Que nous dit-t-il de cette région entre Annapurna et Dhaulagiri, la vallée la plus profonde du monde où coule la Khali Gandaki ?
Tukuche, qui était le camp de base de l’expédition est maintenant devenu une bourgade sans âme traversée par une piste poussiéreuse, qui sera bientôt un axe routier majeur et goudronné vers la Chine. Mais, en ce temps là, Herzog découvre que Tukuche est le centre du pouvoir Takali et le lieu de résidence d’un personnage local très influant, le Subba, le collecteur d’impôt de la route du sel de l’ethnie Takali, qui rendra de grands services aux étrangers de passage.
Mais qui est donc ce Subba de l’ethnie Takali ? Et les Takalis existent-ils encore ?
Aujourd’hui, les Takalis, il faudrait d’ailleurs parler des Thamang Takali, habitent une poignée de villages regroupés sur les rives de la Tak Khola. Dans les chroniques historiques, il est question de deux communautés distantes, regroupées géographiquement sous les appellations THAKSATSAE, les 70 maisons des 13 villages.
C’est donc un tout petit groupe ethnique qui semble avoir perdu son identité culturelle originelle tibétaine mais qui a joué un grand rôle dans l’histoire de la vallée, durant une courte période, à l’époque du « Bhot ko noon », le sel du Tibet. Ce sel était considéré comme un produit extrêmement lucratif qui a joué un rôle important dans la vie sociale et économique de ce territoire transhimalyan. De 1862 à 1942, aux postes frontières de Tukuche et Dana, le collecteur des impôts reçoit le titre de Subba par la dynastie Rana alors au pouvoir. Il possède aussi le monopole du commerce de ce sel, qu’il achète et revend, mais aussi transporte sur ces propre animaux de bat. Cet enrichissement rapide se double d’un pouvoir politique et judiciaire sur la communauté. Les familles du Subba et les Tamang Takali deviennent une aristocratie puissante, jusqu’à la chute de ce commerce du sel et du « Noon ko batu », à cause de l’invasion du Tibet par la Chine et la présence les Kampas de l’armée tibétaine, au Mustang.
Beaucoup de familles Takali se sont déplacées vers la plaine, puis le tourisme et la culture des pommes à Marpha se sont développés, forcément bousculés maintenant par l’arrivée de la route. Si les temples et les fresques associés à la culture Takali ont quasi disparu, il nous reste de belles maisons blanchies à la chaux à Marpha et dans les villages des alentours.