Une autre manière d’envisager les expéditions en Himalaya… ?

Cette nouvelle page est dédiée à « la progression douce en Himalaya », ou encore « Slow Expedition »

« La progression douce en Himalaya » est un déplacement en continue sans retour au camp de base. C’est aussi une approche raisonnée (et raisonnable) de la haute altitude avec une adaptation de la progression en fonction des étages hypoxiques.
C’est une pratique de la haute (et « très haute ») altitude, sur des sommets de 6000 à 8000 m, centrée sur les notions de plaisir et de respect (de soi, des autres et de l’environnement).
Elle n’est ni réservée aux guides de haute montagne avec leurs clients, ni aux « bosses de neige ». Bien au contraire, elle s’adapte, par nature, à la réalité des capacités et compétences de tous les groupes d’alpinistes partageant ces valeurs.

Ce blog est avant tout un lieu d’échanges et de communication.
Car, comme pour toutes nouvelles pratiques, ou pratiques émargeantes, il y a encore beaucoup de choses à découvrir, à apprendre sur cette «progression douce ». Des techniques à construire ou à adapter, des détails à ajuster…
N’hésitez donc pas à poser des questions, à apporter un témoignage et à participer aux réponses.
Je vous souhaite tout le bonheur d’être en montagne et en Himalaya… D’être, tout là haut…
Paulo, janvier 2011

Toutes les vidéos des aventures de notre gastéropode en Himalaya.

En ce printemps 2010, je reviens du Noijing Kansang, un 7000 proche de Lhassa.
C’est ma troisième expédition sur ce sommet et c’est aussi là-haut que l’aventure de « la progression douce » a commencé, il y a quatre ans. Une histoire qui a profondément bousculé ma manière de vivre et d’organiser mes expéditions en Himalaya.
Et, c’est cette histoire que j’aimerais vous conter… par les films réalisés sur le sujet.

Noijing Kansang, automne 2006

Il fait mauvais temps au Tibet en ce début d’automne. Les éclaircies sont à la fois rares et courtes. Progresser en altitude est un vrai casse-tête. Et pourtant, à notre grande surprise, nous avons atteint le sommet presque facilement, en progressant de manière continue et en doublant le nombre de camps pour profiter des rares accalmies.
Première expérience d’une « progression douce », cette expédition au Noijing m’a fait basculée dans un autre monde. En m’obligeant à repenser mon accompagnement en haute altitude. Cette expérience grandeur nature montrait qu’il était possible de vivre en altitude (entre 6000 et 7000 m) et d’y séjourner pour une durée importante sans forcément souffrir, ni rencontrer de difficultés particulières. La manière de progresser semblait un facteur déterminant.

Si cette analyse parait évidente aujourd’hui, elle n’en demeurait pas mois à contre-courant de la plupart des expéditions en Himalaya organisées sur le mode de l’incursion : « vite en haut, vite en bas » pour ne surtout pas séjourner en altitude, dans « la zone de la mort »… C’était évidemment comme cela que pendant plus de 15 ans j’avais précédemment menées mes ascensions.
Il n’est peut être pas inutile de rappeler le premier film de Bertrand Delapierre avec François Damilano sur notre expédition au Nemjung à l’automne 2004. Avec « Skippers d’altitude », nous en sommes encore à la préhistoire. Une certaine réflexion émerge de l’écriture du film, mais il n’est pas encore question d’une approche raisonnée de l’himalayisme.

Voici une interview de François à la sortie de Skippers, par TVMountain.

Shishapangma, printemps 2007

Ma deuxième expédition en « progression douce » se déroulera au Shishapangma. Nous étions cinq alpinistes pour une expédition sur un 8000, sans porteur d’altitude, sans corde fixe ni oxygène. Une expédition à ski très agréable dont le leitmotiv, «définitively relax» résume bien l’ambiance. Tous mes compagnons de voyage on atteint le sommet.

Le petit film de Paul Vulin reflète cette atmosphère de plaisir et de détente.
Le Shisha à ski !!!. Images de Paul Vulin «Nemo», montage Brunyld Vulin.

Ce Shishapangma 2007 nous a conforté dans plusieurs idées   :

1…, Il est possible de vivre longtemps en haute altitude, même pour l’ascension d’un 8000.

2…, Ce séjour en altitude est source de plaisir, sans problème de MAM particuliers.

3…, Des efforts calibrés et limités facilitent l’acclimatation :

– Pas trop d’effort dans la journée, environ 4 à 6h d’effort. Le reste du temps est consacré à la récupération. En dénivelé cela représente entre 500 et 800 m de montée, mais pas plus !

–  Un poids du sac à dos limité (15 puis10 kg). C’est le début de l’utilisation systématique d’un peson, au camp de base mais aussi à tous les camps d’altitude durant l’ascension.

Putha Hinchuli, printemps 2008

Cette ascension partagée avec François Damilano et nos clients marquera un véritable tournant.

Cette réussite « tous ensemble au sommet » a permis de réaliser un film didactique témoignant de la réflexion en cours sur la progression douce.  Documentaire de 12 mn, « La stratégie de l’escargot » explique la démarche et montre sa mise en œuvre sur un sommet peu exigeant techniquement mais dépassant les 7000 mètres avec des alpinistes amateurs dont c’est la première expérience en haute altitude.
Les notions de plaisir et de « faire ensemble » sont mises en avant. Pour autant ce témoignage n’est pas un éloge de la lenteur, mais plutôt une mise en image de  « la conscience de faire »,. On pourrait parler d’une pratique raisonnée et respectueuse de la haute altitude, si ces termes n’étaient pas trop chargés de jugements de valeur.

« La stratégie de l’escargot » 12 mn. Images de François Damilano et Jean-René Talopp, montage de Denis Steinberg – Médéo.

D’autre documents ont complété le propos sur cette expédition :
Le film de Jean René Talopp… aborde l’ascension du sommet sous l’angle d’une l’histoire vécue au jour le jour. On y retrouve la réalité du quotidien d’expédition et quelques précisions sur l’acclimatation.

« Un voyage en altitude ». Images Jean-René Talopp, montage de Thierry Damilano.

Deux interviews sur TVMountain ont également été réalisées par David Authman.

Une présentation de la stratégie de l’escargot par François Damilano.

« Etre ensemble, la notion de cordée, le travail avec les porteurs d’altitude», par Paulo Grobel

Pour moi, la notion de paliers, très présente dans le film, a évolué au fil des dernières expérimentations. Je l’ai remplacé par celui d’étages hypoxiques qui correspond peut-être mieux à la réalité. Cette approche ne propose pas de barrières fixes mais au contraire un espace plus large, plus adaptable à la réalité vécue dans chaque expédition (en fonction de la montagne, du groupe, du comportement de chacun).
Au-delà du contenu, le titre du film lui-même a fait réagir. « Progression escargot » : dans la démarche de cinéaste de François, il s’agissait évidemment de marquer les esprits et de faire un focus sur une réflexion. « Progression par paliers», «Progression douce» aucun des noms utilisés pour nommer la technique ne sont tout à fait satisfaisant : ils ne reflètent que partiellement la réalité expérimentée et de plus, ils sont difficiles à traduire dans une autre langue.Peut-être est-il temps de trouver une autre dénomination, mais laquelle ?

Manaslu, printemps 2009

Toujours avec François Damilano, cette expédition au Manaslu va nous permettre de confirmer l’intérêt de la méthode.

Le dernier jour de l’ascension, à plus de 7500 d’altitude, nous sommes 7 alpinistes occidentaux (sur 10 au départ) à partir vers le sommet. Et nous sommes en pleine possession de nos moyens. La météo en décide autrement et nous décidons du demi-tour vers 7600 m avant l’arrivée du mauvais temps.

Être si nombreux, si haut sur la montagne et en pleine forme, reste le message fort de cette expédition. Oui, il est possible de vivre une « progression douce » sur un 8000 avec de réelles possibilités de réussite et sans effort « surhumain », ni traumatisme.

De ce voyage en altitude, François a ramené « Parenthèse à 8000 ». Ce film s’attarde sur les acteurs de cette aventure en haute altitude en leur donnant la parole. Pas d’images de montagne racoleuses, pas d’exploit, pas d’accident, pas de martiens en combinaisons bardés d’autocollants. Ni voix-off, ni commentaire. Un choix qui privilégie la mise en avant de la parole de chacun sur des images du quotidien de l’altitude. Cette mise à nu des émotions souligne les contradictions de chacun et les difficultés d’être.

Le film peut déranger ou agacer :  il est loin de la production actuelle à grand spectacle.
Un documentaire de France 3 (pour l’émission Chroniques d’en haut) éclaire le propos du film et explique les intentions du réalisateur.

« Chronique d’en haut », « Et si on faisait un 8000 ? »
J’apprécie beaucoup la sincérité des témoignages recueillis par François pour ce film. D’ailleurs, je me retrouve un peu dans chacun des personnages. Je vais sur un 8000 pour me confronter à l’altitude et à la difficulté du métier de guide en expédition. Mais un peu comme chacun, j’y vais aussi pour soigner mon ego, me mettre hors du monde, faire un grand voyage, vivre une expérience humaine et continuer d’apprendre. Peut-être, pour me sentir vivre… Tout simplement.
La « progression douce », par son côté radical d’immersion et de décapant relationnel, contribue à répondre à mes attentes et à celles de mes co-équipiers.

Mais l’histoire n’est pas terminée !
Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre, à échanger pour améliorer encore cette technique de progression sur les hauts sommets himalayens.
il y a eu l’expérience du Cho Oyu, où mes compagnons de cordée ont réussi le sommet pendant que je redescendais pour ne pas rester définitivement là-haut. Et Nemo m’accompagnera dans ce retour sur terre en renonçant au sommet.
Respect et remerciements !

Et en ce printemps 2015, j’aimerais retourner au Manaslu, le plus abordable des 8000 du Népal, pour continuer cette belle histoire, et encore mieux la partager avec mes compagnons de voyage Népalais et occidentaux.

Welcome onboard !

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *