«Welcome in the Nepali jungle…!

«Welcome in the Nepali jungle…!
Avec une évolution irréversible du paysage des acteurs népalais,
simplement à cause de l’individualisation de royalties qui favorise les nouvelles «petites agences népalaises.»

Cette phrase en exergue de l’article «Les 7000 du Népal» du n°426 de Montagnes Magazine a du paraître bien obscure à la majorité des lecteurs.
Petite explication de texte pour comprendre :

  • pourquoi il est important (à court ou moyen terme) de promouvoir la présence en expédition d’un guide de haute montagne népalais (ou occidental) diplômé UIAGM et donc en choisissant l’agence qui sera la plus clair sur ce sujet.
  • pourquoi les expéditions organisés par les grandes agences françaises (Terdav, Allibert…) vont soit disparaitre soit être encadré par des guides népalais.
  • Et pourquoi il est nécessaire de clarifier le mieux possible les compétences et les diplômes des acteurs de terrain népalais.

Bonne lecture.

Paulo_depuis le refuge du Chardonnet,
un 31 Mars 2016


Une révolution est en cours dans le petit monde des expéditions au Népal. 

Une révolution qui est passée totalement inaperçue en Europe. Mais qui va contribuer à changer profondément le paysage des acteurs népalais du tourisme d’aventure et impacter directement la réalité des tours opérateurs français et occidentaux et bien sûr celle des voyageurs d’altitude que nous sommes.

Peut-être vous souvenez-vous du système précédent ?

Pour réaliser une ascension au Népal, il fallait choisir un sommet autorisé dans la liste officielle du ministère du tourisme.
Le coût du permis était une somme forfaitaire déterminée en fonction de l’altitude, pour un groupe de 7 personnes. Il était ensuite possible d’ajouter des personnes supplémentaires avec un montant par personne, jusqu’à 15 participants par permis.
A titre d’ exemple en 2014, pour l’Himlung, le prix du permis pour 7 personnes était de 3000 $ et 400 $  par personne en plus.
Ce système avantageait les grands groupes constitués car le coût global était partagé par les participants. Plus de 80% des expéditions se déroulaient sur les voies normales de quelques grands sommets classiques et le plus souvent encadrées par des guides de haute montagne occidentaux. Les grandes agences népalaises et les TO occidentaux se sont construits (en partie) grâce à ce système de tarification.
Par contre, les petits groupes d’alpinistes étaient obligés de payer le prix fort comme pour un groupe de 7 personnes.
C’était donc un frein important pour le développement et la valorisation d’un alpinisme plus intimiste et en style alpin. Sur le plan économique, c’était également un frein pour le développement des petites agences qui n’avaient pas accès aux groupes encadrés par les guides occidentaux.


Au printemps 2015, la réglementation des permis a changé.

En individualisant le coût des royalties, c’est à dire en fixant le prix par personne dès le 1er alpiniste -, le gouvernement népalais a bousculé profondément, peut-être sans s’en rendre compte, l’ensemble du microcosme des expéditions, au Népal comme dans la communauté internationale des alpinistes.
A l’automne 2015, pour l’Himlung, le coût par personne est de 500 $, et donc pour un groupe de 7 personnes, 3500 $.
De ce point de vue, c’est donc une bonne nouvelle car un petit groupe – et même seulement une ou deux personnes – peuvent maintenant mettre sur pied une ascension au Népal avec un coût de permis moins exorbitant. Au Népal, très rapidement grâce à Internet, de petites agences spécialisées dans les expéditions ont vu le jour, réussissant à capter et à regrouper les alpinistes individuels de tous pays en se positionnant d’abord sur les plus grands sommets de plus de 8000 m, avec des tarifs très attractifs.  En réussissant parfois à mutualiser entre plusieurs équipes les frais de l’officier de liaison ( 2000 à 2500 $) et le dépôt de garantie pour la gestion des ordures (2000 $). Au fil des saisons, on remarque déjà que plus de 60% des opérateurs sur l’Everest sont exclusivement népalais (cad sans être partenaire d’un TO étranger et en recrutant eux-même leurs clients) et ces agences proposent maintenant l’ensemble des sommets classiques. Il n’y a aucune raison que cette évolution cesse, bien au contraire.
Ce recrutement des clients directement par les acteurs népalais, grâce à une réelle présence sur Internet et à une offre de services intéressante, fragilise les TO occidentaux et leurs groupes encadrés par des guides. Ils ont de plus en plus de difficulté a assurer un départ à cause du nombre minima de clients relativement élevé (5 à 6 personnes). Un minima nécessaire pour équilibrer les coûts de l’encadrement professionnel (à la louche plus de 10 000 € : aérien 800 €, honoraires 6000 €, frais d’expé 4500 €).
En parallèle, la formation de guide de haute montagne UIAGM népalais continue doucement son chemin. Mais ni les agences ni le gouvernement ne valident ou ne mettent en avant cet encadrement professionnel et diplômé aux standards occidentaux pourtant garant de plus de sécurité et de qualité.
Au sein des agences népalaises et sur les propositions sur Internet, le plus grand flou existe sur les qualifications de l’encadrement, même pour celle dirigée par un français ou un népalais ayant son diplôme de guide UIAGM.


Tout va très vite et peut-être trop vite.

La communauté des guides népalais UIAGM n’a pas encore la taille critique pour exister véritablement dans cette jungle, ce grand jeu face aux agences et aux guides «de fait».
Car actuellement dans le cadre d’une véritable guerre des prix entre les agences népalaises, c’est bien évidemment le poste de l’encadrement technique diplômé qui est sacrifié, en privilégiant l’embauche de «guide de fait» aux compétences et formations variables, mais aux coût inférieurs.
Malheureusement, les guides occidentaux vont être de moins en moins nombreux sur le terrain et ne pourront plus jouer un rôle de régulation, de transmission de connaissance ou de garant d’une certaine qualité de pratique sur le terrain.
Seuls les clients/alpinistes occidentaux pourraient jouer un rôle en étant plus exigeants auprès des agences sur les compétences des équipes d’encadrement népalais (en valorisant les guides népalais diplômés UIAGM) et sur les manières de faire (cordes fixes, charges des porteurs d’altitude, oxygène) ou les stratégies de déplacement (progression continue à la place de la progression en dent de scie). Mais là aussi, le choix du moins disant est souvent de mise, sans un questionnement sur la qualité ou la sécurité.


La dernière piste…

Avec les graves crises qui bousculent actuellement le Népal (séismes, blocage de l’Inde, crise de l‘aérien), il faut bien rêver. Un avenir meilleur dans ce monde complexe des expéditions est possible et ne se construira qu’avec une meilleure connaissance des enjeux et avec notre présence bienveillante.
Expliquer toujours et valoriser la nécessité d’un encadrement diplômé UIAGM pour les ascensions au Népal, qu’il soit népalais ou occidental. Pour limiter la pression des agences et permettre une transition en douceur, une transmission des compétences, par exemple pour le suivi médical, les secours, les stratégies d’acclimatation ou de déplacement, pour l’utilisation des infos météo ect.
Bref, pour un alpinisme de qualité, respectueux des hommes et des montagnes.

Paulo Grobel
Mars 2016


Vous voici arrivé à la fin de ce texte… Félicitations !

Voici quelques questions complémentaires pour compléter cette réflexion.

  • Combien d’expéditions organisées par un TO Français et encadrées par un guide UIAGM français partiront ce printemps 2016 ?
  • Et à l’automne 2016 ?
  • Les guides français organisateur d’expédition arriveront-ils à mutualiser leurs propositions pour mieux garantir le départ de leurs projets pour l’automne 2016 ?
  • Combien seront encore présent sur le terrain ?
  • En 2016 ? En 2017 ?
  • Comment se positionnent les acteurs népalais émergents pour promouvoir sur Internet les expéditions qu’elles organisent (par exemple Tribeni ou Trinetra )?
  • Quelle est la réponse des acteurs historiques népalais des expéditions ?
  • Quelles sont les agences émergentes les plus présentes sur le marché anglophone et quelle est la proportion d’alpinistes français ou francophones qui s’inscrivent à ces expéditions internationales ?

Autant de questions passionnantes
pour mieux comprendre l’évolution en cours.

Votre commentaire est bien sûr le bienvenue, surtout si vous n’êtes pas d’accord avec cette analyse.

Et, pour un éclairage plus précis de ce qui se passe sur le terrain, je vous invite à parcourir le chapitre dédié à cette question dans le dernier compte rendu de l’expédition «Himlung 2015» de cet automne.

Welcome in the real Word !

Et bonne expé au Népal…

Un très beau n° !
Un très beau n° !

7 réflexions sur “«Welcome in the Nepali jungle…!”

  1. Bonjour Paulo,
    Tu tombes à pic si je puis m’exprimer ainsi…
    Je serais à Kathmandou d’ici 15 jours pour un trek dans le Khumbu et la vn de l’Island Peak.
    Nous partons sans organisme.ni To et je n’arrive pas à.savoir si il est toujours possible de faire l’Island Peak sans guide local ?? J’entends le toit et son contraire à ce sujet.. peut tu m’éclairer ?
    Merci d’avance
    Les Ausseaume

    1. paulo.grobel@orange.fr

      Namasté
      Damned… Normalement c’est une question simple.
      L’Island Peak est un sommet géré par la NMA et les règles sont simplifiées.
      Sa cotation est AD + ou D- en neige/glace.
      Il faut : agence obligatoire pour le permis, avec une équipe minima (par exemple un sirdar qui s’occupe du/des porteurs).
      Sur la montagne, rien n’est obligatoire.
      Par exemple si je vais à l’island Peak avec un ami, nous nous organiserions comme dans les Alpes à partir du camp de base avec cordes et piolets (si ne n’utilise pas de corde fixe).
      Mais en décembre 2015 (quand je suis parti du Népal) le gouvernement a supprimé la gestion des sommets par la NMA, lui enlevant de fait tous ses revenus !
      Là aussi, c’est un sujet dont personne ne parle.
      A priori, ces sommets (dont l’Island Peak) étaient sensé être géré par le ministère du tourisme, comme les expés normales.
      Et je ne sais pas où en est cette situation !
      La NMA a forcément fait appel de cette décision, mais qu’en est-il réellement ?
      Je fais aussi suivre le message… pour avoir des infos récentes.
      Bonne ascension

      1. Etienne principaud

        Bonjour Paulo

        La NMA avait effectivement fait appel de cette décision et semble avoir eu gain de cause auprès de la cour suprême.

        Références
        http://www.nepalmountainnews.com/cms/2015/12/09/supreme-court-stays-transfer-of-nma-peaks-to-govt-control/
        http://www.nepalmountainnews.com/cms/2016/01/03/supreme-court-allows-nma-to-issue-climbing-permits-for-33-peaks/

        Sinon un bon commentaire de la décision gouvernementale de transfert de la gestion des sommets dans le blog de MarkHorrell
        http://www.markhorrell.com/blog/2015/death-of-the-nepal-trekking-peaks/
        http://www.markhorrell.com/blog/2015/what-does-the-nepal-mountaineering-association-do/

        1. paulo.grobel@orange.fr

          Merci Etienne pour cette veille Internet et pour ce « commentaire sur le rétropédalage du gouvernement népalais concernant la suppression de la gestion des trekking peaks par la NMA.
          Comme quoi il n’y a pas qu’en France que les décisions gouvernementales font un flop !! »
          Bonne continuation et forcément un prochain jour au fin fond du Dolpo vers les pèlerinages Bön…
          Paulo_encore au Chardonnet

      2. paulo.grobel@orange.fr

        Et voici quelques informations sur les usages pour l’Island Peak.
        IL faut remarquer qu’il n’y a pas beaucoup de place pour une pratique en technique alpine. Et que la NMA a augmenté les tarifs des permis alors que l’ensemble du pays vit une situation économique difficile pour la relance du tourisme et que ces « petits » sommets sont le coeur de l’activité des agences (occidentales ou népalaises).
        Ke garne…
        Concrètement :
        Actuellement il faut obtenir un permis de la NMAet les royalties sont fixes par personne et par Sherpa d’altitude (avant c’était fonction de la taille du groupe) :
        Printemps 250 USD par grimpeur 4 000 Rs par Sherpa
        Automne 125 2 000
        Hiver 100 1 000

        Si c’est un groupe en camping, le groupe a ses tentes et son équipe cuisine. Les sherpas de Chukung normalement équipent en cordes fixes et prennent disons 2 000/3 000. Ça dépend du sherpa d’altitude avec le groupe. S’il connaît les gars de Chukung ils s’arrangent entre eux.

        Si le groupe est en lodge (style TO). On contacte les gars de Chukung qui fournissent les tentes et la nourriture (dîner, BF et pack lunch midi). Ils équipent en cordes fixes et prennent 8/9 000 Rs par grimpeur.

        Que ce passe-t-il avec une équipe minima et sans « sherpa d’altitude »… Merci d’avance pour le retour d’expérience.

        1. paulo.grobel@orange.fr

          Bonjour Paulo,
          J’ai lu avec grand intérêt ton long article sur l’évolution des expéditions au Népal. Et voici ma réponse en tant que chef de produit et guide UIAGM ayant longtemps organisé des expéditions dans le cadre d’Atalante, puis d’Allibert.
          Pour info, je prends ma « retraite » en juin prochain, c’est donc un regard sur ces dernières années que je porte, sans préjuger de ce que sera l’avenir.
          Le marché des expéditions en France était devenu depuis plusieurs années, le domaine de « petits » acteurs : Stages & Expéditions du temps de Bernard Müller et Odyssey Montagne. Les « gros » Allibert et Terdav s’appuyant davantage sur ce marché pour entretenir leur « image ».
          Le rapport purement financier de ces expéditions est, du point de vue strictement économique, très mauvais. 90% des expés ramènent moins de 15 voire 10% de marge. Si l’on considère l’investissement et le temps consacré en amont, inutile de dire qu’il vaut mieux faire autre chose. Sans compter les mauvais retours clients en cas d’insuccès et le risque médiatique en cas d’accident.
          L’apparition des guides UIAGM népalais est apparue, dans un premier temps, comme une fausse bonne solution. En effet, il faut non seulement que le guide soit bon techniquement mais qu’il puisse aussi parler français. Tu connais comme moi le niveau calamiteux de nos compatriotes en langues étrangères. Du coup, pour les opérateurs commerciaux français type Allibert ou Terdav, organiser une expédition avec un guide ne parlant pas français est un gros frein.

          Pendant 2 années, j’ai tenté de promouvoir des trekking peak avec double encadrement : un guide francophone pour la partie trek et un guide UIAGM népalais anglophone pour la partie ascension. Mais pour l’Island Peak il faut payer 10 jours de guide. Soit un prix élevé : je n’ai pas eu un seul groupe !
          D’autres concurrents ce sont contentés de proposer l’Island Peak avec des HAP (guides de fait) et ont connu un franc succès commercial => je me suis, à mon grand regret, aligné sur cette pratique…
          Je pense que ce marché va de plus en plus revenir aux mains des acteurs locaux, qui progressent chaque année en communication, mais aussi en organisation. Et les jeunes générations, davantage habituées à internet et à manipuler l’anglais, n’hésiteront pas à partir dans ce cadre là.
          Quelques réponses à ton « questionnaire »
          Combien d’expéditions organisées par un TO Français et encadrées par un guide UIAGM français partiront ce printemps 2016 ? aucune pour Allibert
          Et à l’automne 2016 ? Nous avons une demande pour l’Himlung Himal, mais à 8695 euros par personne, je doute du remplissage.
          Les guides français organisateur d’expédition arriveront-ils à mutualiser leurs propositions pour mieux garantir le départ de leurs projets pour l’automne 2016 ? Nous y travaillons en interne avec le responsable des guides, pas simple à mettre sur pied.
          Combien seront encore présent sur le terrain ?
          En 2016 ? En 2017 ?
          Comment se positionnent les acteurs népalais émergents pour promouvoir sur Internet les expéditions qu’elles organisent (par exemple Tribeni ou Trinetra )?
          Quelle est la réponse des acteurs historiques népalais des expéditions ?
          Quelles sont les agences émergentes les plus présentes sur le marché anglophone et quelle est la proportion d’alpinistes français ou francophones qui s’inscrivent à ces expéditions internationales ?
          Bien cordialement,
          Didier MILLE

          Merci Didier de ce commentaire précieux.

          1. paulo.grobel@orange.fr

            La suite des infos pour l’Island Peak… Pas vraiment cool.
            « J’ai vu que tu avais mis les infos communiquées sur ton site.

            Donc, pour être encore plus précis, il y a également le coût de l’assurance du staff local encadrant l’équipe de grimpeurs. Même si le groupe ne veut pas utiliser de Sherpa d’altitude, le paiement de l’assurance pour l’équipe locale est obligatoire, sinon pas de permis délivré.
            Coût 1 200 USD pour l’équipe.
            Chaque népalais est assuré pour les soins médicaux ainsi que pour le rapatriement si requis. En cas de décès chaque famille touchée perçoit environ 4800 USD.
            Les grosses agences népalaises assurent pour l’année un certain nombre de sirdars, cooks et autres staff et ne font pas payer le plein tarif de l’assurance à chaque groupe mais répercute ce coût annuel sur leurs clients. Ce que ne font pas les petites agences qui vont donc répercuter le coût de 1 200 USD sur le groupe prévoyant l’ascension d’un sommet NMA. Les agences peuvent également demander le paiement de la caution pour les déchets (250 USD) remboursable au retour lorsque les déchets ont été ramenés.

            Donc les grosses agences népalaises attirent plus de groupes…..
            Difficile pour les petits dans ce monde ! »
            Merci…

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