Entre Annapurna et Dhaulagiri coule une rivière, la Kali Gandaki. Son nom exprime déjà toute sa puissance, tant naturelle et religieuse, symbolique et culturelle, que stratégique. Puissance tour à tour dévastatrice ou unificatrice.
Couloir de migration ancestral pour les oiseaux, route du sel et du commerce, d’invasion ou de brigandage, haut lieu de pouvoir à Lo Manthang ou Tukuche. Et, plus récemment, pour des hordes de trekkeurs, descente libératrice du Tour des Annapurna.
La Kali Gandaki Road est devenue aujourd’hui une priorité gouvernementale stratégique d’ouverture vers la Chine (pour réduire sa dépendance avec l’Inde) et de commerce tripartite en se positionnant comme intermédiaire entre deux géants. Objectif annoncé : une highway de deux voies goudronnée pour le transit des camions !
À notre échelle, beaucoup d’entre nous ont vécu certaines des évolutions de la vallée : peut être l’ouverture de l’aéroport de Jomosom, le premier tracteur à Lo ou le bus régulier de JMS à PKR.
Ce reportage photo de l’automne 2021 en complément de celui de 2019 permet de mesurer la démesure des travaux d’aménagement nécessaire et l’avancée de ce chantier herculéen. Pour se rappeler aussi des lieux qui ont ou vont disparaître. Lieux de passage, d’aventures et de souvenirs.
En 2022, en route vers les Bhrikuti, il s’agira de continuer à documenter la partie haute de la route, entre Jomosom et Lo Manthang, jusqu’à la frontière chinoise. Nous éviterons si possible la partie basse, de Pokhara à Jomosom !!!
Le Kali Gandaki Corridor Project, dans la presse népalaise.
Les différents tronçons de la route de la Kali Gandaki.
Pour mieux comprendre le trajet parcouru et arriver à se positionner dans l’espace voici un découpage des chantiers successifs que vous allez rencontrer.
De Pokhara à Béni
C’est une portion de route qui était déjà goudronnée et en bon état, avec une entrée en matière spectaculaire à la sortie de Pokhara ! Mais elle est plein travaux d’élargissement après Kusma qui seront rapidement terminés.
De Beni à Galeswor puis Naya Baishani
Nous sommes encore dans le bas de la vallée, avec un grand complexe hydro sur le parcours. le terrain est plutôt plat et classique pour le Népal, avec quelques glissements de terrain habituels et ponctuels.
De Naya Baishani à Tatopani.
Ça se corse carrément avec la portion la plus étroite des gorges, des affluent très actifs sur de grandes largeurs et des glissement de terrains. Un peu les gorges de l’Arly mais avec des dimensions himalayennes. Difficile d’imaginer une sécurisation de la chaussée dans un temps relativement proche. Rendez-vous dans cinq ans ? Dans dix ans ?
À Tatopani, le changement des lieux est monstrueux avec de nouvelles constructions difficilement qualifiable… Une horreur, et c’est pas fini !
De Tatopani à Ghasa.
Encore une section bien difficile. Cette fois à cause d’un terrain alluviale et morainique particulièrement instable. Comment vont-ils faire pour sécuriser tout ça ?
De Lete à Marpha.
Enfin, tout va mieux, le terrain s’adoucit et le lit de la Kali Gandaki s’étale sur toute la largeur de la vallée. La route prend une allure complètement différente. Les équipes s’activent pour le goudronnage.
À Marpha...
Nous voici au point de départ de notre marche d’approche. Le village de Marpha a conservé un peu de son ambiance d’antant grâce à la rue principale qui n’a pas changé. Toute la circulation passe par la déviation qui traverse les vergers. Et certains hôtel se sont re-localisés le long de cette route.
Vers le Mustang et la Chine...
Puis en remontant la vallée vers le Mustang, les travaux ont beaucoup avancé car le terrain sédimentaire est aussi beaucoup plus simple. Voici la suite du parcours dans une page éditée en 2019 et qui sera complété à l’automne 2022 lors de notre voyage vers les sommets du Bhrikuti.
Sur le Tour du Dhaulagiri.
Une dernière information déroutante.Une route a été construite au-dessus de Marpha et elle a pour objectif de rejoindre le Dhampus Pass ! C’est à la fois incroyable et surréaliste ! Et pourtant, c’est la réalité.
Il est difficile de comprendre d’où vient (et où va) ce projet d’aménagement et d’avoir des informations sur ce sujet (et donc si vous en avez, n’hésitez pas à les partager).
Une conclusion…, bien provisoire.
À la fois, la nature du projet routier semble démesuré et pourtant le chantier avance année après année. Mais, même à échéance de 10 ans, difficile d’imaginer, de croire que le parcours sera totalement terminé et « sécurisé ». Il sera d’ailleurs intéressant de suivre l’évolution de cette route, mais aussi de son impact sur l’environnement naturel et humain
Ce qui est certain, c’est que le Tour des Annapurna pédestre a de plus en plus du plomb dans l’aile, pour toute la partie en aval de Jomosom. Les sentiers alternatifs qui avaient été imaginé par l’ACA ont malheureusement aussi été bousculé par les pistes inter-village, et les hébergements sont en survie. Difficile d’imaginer ce que va devenir Tatopani ou la montée vers Gorepani.
Du côté des transports routiers passagers, la situation est plus positive. La descente en jeep depuis Jomosom se déroule plutôt bien et va encore forcément s’améliorer. En partant le matin, nous sommes arrivé en milieu d’après-midi à Pokhara, sans trop de galères.
Paulo – un 1er décembre 2021 et un dernier jour à Padma. Avec toujours cette ambiance très particulière…
7 réflexions sur “La route de la Kali Gandaki en 2021. De Pokhara à Jomsom…”
Baud
Merci des news…en effet , en 1978 pour le Daulaghiri on partait à pied , sous la pluie. Depuis Pokhara !!! Y avait moins de bruit…
Bonjour Paulo, en 2017 (tour du Daulaghiri et Mustang), je n’ai pas souvenir de cette route en construction, mais ne serait-ce pas pour désenclaver le Dolpo, ça me semble évident (mais bon de la Hidden Valley au Dolpo, ça n’est pas gagné ??
Non bien sûr impossible d’imaginer rejoindre le Dolpo par le Dhampus Pass et un trajet routier. Mais, historiquement,il existait bien une route du sel qui passait par la Hidden Valley en venant de Charka. Elle fut abandonnée suite à un glissement de terrain qui a également enclavé définitivement cette vallée. Trouver un nouvel itinéraire est donc un projet qui a tout son sens… Une page arrive bientôt sur ce sujet. Bon début d’hiver.
Bonjour, je viens de visiter le Mustang 11 ans après mon superbe trek lors de Tiji, mais étant donné l’avancée de la route, ce fut un « jeep tour » pour revoir les sites culturels du Mustang, avant d’aller marcher dans le Khumbu…
Mes impressions:
Beaucoup de nostalgie. La route était vraiment nécessaire pour désenclaver le Mustang et connecter les habitants avec les vallées d’en bas.
Mais ce projet titanesque, utopique, voire disons-le, irréalisable, porte un énorme coup de massue sur ce territoire qui a put être préservé par des décennies d’isolement.
1- Kagbeni n’est plus que l’ombre d’elle même.
2- Le design de la route au dessus de Chele, Samar et Geling est d’une pauvreté, sans aucune considération sur l’environnement et le caractère de paysage sacré… Les belles forêts au dessus de Samar sont dévastées. C’est même 3 différentes routes qui furent construites l’une après l’autre sans doute, comme d’énormes cicatrices géantes dans le paysage, ne me laissant que de la frustration et de l’incompréhension… Les ingénieurs du projet sont-ils vraiment au niveau? En Anglais on dirait « very poor project planning »…
3- Quelle bêtise d’avoir commencé a terminer les tronçons au dessus de Chele, quand le goulet d’étranglement est bien entendu le tronçon entre Beni et Ghasa en terrain morainique totalement instable. Ce sont des millions de dollars jeté par la fenêtre… Encore une fois, « poor project planning »… Aucune vision de la gestion des risques…
4- Pour rien du tout car il me semble complètement illusoire qu’un jour on verra une route de 2 voies bitumées dans les gorges de la Kali Gandaki…
Vraiment rageant…
Cependant, il est toujours possible de trekker dans le Mustang, mais il faudra commencer a Ghami voire Dhakmar… Il y a même une nouvelle route locale qui connecte Dhakmar avec Lo Gekar… Surprenant…
A part Kagbeni, je trouve que les villages ont réussi a préserver leur caractère authentique. Marpha est superbe. Tange, Tetang, Geling, Lupra sont toujours aussi magnifiques. Tsarang et Lo Manthang ont bien réussi leur transformation, les nouveaux bâtiments étant plus ou moins dans l’esprit de l’architecture historique.
Mais il n’y a plus aucun sens de faire payer aux touristes le permis de 500 USD pour le Haut Mustang, la règlementation devra forcement évoluer…
Merci Stéphane…
Pour cette route, ce n’est que le début de l’aménagement routier du Dolpo. Son entretien va être d’une rare complexité !!!
Et le chantier de Dho à Dunai est prévu l’année prochaine.
Il va nous falloir nous adapter à ces nouvelles réalités !
Salutations himalayennes
Paulo Grobel
Merci des news…en effet , en 1978 pour le Daulaghiri on partait à pied , sous la pluie. Depuis Pokhara !!! Y avait moins de bruit…
Bonjour Paulo, en 2017 (tour du Daulaghiri et Mustang), je n’ai pas souvenir de cette route en construction, mais ne serait-ce pas pour désenclaver le Dolpo, ça me semble évident (mais bon de la Hidden Valley au Dolpo, ça n’est pas gagné ??
Non bien sûr impossible d’imaginer rejoindre le Dolpo par le Dhampus Pass et un trajet routier. Mais, historiquement,il existait bien une route du sel qui passait par la Hidden Valley en venant de Charka. Elle fut abandonnée suite à un glissement de terrain qui a également enclavé définitivement cette vallée. Trouver un nouvel itinéraire est donc un projet qui a tout son sens… Une page arrive bientôt sur ce sujet. Bon début d’hiver.
Bonjour, je viens de visiter le Mustang 11 ans après mon superbe trek lors de Tiji, mais étant donné l’avancée de la route, ce fut un « jeep tour » pour revoir les sites culturels du Mustang, avant d’aller marcher dans le Khumbu…
Mes impressions:
Beaucoup de nostalgie. La route était vraiment nécessaire pour désenclaver le Mustang et connecter les habitants avec les vallées d’en bas.
Mais ce projet titanesque, utopique, voire disons-le, irréalisable, porte un énorme coup de massue sur ce territoire qui a put être préservé par des décennies d’isolement.
1- Kagbeni n’est plus que l’ombre d’elle même.
2- Le design de la route au dessus de Chele, Samar et Geling est d’une pauvreté, sans aucune considération sur l’environnement et le caractère de paysage sacré… Les belles forêts au dessus de Samar sont dévastées. C’est même 3 différentes routes qui furent construites l’une après l’autre sans doute, comme d’énormes cicatrices géantes dans le paysage, ne me laissant que de la frustration et de l’incompréhension… Les ingénieurs du projet sont-ils vraiment au niveau? En Anglais on dirait « very poor project planning »…
3- Quelle bêtise d’avoir commencé a terminer les tronçons au dessus de Chele, quand le goulet d’étranglement est bien entendu le tronçon entre Beni et Ghasa en terrain morainique totalement instable. Ce sont des millions de dollars jeté par la fenêtre… Encore une fois, « poor project planning »… Aucune vision de la gestion des risques…
4- Pour rien du tout car il me semble complètement illusoire qu’un jour on verra une route de 2 voies bitumées dans les gorges de la Kali Gandaki…
Vraiment rageant…
Cependant, il est toujours possible de trekker dans le Mustang, mais il faudra commencer a Ghami voire Dhakmar… Il y a même une nouvelle route locale qui connecte Dhakmar avec Lo Gekar… Surprenant…
A part Kagbeni, je trouve que les villages ont réussi a préserver leur caractère authentique. Marpha est superbe. Tange, Tetang, Geling, Lupra sont toujours aussi magnifiques. Tsarang et Lo Manthang ont bien réussi leur transformation, les nouveaux bâtiments étant plus ou moins dans l’esprit de l’architecture historique.
Mais il n’y a plus aucun sens de faire payer aux touristes le permis de 500 USD pour le Haut Mustang, la règlementation devra forcement évoluer…
Bonjour,
pas sûr vu que les prix des permis sont une requête de la Chine voisine : https://english.khabarhub.com/2023/01/324464/
Historiquement, ils sont le fruit des guerriers Khampa au Dolpo et au Mustang, entraînés par la CIA
https://thediplomat.com/2013/09/china-finds-the-lost-kingdom/
Et puis, n’oublions pas que le Karmapa s’est évadé de Chine pour rejoindre l’Inde en passant par le Mustang en 2000
https://www.kagyuoffice-fr.org/17e_karmapa/histoire/levasion-en-inde/
Bonjour,
le Mustang et le Dolpo maintenant connectés par une route (Mustang and Dolpa connected by motorable road)
* https://english.pardafas.com/mustang-and-dolpa-connected-by-motorable-road/
* https://risingnepaldaily.com/news/34657
Merci Stéphane…
Pour cette route, ce n’est que le début de l’aménagement routier du Dolpo. Son entretien va être d’une rare complexité !!!
Et le chantier de Dho à Dunai est prévu l’année prochaine.
Il va nous falloir nous adapter à ces nouvelles réalités !
Salutations himalayennes
Paulo Grobel