Mercredi 20 juillet 2016…
Il est presque 11 h du matin. Le temps est splendide.
Nos sommes très surpris d’arriver déjà aux Bivouacs Carlo Pol & Grapein, en route vers le Grand Paradis.
Nous sommes seuls au monde, pour passer la nuit sur le fil d’un éperon qui surplombe la vallée de Valnontey, au coeur du Massif du Grand Paradis. Aujourd’hui, contre toute attente, depuis le Bivouac Leonessa, nous avons réussi a décrypter un cheminement plutôt agréable pour monter jusqu’ici.
La journée s’écoule doucement, a s’imprégner du paysage grandiose, de siestes en discussions. Le Jetboil de Philippe ronronne pour un bol de thé.
En soirée, quelques nuages d’altitude envahissent le ciel. Le beau temps qui nous accompagne depuis notre départ de Cogne touche à sa fin.
Aurons-nous le temps de passer la petite lucarne de la Finestra del Roc qui donne accès à la voie normale du Grand Paradis, versant Valsavaranche ?
Dans le bivouac minuscule, la vie s’organise pour la nuit et tout le monde est confiant pour notre ascension du lendemain.
Une formule de séjour en montagne qui me comble…
C’était un peu le pari de cet été :
- associer mes compagnons de cordée à ce projet de repérage, de documentation et d’écriture sur de nouveaux itinéraires en montagne pour un ouvrage en devenir.
- Vivre le mieux possible un alpinisme culturel, ouvert sur de multiple directions pour saisir toute la spécificité, le caractère unique d’un territoire.
- Et bien sûr, s’adapter encore et de mieux en mieux… à la météo, aux conditions de la montagne, aux participants…
Tourner le dos à des séjours très/trop formatés, tellement «tout compris» qu’ils sont sans surprise, presque banal…, et revenir à mon coeur de métier : «être» en montagne, le plus en harmonie possible avec le milieu montagnard et mes compagnons.
Avec surtout un regard neuf.
La météo s’annonçant peu favorable pour la fin de semaine, nous avons donc bousculé la proposition initiale de visiter le Bivouac Money pour nous rapprocher immédiatement du Grand Paradis et du bivouac Carlo Pol.
Mais c’est diablement loin pour une première journée au départ de Chamonix !
Pour cela, nous sommes montés au Bivouac Leonessa en consacrant une journée pour gravir un petit sommet, que nous avons appelé Picolo Dôme de Montandayné tellement la vue sur le cirque de la Tribulazione y est satisfaisante.
Puis nous sommes parti vers le Grand Paradis, comblés de notre séjour en totale autonomie dans notre minuscule refuge, si loin de tout.
3 h du mat…
Comme prévu le petit bivouac commence a s’activer.
La porte s’ouvre sur un ciel sombre de nuages d’orage. Il commence même à pleuvoir.
Quelle déception !
Le mauvais temps est arrivé plus tôt que prévu.
Partir quand même ? Se recoucher ?
La décision à prendre a toujours la même complexité. Notre isolement tant apprécié rend notre situation encore plus précaire et la traversée plus aléatoire par mauvais temps. L’engagement de la course est peu en adéquation avec l’expérience alpine des uns et des autres. Les conditions optimum qui nous sont nécessaires ne sont pas au rendez-vous et pour l’instant, la porte du bivouac se referme sur nos envies de Grand Paradis.
Nous reviendrons…
La pluie se fait plus présente sur la tôle de notre minuscule abri. Chacun plongent dans des pensées nostalgiques ou le sommeil de l’oubli.
Du Landart dans la haute vallée de Valnontey ?
Redescendre de notre perchoir ne nous pose pas de problème particulier. Le terrain est connu, les manœuvres de corde sur le glacier s’enchaînent facilement et en bas de la moraine de grands cairns nous entrainent vers un replat herbeux et une grande croix qui surplombe la vallée. Un balisage bien visible nous invite à poursuivre notre descente au lieu de remonter à Leonessa.
Nous voici sur un sentier mystérieux, balisé d’un jaune éclatant…, mais qui n’existe pas !
Ou plutôt pas encore…
Il plonge directement dans la vallée et nous voici bientôt à la bifurcation pour remonter à Herbetet. La journée sera plus longue que prévue, comme souvent pour un plan B !
Nous remonterons donc à Herbetet pour parcourir le sentier en balcon vers le refuge Sella et espérer, le lendemain, enchainer sur un peu d’alpinisme vers la Punta Rossa ou Nera.
Le sentier est une pure merveille, sauvage et panoramique. Bien dans l’ambiance Wilderness de ce Parc National.
Au Refuge Victorio Sella, le changement d’ambiance après quatre jours de solitude est renversant.
Par contre, la pluie nous accompagnera durant les derniers jours de la semaine jusqu’à notre retour à notre camp de base d’Argentière.
Mission accomplit.
Pour conclure cette semaine à l’Envers du Grand Paradis, la carte du massif est étalée une dernière fois sur la table du refuge pour construire les deux itinéraires du chapitre «Grand Paradis» de notre prochain livre…
Nous avons maintenant plein d’histoires, d’instants de belle complicité à partager.
Et les photos sont belles.
« Se coucher tard…
Nuit ! »
©Philippe G.
Paul_un matin d’orage de retour dans la vallée
le dimanche 31 Juillet 2016