à chaque retour.
Pour l’Himlung 2016 , c’est une sorte de conclusion, de point final.
Pour donner encore plus de relief à nos souvenirs, à l’aventure vécue et partagée.
C’est un exercice forcément intime, presque intimisme… Mais qui se partage aussi, pour lever le voile sur les coulisses émotionnelles d’une expédition himalayennes.

Merci à me compagnons de voyage de s’être prêtés à ce jeu délicat.


Himlung 2016.
« Trois photos pour une expé », par Paulo (alias Djungé Bothe)

Ambiance...
Ambiance…

La journée du sommet commencée au milieu de la nuit fut un moment très fort.
Sans stress ni difficulté, simplement se lever après une bonne nuit, déjeuner avec Olivier, se préparer sans se gêner.
Dans la nuit noire, il fait particulièrement doux, sans un souffle de vent !
Un brouillard épais recouvre le camp, donnant une ambiance un peu surnaturelle.
Avec Loïc, nous partons les premiers, le plus tranquillement possible. La trace est bonne et dans la nuit c’est un fil conducteur très agréable. L’esprit peut lui aussi se mettre au diapason de la marche.

au jardin de Sechen… un petit dejeuner qui dure.
Au jardin de Sechen… un petit dejeuner qui dure.

Il a aussi le groupe, ou plutôt les groupes…
Notre petit groupe de mecs, plutôt attentifs aux uns et aux autres, et concentré sur le même objectif.
Et les népalais bien sûr, toute l’équipe habituelle avec en plus Mingma, seule femme de l’expé…

 

Une paysage très wild...
Une paysage très wild…
Unenouvelle piste dans la forêt… !
Une nouvelle piste dans la forêt… !

Une double photo comme deux versants d’une même réalité.
Le plaisir de parcourir un nouvel itinéraire avec Bishal, de Phu à Naar.
Et la tristesse de découvrir le début du chantier de la nouvelle piste depuis Koto, qui dans quelques années rejoindra Meta.
Deux sujets importants du site qui seront documenter au fil du temps.


Himlung 2016.
« Trois photos pour une expé », par Olivier (alias Swissco Badje )

purna

Une expé comme l’Himlung 2016, c’est d’abord un tout beau trek et plein de matériel à transporter tout là-haut.
Cette photo, c’est les acteurs invisibles.
Purna avec ses mules, il nous a tout apporter au camp de base et tout restituer à Koto sans presque qu’on en entende parler.
Et il m’offre une de mes plus belles photos.

tente

2) L’Himlung 2016 c’est surtout un sommet à vaincre, ou non,  à convaincre.
Les photos du sommet, plus belles les unes que les autres, on les a vues, copiées, on va en voir d’autres, on se réjouit, (mais non, stressez pas !…).

Celle-ci n’a rien de spécial côté artistique mais elle contient beaucoup de choses :

  • – Les 4 summiters avant, Doudoune Manteau et Cyrille, Swissco Badje et Siiimononon !
  • – Paulo, notre guide spirituel et spiritueux.
  • – Les casseroles de Bahadur, on n’y est pas insensibles !
  • Et surtout la tente !
  • – La tente mess c’est les moments de convivialité.
  • – C’est les briefings de Paulo sur le comment on arrivera sur la capsule du flacon, au bout du
    doigt, et sans lesquels on ne serait sans doute pas arrivés en haut.
  • – Mais aussi les autres tentes, les petites,  les nuits d’angoisse, d’insomnies, de doute.
  • – Les binômes, le partage, les lyof’ ou les diots selon les générations…

naar

3) La troisième c’est Naar, un détour bienvenu à la descente (avec une belle montée…).

J’ai adorée me perdre dans les ruelles de ce village ensoleillé.
Au retour le temps était moins gris, les lumières plus belles.
J’ai réussi le sommet, j’en suis heureux, je suis détendu, c’est presque comme des vacances après l’effort.
J’ai aussi besoin de me retrouver un peu seul.

J’ai tourné un bout de temps autour de cette fontaine à observer les femmes du village y laver les légumes, la vaisselle, la lessive, et la frimousse des garçons récalcitrants ! Il a pleuré un bout de temps le pauvre gamin… La fille, elle, s’applique au savonnage.
Mais les pieds ? Est-ce qu’elles les lavent les pieds les filles ?!?


Himlung 2016.
« Trois photos pour une expé », par Cyrille.

paulo

1, C’est Paulo, LE guide, le mentor.
C’est le moment du premier briefing.
C’est l’objectif, LE sommet. « Vous n’êtes pas des touristes, vous n’êtes pas des randonneurs, vous êtes des alpinistes ».
Et surtout les trois à la fois… !
C’est LE symbole, cette bouteille de bière, et le sommet tout en haut. C’est LE slogan « Dedicated to the brave », début d’un délire… et tout ça finira bien, mieux que bien, royalement, avec cette nouvelle voie ouverte sur l’Himlung Himal, voie dont le nom s’impose tout de suite « Dedicated to the braves », avec un « s », car c’est tout un groupe de « braves » qui a vécu cette aventure et vaincu collectivement ce sommet !

Toute l'équipe en altitude avant de démonter notre camp 3. Il fait un temps d'enfer.

2) La Team toute entière ou presque (dommage qu’il manque Paulo le photographe !), symbole de l’engagement collectif et de la réussite collective. Avec nos amis népalais sans qui rien n’aurait été possible (tout ce travail de portage jusqu’au jour J-1 !).

  • Le sommet, si majestueux !
  • La trace du nouvel itinéraire.
  • Le soleil, qui nous a accompagné bien souvent
  • La neige, dans laquelle il a fallu tracer…

Un beau résumé de cette expé !

phu

3) Un gamin de Phu, croisé 3 fois.
Une première fois de très loin, il faisait semblant de me regarder avec des jumelles…
Une deuxième fois où nous sommes allés vers lui avec Benoît, il faisait le guignol – le Phu ? 😉 – avec son frère et devant l’objectif aussi !
Une troisième fois où il était à l’école, euh, devant l’école déserte, à nous faire de grands signes (et encore des grimaces) quand on passait en groupe au loin.
Trop mignon…

L’avenir du pays ?, l’avenir du village ?, en tous cas parmi les 2 ou 3 seuls enfants à aller à l’école locale car probablement parmi les plus défavorisés. Espiègle et attachant.
Ce voyage et l’état d’esprit de Paulo nous ont permis de ne pas être focalisés que sur la montagne et profiter aussi de lieux magiques, de scènes de vie et d’ambiances de villages comme Phu et Naar…. Merci pour cela aussi !


Himlung 2016.
« Trois photos pour une expé », par Simon

L’exercice n’a pas été simple et j’ai failli en mettre 4 mais finalement je m’en suis tenu à 3 avec difficulté.
Je ne les pas choisis en premier lieu pour leur côté esthétique mais pour ce qu’elles évoquent dans mon for intérieur. Aventure magnifique qui je me donne envie de repartir mais qui a aussi été dure au jour le jour et plutôt introspective.
MAM quand tu nous tiens…
Himlung _1
« La chaleur est harassante, l’effort difficile et la montagne écrasante. Cette journée entre le camp 2 et le camp 3 est la première où nous apercevons l’Himlung de près. Jusque là le mont c’était fait timide et pointait le bout de son nez de temps en temps au détour d’un col, à la croisée d’un chemin ou en surplomb de la moraine granitique.
Un jour de plus où je ne suis pas réellement bien, je me traîne en guettant ce mal de tête qui me poursuit depuis Meta. J’essaie d’être en marche consciente et de respirer par le nez à travers mon buff mais cela ne marche pas vraiment alors j’avance péniblement en essayant de croire que le mal des montagnes n’est pas linéaire, que le jour du sommet je serai près. Jusqu’à maintenant la réponse brouillée de mon corps à l’altitude a été compliquée intérieurement. Je ne suis pas habitué à ne pouvoir compter sur lui dans l’effort, je dois apprendre à faire autrement, l’objectif du sommet dans la ligne de mire. Cela me mène aussi vers une réflexion plus profonde sur ma façon de faire en France, pourquoi toujours plus vite, n’est-ce pas vain ? Le manque de sommeil n’aide pas et puis en fait qu’est ce que je fais là ? Je ne suis pas aussi touché par la beauté des lieux que je ne le voudrais; la respiration hachée je continue, pas question de s’arrêter si près du but.  Mais malgré ces doutes que je me désespère de ne pas maîtriser, quelque chose se passe à ce moment, comme une délivrance. J’accepte. J’accepte la possible défaite. J’ai fait tout ce que j’ai pu ces derniers jours: marcher lentement, accepter une aide médicamenteuse extérieure, respirer par le nez le plus souvent possible. Et puis ce doute du moment d’après, je le connais. Rien d’anormal qu’en repoussant mes limites celui-ci m’accompagne.
Voilà c’est dit, c’est fait, je peux renoncer et ce ne sera pas un drame. Ma victoire sera dans l’essai et ma satisfaction dans le fait d’avoir fait les choses biens.
Je suis apaisé. »

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« Quelques jours après les craintes sont loin, nous sommes dans l’effort, je me sens bien. Le soleil c’est maintenant levé depuis quelques heures et nous avançons. Volonté commune d’aller en haut. L’image est esthétique mais le symbole encore plus fort. Marche en avant, grignotage de la montagne pas après pas et Benoit qui prend le relais avec autorité.
En cette journée les népalais seront dépassés.
Mauvaise gestion de leurs efforts précédents, manque de motivation, énergie de groupe en baisse, les raisons sont sûrement multiples. Je n’oublie pas que camp après camp toute l’équipe nous a soutenu dans l’effort. Je me rappelle encore l’arrivée au camp 2, mon mal de tête et ma nausée. J’aurais été incapable de monter ma tente ou en tout cas j’y aurais laisser des forces précieuses. Cette énergie de tracer coûte que coûte notre route vers le sommet nous ne l’aurions sûrement pas eu sans le travail accompli par chacun d’entre eux
Deepen cale. Djorge s’arrête. Benoit enlève son manteau, les épaules rentrées il s’apprête à reprendre l’avancée. Dans peu de temps nous arriverons sur l’arête,  la certitude d’aller au sommet point. Nous ne pouvons échouer.
Je suis persuadé que l’énergie positive que nous avons développée au cours des jours passés ensemble depuis Kathmandou a servi de catalyseur à notre réussite. Cela rend encore plus belle notre aventure. Nous n’avons pas tous été au sommet, mais sans le faire ensemble développé les jours d’avant,  peut-être que personne n’y aurait été. »

,

« C’est en la croisant dans le renouveau du printemps que je me suis souvenu à quel point la nature, les arbres, le vert me manquaient. La beauté brute de la haute montagne me touche mais ces bouleaux aux bourgeons éclatants respirent la vie. Lorsque que je prends ce cliché nous marchons d’un bon pas pour rejoindre Meta sur le même chemin qu’à l’aller. Repasser par ici donne aussi à réfléchir à ce que nous avons vécu en haut. Les choses changent si vite, quelques jours avant nous n’avions croisé qu’une végétation nue. Je vis cela comme un sourire de la vallée, une invitation au retour vers ma famille et mes amis qui me manquent.
Une aventure on la rêve, on la vit et on la termine si possible en douceur.
Cette marche y répond: nous retrouvions de manière paisible, laissant étape par étape la rudesse de la haute montagne, le côté maternel des arbres en bourgeons qui laissaient éclater leurs couleurs. »

Himlung 2016.
« Trois photos pour une expé », par Stanislas

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« Du matériel, toujours du matériel et encore du matériel… Cela m’a tout l’air d’une vraie expédition?Oui, en effet, avec une organisation bien rodée sous le contrôle de Paulo.
Merci à toi Paulo daï pour toute cette gestion et pour le partage de ta connaissance du Népal.
Merci à cette équipe népalaise sans laquelle on irait pas bien loin.
Et encore Merci à vous tous, compagnons d’itinérances himalayennes. »

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« Une expédition au Népal… mais pour quoi faire?
Surement pour marcher au travers de paysages grandioses, pour traverser d’authentiques villages, pour rencontrer un peuple accueillant… pour atteindre un de ces sommets de hautes altitudes. »

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« Et l’avenir… en espérant qu’il ne soit pas trop « coca-colatisé » ! »


Himlung 2016.
« Trois photos pour une expé », par Doudoune-manteau (alias Benoît)

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Beaucoup de photos pour cette incroyable expédition.
Beaucoup sont marquantes mais en voici 3 en particulier.

1

Nous allons peut être y arriver !

12 mai 2016, vers 11h30, nous sommes à 7000m sur l’arête Sud Ouest de l’Himlung Himal, encordés avec Cyrille. Nous marchons  depuis 2h du matin avec toute l’équipe, en nous relayant pour faire la trace dans une neige fraiche et profonde. L’ambiance sur l’arête est fabuleuse.
Tout ce dont nous pourrions rêver en évoquant les grands sommets himalayens est réuni : l’altitude élevée, la vue sur d’autres grands sommets à perte de vue, le Manaslu en particulier ici et la sensation d’isolement. Le sommet nous semble alors tout proche lorsque nous prenons pied sur cette arête mais il nous faudra plus de 3h d’effort pour toucher la cime.
Au moment de cette photo, nous venons de prendre la décision avec Cyrille de poursuivre vers le sommet, nos compagnons d’aventure étant juste un peu plus bas. Je franchis un pont de neige douteux et j’attaque la pente qui se révèle être légèrement glacée. Je me souviens avoir entendu les népalais, Zangbu en particulier, dire « ice, ice ». Je ne me doutais alors pas que ces deux mots allaient comme les paralyser à 7000m. Ils n’iront pas plus haut de peur de ne pas être à la hauteur techniquement. De notre côté nous avançons prudemment, pensant surtout à la descente qui s’annonce délicate sur cette pente glacée.
Après un rapide échange avec Cyrille, nous nous mettons d’accord sur le fait de continuer, pensant être rejoins rapidement par Simon, Olivier et les népalais. Cet instant est riche d’expérience. D’une part il montre que les équipes népalaises ne sont pas forcement très à l’aise sur des itinéraires nouveaux, sans corde fixe, dans des passages qu’ils ne connaissent pas et qui leur semblent plus techniques que d’habitude. D’autre part il confirme la grande autonomie qui nous était laissée au cours de cette expédition. Simon et Olivier ont en effet fait cordée commune, en se séparant des népalais pour pouvoir à leur tour nous rejoindre au sommet.
Nous avons atteint un sommet himalayen classique de 7000m, en technique alpine, en progression douce, par une voie jamais parcourue auparavant, en participant activement à la trace le jour du sommet et en ayant la possibilité de prendre des décisions. Avec notre toute petite expérience d’amateurs, tout ceci m’a semblé extrêmement excitant et satisfaisant. Nous avons vécu dans de bonnes conditions ce genre d’histoire que nous lisons d’habitude dans les livres de montagne, que demander de plus !

2

Un cadre époustouflant

Cette photo montre le cadre et l’environnement dans lequel nous avons eu la chance d’évoluer pendant près de trois semaines. Elle est prise à la descente juste après avoir quitté le camp de base vers le village de Phu. C’est pour moi quelque chose de fort que ces paysages de hautes montagnes où nous étions seuls. Au bout de cette vallée où nous avions installé le camp de base, quatre sommets de plus de 7000m nous dominaient. Le paradis pour les alpinistes.

3

La surprise du chef.

J’étais déjà venu à Phu et à Nar en 2011. Cette fois j’ai eu l’impression de découvrir quelque chose de différent alors qu’il s’agissait des mêmes villages. Nous avons pris le temps d’explorer le village de Phu et ses alentours. Il y a une multitude de balades à faire, tout proche, avec des vues fabuleuses sur le village et les sommets du Peri Himal. Rejoindre Nar depuis Phu en passant par les alpages de Phu et deux hauts cols à plus de 5000m (Phu Pass 5050m et Nar Pass 5400m sur la carte actuelle) était un itinéraire qui m’intriguais, ayant lu un récit sur le blog de Paulo, il y a quelques années déjà. En 2011, j’étais redescendu par les gorges, avant de remonter à Nar.
Cette fois ci, ayant un peu d’avance sur le programme, nous avons pu parcourir cet itinéraire par le haut, en 2 jours, en mode semi exploratoire. La photo est prise dans la vallée située entre les 2 cols, tout au fond de cette vallée des sommets appellent à un prochain voyage… Dans mon dos la vue sur le Kang Garu est magnifique également.
J’ai beaucoup apprécié ce petit trek non prévu, sur des chemins quasiment jamais parcourus par les trekkeurs. D’autant plus que nous avons pu nous faire plaisir en lâchant les chevaux dans les montées et les descentes avec Simon !
De la slow expédition au fast trek !

4

Un peu de douceur dans ce monde de brutes !


 


Le parcours de Frank et Rajan Bothe.
Le parcours de Frank et Rajan Bothe.
Les itinéraires réalisés au printemps 2016.
Les itinéraires réalisés au printemps 2016.

« Just for him… ! », Himlung Himal 2016.
Histoire de l’expé dans l’expé sur l’Himlung au printemps 2016
Par Frank.

Pourquoi repartir ?

Après déjà 5 expéditions au Népal/Tibet dont une dernière en 2015 prise dans le tumulte du tremblement de terre au Manaslu, je n’avais pas émis l’hypothèse de reprendre le chemin du pays de l’oxygène rare début 2016. Mais c’était sans compter sur l’imagination de Paulo qui sut me séduire en me proposant de faire une nouvelle voie un peu technique en comité restreint sur l’arête Sud-Ouest de l’Himlung. L’idée était de profiter de la « logistique » de l’expédition principale jusqu’au dernier camp avant d’aller tenter sa chance à côté de l’essentiel de l’équipe.
Les seules informations dont on dispose sont quelques photos prises de bien loin …se méfier du relief « aplati » des photos himalayennes. Il est délicat d’appréhender les difficultés et il faudra attendre l’arrivée au dernier camp pour découvrir cela de manière plus concrète aux jumelles. Quant aux participants dans cette aventure, cela sera extrêmement limité puisque l’on ne sera que 2… Bikram devait initialement m’accompagner mais fatigué et pour certaines raisons d’organisation il laissera sa place à Rajan. Mes quelques expériences dans les faces nord des Alpes ou au Ben Nevis doivent me permettre d’aborder cette ascension sereinement mais je n’ai jamais réellement fait de voies techniques au-dessus de 6000 m. Ce sera donc une nouvelle expérience et si cela débouche sur le sommet alors ce sera la cerise sur le gâteau.

Contribuer à  l’avancée de l’équipe.
Au-delà de ce nouveau challenge, l’intention reste tout de même de passer un mois agréable au Népal et la bonne harmonie de l’équipe y contribuera.
Vivre le moment présent », profiter de la chance qui nous est donnée de parcourir ce pays avec ses Montagnes et écrire de nouvelles aventures à qui veut bien sortir des sentiers battus, c’est un beau programme pour un amateur.
Certains membres réalisent leur première expé et ne connaissent pas encore Paulo. J’essaierai de distiller quelques conseils pour que les choses se passent pour le mieux.
Paulo aura aussi l’occasion de me solliciter pour préparer le passage sur le début du glacier et une fois au camp 3, je m’activerai pour réaliser un partie de la trace avant que nos chemins ne se séparent.

L’ascension
Quelle stratégie de progression utiliser?
Ne serait-il pas judicieux de me joindre à l’équipe pour tenter le sommet et s’il reste de l’énergie alors aller jouer sur cette arête.
La problématique est que l’on ne dispose seulement que de maximum 2 à 3 jours à partir camp 3 pour assurer un retour serein sur KTM  et que coté météo, il n’est jamais évident de connaitre de manière très locale la quantité de neige pouvant recouvrir les traces à partir de l’après-midi. La solution s’impose d’elle-même, si on veut tenter cette arête il faut y aller sans tarder.

On partira tous ensemble pour faire la trace destinée à nous permettre de nous orienter sans soucis la nuit suivante.
Au moment de se séparer, je ne sais pas encore qui de Paulo, Benoit, Olivier ou Cyrille va accepter de m’accompagner en second de cordée pour continuer à faire la trace en direction de l’arête… Je lance un « Qui va oser se « sacrifier ? » et finalement c’est mon compagnon de tente Cyrille qui se dévoue. Une discussion avec Paulo pour décrypter le meilleur chemin et j’opte pour une option assez directe qui ne va pas s’avérer si simple alors que de loin cela semblait plutôt débonnaire. De fait, je ne ferai pas le malin en devant passer sur un maigre pont de neige à 4 pattes – pas possible de contourner quoique ce soit sans un gros effort et sans aucune assurance qu’ailleurs cela passe mieux. Alors que Paulo et Benoit sont sur le retour ayant commencé à tracer la « Dedicated to the Braves », nous continuons encore environ 1 heure, Cyrille devient légèrement impatient, craignant vraisemblablement compromettre ses chances pour le lendemain s’il met trop d’énergie, mais je veux voir de plus près le début des difficultés techniques pour me rassurer et je pousse un peu pour continuer. On sort sur le début de l’arête, objectif de la journée est atteint et me voici rassuré en pouvant observer de plus près la suite des hostilités … cela devrait le faire et pour ce qu’il y a derrière il faudra improviser mais vu du camp 3 cela me souciait moins. On doit désormais redescendre sans tarder. En voulant éviter ce pont de neige qui nous avait peu inspiré, on se lance dans une descente « à  vue » à travers un champ de crevasses. On sera content de se retrouver en bas avec quelques petites sensations au passage … finalement le chemin de montée n’était pas si mal.
On arrive tout de même assez tard au camp 3. On ne pouvait pas vraiment parler d’une journée de repos avant l’assaut! S’hydrater, manger et préparer rapidement le grand départ pour le nuit deviennent les priorités sachant que la nuit sera courte et de fait je ne fermerai pas l’œil.

Il faut d’abord prendre la décision si on prend du matos pour un bivouac sommaire ou si on prend l’option d’être light afin d’évoluer plus rapidement, sachant que l’on n’aura pas de seconde chance pour tenter le sommet. Je préfère en parler à mon compagnon de cordée Rajan plutôt que de lui imposer une solution. Après une réunion spontanée avec l’équipe népalaise dans leur tente et plus de 15 mn de discussions, on se met d’accord pour prendre la tente et envisager un bivouac. Cela signifie tout de même des gros sacs – un sac d’environ 15 kg pour Rajan et 10 kg pour moi qui serait en tête avec un matos technique réduit au minimum: 1 brin de S-line 60 m, 2 piolets techniques et 2 broches, les 2 broches supplémentaires proposées par Rajan me laissant perplexes … je préfère le « made in U.S.A» avec mes Black.D au « made in Nepal » pour cet équipement surtout dans une glace bien dure à cette altitude.

Pour nous ce sera un départ à 2:30 soit environ 1 heure après tout le monde afin de pouvoir arriver au petit jour pour attaquer les premières difficultés techniques.
La nuit est étrange, il ne fait pas froid et on est dans un léger brouillard plutôt inhabituel. Je vérifie un peu le sac de Rajan au départ en l’allégeant de son jumar, on s’encorde et nous voilà partis à la suite de nos compagnons, n’apercevant qu’avec difficulté le faisceau lumineux de leurs frontales, tant le brouillard est épais en ce début de marche.
On avance très facilement et quelques minutes plus tard, je retrouve mes traces de la veille. On est désormais sur notre voie en route vers l’Himlung, rien que pour nous (« Just for Him »).

Je n’ai pas la sensation d’être très en forme … peut-être ai-je déjà  trop donné la veille mais dès que la pente s’accentue imposant une accélération du rythme respiratoire et cardiaque, je me sens mieux. Le petit pont de neige se passe avec la même petit nœud au ventre et on arrive serein vers 4:20 comme prévu où on s’était arrêté 13 heures auparavant en ayant été 2 fois plus rapide . Il reste peut-être 15 minutes pour trouver notre chemin entre de grosses crevasses avant de sortir les 2 piolets. C’est alors qu’un brouillard épais nous envahit avec une visibilité limitée à moins de 20 mètres. Il est hors de question pour moi de continuer. On se regarde avec Rajan. Le pouls s’apaise me faisant ressentir l’effet de l’altitude. On est à en environ 6300 m. On décide d’attendre un peu espérant que cela se dissipe. Quinze minutes s’écoulent et pas d’amélioration en vue. Alors que l’on est recouvert de givre façon « Ben Nevis », je demande à  Rajan de sortir la tente light qu’il porte pour la monter. Quitte à attendre autant le faire à l’abri! On se fait une petite surface rapide et on commence à vouloir la monter. Après de nombreuses tentatives, force est de constater que l’on a un problème d’arceaux dessus …  ils sont trop longs … Après 30 mn de bricolage, on finit par avoir une tente qui pourrait tenir debout sans trop de vent. Il s’agissait d’une tente proto et des mauvais arceaux avaient été glissés dedans.
Je me dis que cela commence à faire beaucoup, d’abord le brouillard inhabituel, maintenant cette foutue tente qui refuse de se monter … C’est comme s’il y avait de mauvais esprits contre nous aujourd’hui … en bref une journée où il vaut mieux rester couché. Alors que je me décourage me demandant si je n’aurais pas mieux fait de suivre tout le monde, la couche brouillard redescend et nous laisse enfin découvrir la suite sous un ciel magnifique nous invitant à reprendre notre chemin vers le haut. On constate alors que nos compagnons n’ont pas perdu de temps pendant nos exercices de camping ! ils sont déjà bien haut. On replie le bazar, on essaie de jauger le meilleur passage pour rejoindre le départ de notre première longueur et il faut encore passer un pont de neige en rampant au-dessus d’une méchante crevasse … je n’aime définitivement pas ce petit jeu mais cela passe sans casse – tout n’est pas contre nous quand même! Encore moins de 100 m et je sors enfin les piolets et le brin complet des 60m.
C’est une progression en pointe avant en ancrant les piolets légèrement dans cette première longueur. Les sensations sont bonnes, j’avance bien et j’ai placé mes 2 seules broches pensant faire un relais sur un bout de rocher. Au désespoir, le rocher est pourri et ne disposant pas d’autre matos, j’improvise un relais en me décalant pour augmenter le frottement. C’est au tour de Rajan de me rejoindre lui qui a une faible expérience sur ce terrain. Toutefois son aisance naturelle et ses capacités physiques lui permettent de bien grimper au prix malgré tout d’un effort probablement trop important avec les piolets. Il prend de fait un peu froid aux mains avec des gants pas optimums pour ce type d’exercice et doit s’arrêter plusieurs fois. Arrivé à mon niveau, je lui réchauffe la main la plus sensible et lui prête un sur-gant. Le départ de la seconde longueur est bien à 55 / 60 degrés. Pas de bon relais et un Rajan pas trop réchauffé, je me sens bien et je fais ce petit passage conscient qu’avec une petite broche placée après le relais improvisé, c’est le minimum syndical. Au-dessus ce sera un relais plus « save » sur un léger replat avec corps mort. Ce type de progression présente l’avantage pour le premier de cordée de pouvoir être dos à la montagne quand on assure le second et ainsi de profiter du magnifique paysage qui nous est offert. Je regrette de ne pas avoir d’appareil photo. On est à cheval sur 2 énormes cirques avec des glaciers immenses, les lumières sont magnifiques, c’est tout simplement splendide.

On continue par la suite en corde tendue sur la partie faîtière de l’arête jusqu’à un petit passage de 15 m nécessitant de nouveau de s’employer sérieusement avec les 2 piolets. Dès que la glace  affleure cela se complique et les ancrages nécessitent plus d’énergie. Il m’arrive de devoir taper 3 fois pour réussir à enfoncer le piolet. Je sors bien essoufflé de cette petite longueur que l’on pourrait coter « 3 » en glace.  Ce n’est théoriquement pas bien méchant mais à cette altitude et avec des gros sacs cela prend une autre dimension. Il est 10:00 et on fait un point radio avec Paulo. J’aperçois 100 m au-dessus le 2nd passage délicat de cette arête. Je lui fais part de mon incertitude à franchir la suite étant donné le maigre équipement embarqué. Paulo me répondra avec un peu d’humour et c’est bien ainsi. De toute manière il est hors de question de faire demi-tour et le temps passe, on est à 6500 m et je commence à m’interroger sur ma capacité à aller au sommet ce d’autant que dans la petite liaison de ce nouveau passage à 60 deg, on brasse et je continue à faire la trace. Trois options s’offrent à moi et je décide de prendre celle du milieu…  bonne pioche !  Ce sera la plus facile avec peu de glace au début. J’aimerais bien distiller quelques conseils à Rajan concernant les manipulations de corde et mon assurance mais je n’en ai pas l’énergie et je préfère me concentrer sur ce que je grimpe en me considérant quasiment en solo. Sur une 50aine de mètres j’aurai une pensée pour un compagnon de cordée et guide des Ecrins Nicolas Draperi qui parle parfois de neige  » couac-couic » … bref des conditions idéales pour les crampons et les piolets. Encore 20 m et après les pentes ne nécessiteront plus 2 piolets. Je serre un peu les fesses sur ces derniers mètres à cause de la glace et quand je pense à ma dernière broche que je ne vois pas et qui se situe bien 45 m plus bas. Je me rétablis et passe au moins 5 minutes à essayer de placer mon piolet en corps mort tant bien que mal car la glace n’est vraiment pas loin même sur les petits ressauts. Je me retourne enfin assez exténué et je commence à assurer Rajan qui tire la langue m’obligeant à le prendre « sec » pendant plusieurs secondes sur le dernier passage en glace. Il est 11:30, on est à seulement 6650 m et on fait notre première vraie pause après avoir bien tiré sur la bécane avec un pouls très élevé agrémenté d’adrénaline mais heureux d’avoir les difficultés derrière nous et d’apercevoir la trace de nos compagnons qui représente notre salut pour la descente. On ne pense plus alors continuer sur la ligne naturelle de l’arête mais à rattraper les traces de nos « Braves » et ensuite on décidera quoi faire. Me voilà repartis dans une diagonale légèrement montante avec une neige profonde conseillé par Paulo à travers la radio pour s’éviter 2 crevasses. Je fais 3 pas et il me faut 20 secondes pour récupérer puis sur-ventiler avant de continuer. Cette traversée dure une éternité et je me sens épuisé. Rajan pense encore au sommet mais moi je ne me fais alors plus trop d’illusions. Il reste à décider si on veut bivouaquer on non pour tenter le sommet le lendemain et se dire que l’on n’a pas porté tout notre matos (tente, pelle, gaz, bouffe, duvets …) pour rien. Et là les événements du matin avec le brouillard et la tente me reviennent. Par ailleurs je n’ai jamais atteint un tel degré de fatigue à cette altitude et donc passer une nuit isolé si haut, seul avec Rajan qui comprend mais parle très peu l’anglais me soucie ne sachant pas non plus si j’aurai récupéré le lendemain matin avec l’envie de continuer à monter. Enfin, le chiffre des 7000 n’est pas une fin en soi et ne résonne pas en moi comme un chiffre magique ayant déjà gravi un 8000 m en 2011. Je ne suis pas prêt à prendre trop de risques – une petite pensée pour les miens et la petite voix intérieure me dit qu’il serait plus sage de redescendre et c’est ce que l’on fera bien que Rajan ait eu du mal à accepter ce renoncement de sommet qu’il avait malgré tout fait l’automne précédent par la voie normale. Sur la descente, on retrouve Paulo et Loïc qui ont fait demi-tour les premiers. Tout comme eux, on fera régulièrement des pauses assis dans la neige à récupérer même en perdant de l’altitude. Y compris sur le plat pour retrouver le camp 3, il me faudra m’arrêter plusieurs fois tant j’étais épuisé et mon ami Rajan ne galopait pas non plus.

CONCLUSION
Vouloir faire des voies un peu technique en cordée alpine avec un zeste de découverte est un exercice gratifiant mais très exigeant pour des amateurs comme nous.
Le temps limité dont on dispose réduit notre phase d’acclimatation sur ces voies qui demandent forcément plus d’énergie. La progression avec un compagnon de cordée avec qui on a partagé de nombreuses expériences eut aussi été un avantage supplémentaire. Toutefois je ne regrette rien – Je remercie Paulo de m’avoir permis de toucher du doigt ces réalités tout en me faisant confiance (Just for me ) et je n’oublie pas, bien évidemment, mes compagnons Rajan et Cyrille qui ont accepté de me suivre et sans qui cela n’aurait pas pu se concrétiser. Cela restera une expérience forte et l’avenir nous dira si j’aurais l’opportunité de profiter de ces moments vécus dans de prochaines aventures. Cette confrontation me fait d’autant plus respecter les performances de ces himalayistes qui grimpent des voies techniques au-dessus de 6500 m nécessitant une endurance et un engagement qui restent difficiles à appréhender par le commun des mortels.

Frank Bonhomme 13.06.2016

AVIS aux amateurs :
Equipement:  60 m corde, 2 broches (4 conseillées), 2 piolets techniques
Cotation :  D-, V
Point le plus haut atteint : 6700 m

Réussir à enchainer en une journée camp 3, « Just for Him », antécime, traversée de l’Himlung et retour camp 3 doit représenter une belle performance – Il faut des conditions idéales, partir light et être très bien acclimaté….  En espérant que cela inspire des alpinistes et attention aux photos qui donnent des impressions trompeuses sur le relief et les distances .

Lors de la marche d’approche (J-1) avec Cyrille
Lors de la marche d’approche (J-1) avec Cyrille
La séparation de nos routes et le camp 3 tout petit !!
La séparation de nos routes et le camp 3 tout petit !!
Vue du haut d’une partie  de l’arête :
Vue du haut d’une partie de l’arête
L’essentiel des difficultés sur « Just for Him » … avec les parties les plus techniques
L’essentiel des difficultés sur « Just for Him » … avec les parties les plus techniques

Paulo_le 17 Juin
à Cerisy lors du colloque « Gestion des situations extrêmes »

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