HIMLUNG 2017, la traversée inachevée…


La traversée de l'HimlungLa Traversée de l’Himlung…
Voici la photo la plus surprenante et la plus représentative de notre traversée.

Le camp 5 de l’Himlung, à 7050 m et à moins de 100 m sous le sommet !
Nous allons même y rester deux nuits…

La traversée de l'Himlung
Une vue d’ensemble de notre projet de traversée de l’Himlung

La préparation de notre itinéraire de traversée, à La Grave en mars 2017, fut certainement le moment le plus créatif, original et captivant de notre histoire.
Jamais auparavant je n’avais passé autant de temps sur les cartes, sur Google Earth et en échanges avec mes compagnons de cordée. Avec une multitude de questions :

  • Quelles réalités nous attendaient sur l’arête ?
  • Quelle était la difficulté du parcours ?
  • Les parties les plus techniques ou invisibles ?
  • Où était le passage clefs ? Les échappatoires ?
  • Et surtout, dans quel sens fallait-il envisager cette traversée ?
  • De l’Himlung vers le Ratna ? Ou inversement ?
  • Que fallait-il prioriser ? L’ascension du sommet ? La traversée ?
  • Avec quelle autonomie ? Et quel portage ?
  • Avec quelle équipe népalaise ?
  • Comment imaginer notre progression sur cette longue arête, avec un engagement bien réel ?
  • Avec les aléas météos, l’arrivée du mauvais temps ou la fatigue d’un membre de l’équipe ?

Et bien d’autres questions…

La traversée de l'Himlung
Himlung et Himlung East. Le passage clefs de la traversée.

Avec ce projet d’une traversée d’un 7000, j’avais osé aborder une autre réalité de l’alpinisme en Himalaya. Une réalité infiniment complexe et passionnante.

Avant notre départ, la première réussite était déjà d’avoir constitué un groupe ultra motivé pour ce projet (malgré l’inconnu, la difficulté, la durée et le coût). Et je remercie chaleureusement mes compagnons d’expé de m’avoir accompagné dans cette Paulo’connerie (avec un fort accent népalais).

L’aventure fut exceptionnelle
même si cette traversée de l’Himlung reste (pour l’instant) inachevée
et si nous nous sommes arrêtés au sommet de l’Himlung East.

Je voudrais aussi rendre hommage à tous les Himalayistes qui nous ont ouvert ce chemin particulier de l’altitude. Car la traversée d’un sommet par une arête en plein ciel n’a rien de comparable à une ascension en aller-retour, quelle que soit la difficulté, la longueur ou l’altitude.
Et ce n’est pas un hasard si le livre de Sandy Allan « L’arête de l’éternité» sur l’Arête Mazeno au Nanga Parbat, nous a accompagné jusqu’au camp de base, de mains en mains. Nous l’avons dévoré avec beaucoup d’humilité…

Welcome in Bodhanath.
Toujours un endroit aussi magique.
Une drôle de manière de repeindre le Stupa. Et pourtant ça marche pour les pétales de Lotus. Crédit Régis Bardet
Crédit Régis Bardet
Une aventure surprenante sous le signe des Tripous. Merci à Bertrand pour cette découverte culinaire très French touch ! (By Bertrand Vayssettes).
By Bertrand Vaysettes…
Nos compagnons Népalais, indispensables à la réussite de nos aventures himalayennes. Crédit Isabelle Guillaume

Et voici le compte rendu
de notre traversée de l’Himlung…
Bon voyage !

Koto, le 20 Avril 2017

Après notre arrivée à Kathmandu et un rapide séjour à Boudhanath, la deuxième étape de notre expédition est maintenant derrière nous : le transport de Kathmandu jusqu’au départ de notre marche d’approche. 

Tout s’enchaîne comme une mécanique bien rodée. Bishal a tout organisé.

Pourtant la sortie de Kathmandu est actuellement catastrophique. Deux chantiers gigantesques bloquent une circulation déjà chaotique : la construction d’une voie souterraine au carrefour de Kalanki, l’élargissement de la chaussée et l’enfouissement de l’adduction d’eau sur le trajet vers Tankot, le col qui permet de sortir de la vallée.
Il faut un temps infini pour accéder au col dans un environnement apocalyptique de bruit, de poussière et de véhicules en tout sens.
Pas vraiment ce que recherche des touristes ou des trekkeurs en voyage, ni des alpinistes en quête de repos avant une ascension.

De Koto à Meta.
Peut-on dire que c’est une bonne nouvelle ?
Le chantier de la route vers Meta, qui avait débuté en fin d’automne 2016 avance très très lentement, aucun engin mécanique et une seule équipe de 25 à 30 ouvriers du district de Rukum, armée de pelles et de pioches et d’un peu de dynamite pour les parties rocheuses.
Surtout, il n’y a pas de budget disponible pour ce chantier.

Construire une route la pioche… ?
Vers Phu
Le nouveau lodge de CHYAKU, tenu par un jeune couple de Naar. Vraiment une bonne adresse et ce sera notre prochain camp de base pour un repérage vers le Chombi !

Par contre, l’aménagement des hébergements privés avance efficacement et c’est une très bonne chose pour nous. Cela signifie aussi qu’un jour, le statut de Restricted Area sera peut être levé pour cette région de Naar-Phu.

Conclusion…, il est maintenant possible de voyager dans les vallées de Naar et Phu de lodge en lodge, en « tea-house trek ».

A Kyang, seul endroit où il manque un lodge, la construction devrait commencer cet automne. Il y avait un problème d’accès aux parcelles à résoudre.

Kyang & Phu
Vers Kyang… des falaises qui semblent propice à l’escalade. Juste trouver l’énergie et le temps pour aller y faire un tour. Qu’en penses-tu Laurent ?
Sur la route…
Crédit Régis Bardet
« Le minimum pour satisfaire les besoins des touristes que nous sommes… » Mais surtout un aspect indispensable pour bien vivre nos itinérances.
Michael à Kyang…
Et pour éviter ce genre de mésaventure… Mais que c’est-il passé pour Bertrand ?

A Phu.
Il est parfois des choses qui semble simple mais qui se compliquent sacrément. 

Ainsi en est-il de cette marche d’approche pour l’Himlung que je connais comme ma poche.
Je pensais que notre découpage était idéale, après avoir conduit plus d’une quinzaine d’expés à Phu. Mais cette année, Bertrand ne se sent pas bien à l’arrivée au village, à une altitude de 4000 m, avec un début d’oeudème pulmonaire et une Sat en berne.

  • Que c’est-il passé ?
  • Faut-il envisager une évacuation immédiate en hélico ?
  • Ou une descente à pied dès le lendemain ?
  • L’expédition est-elle terminée pour lui ?

Heureusement, nous avons prévu dans le planning une journée de repos à Phu. Ce qui signifie pour Bertrand : repos absolu, médicalisation et petit tour en caisson. Et pour le reste du groupe une découverte en douceur du village et une Puja au monastère organisée par Jangbu.
En fin de journée, une très légère amélioration se dessine pour Bertrand et je décide de rester une journée de plus à Phu. Tout le monde en profitera pour parfaire son acclimatation avec une belle randonnée sur le sommet sacré juste au-dessus du village. L’altitude y est déjà conséquente, presque le sommet du Mont Blanc, avec une superbe vue sur tous les sommets du Peri Himal et sur notre traversée de l’Himlung.
La journée a été particulièrement belle et appréciée de tous. C’est donc une très bonne idée pour le prochain Himlung encadré par Jangbu en 2018, pour une acclimatation optimum.

Bertrand c’est bien reposé et va suffisamment mieux pour pouvoir envisager de continuer avec nous vers le camp de base.

Ce n’est absolument pas ce qui est préconisé dans les manuels avec un début d’oeudème, mais j’ai un peu d’espoir sur notre capacité à aménager un déplacement vers le haut avec des efforts bien calibrés.

L’idée est de fonctionner au jour le jour, le plus attentivement possible et nous verrons bien jusqu’où Bertrand pourra monter avec nous, sans objectif affiché.
Et tout se passera le mieux du monde.
Bertrand m’accompagnera au plus haut de notre aventure et prendra une part active à notre progression. Incroyable et inespéré.

En montant vers le vallon de Salde et le camp de base. La canalisation de la micro centrale.
Phu
Le vallon de Salde pour accéder aux camps de base de l’Himlung et du Gyajikang.
C’est aussi une très belle randonnée pour les trekkeurs qui se donnent la peine de rester quelques jours à Phu, pour un tourisme résidentiel.
Le camp de base… Et ce printemps nous y sommes seul.
L’antre de Bahadur : la cuisine. La aussi, un lieu important pour le succès de nos aventures. Crédit Isabelle Guillaume
Un moment très particulier. Nous quittons le camp de base définitivement, pour plus de 12 jours en altitude.

Vers le camp de base et le French Camp (l’ABC).
Damned, il a bien neigé cette nuit et ce n’était vraiment pas le moment idéal, car nous allons démonter le camp de base et traverser le Glacier de Pangri.
Rien de bien difficile en soi (2 ou 3 h seulement), mais la neige fraîche sur des gros blocs demande beaucoup plus d’attention et j’aimerais surtout ménager Bertrand et Christine, les participants les plus fragiles.
Heureusement, le temps est splendide et bientôt tout le monde est installé de l’autre côté. Il faut dire que les «Special Porters» et les différentes équipes des «Nepali Leader» avait bien avancé cette installation les jours précédents.
Voici donc une nouvelle étape de réussie.

Rajan et Kharma, Nepali Leader séniors. Dans la première montée au camp 1.
Petit briefing avec toute l’équipe népalaise. Pour essayer d’expliquer les réalités d’une traversée en haute altitude. No compétition…Crédit Isabelle Guillaume.
Toute la bande des Nepali Leader : Jangbu, Rajan, Kharma et Tensing.
La progression continue est aussi faite d’aller et retour. Christian dans la descente vers le French Camp.
Le nouveau matos d’Himalayan Travellers géré par Bishal.

La partie alpinisme de l’expédition commence.
Nous sommes à pied d’oeuvre et nous avons deux journées devant nous pour nous installer au Camp 1.
Le terrain est particulièrement agréable et le cadre splendide. Il s’agit de faire un petit portage au camp 1 en aller retour, de dormir une nuit de plus au French Camp, puis de monter tranquillement dormir au camp 1.
Notre progression continue avec des étapes relativement courtes s’adaptent idéalement à la météo du printemps en Himalaya. Dès le début de l’après-midi, le temps se couvre avec des précipitations plus ou moins importantes alors que nous sommes tranquillement à l’abri dans nos tentes. L’acclimatation en est d’autant facilité par ces temps de repos obligatoires.
L’équipe des Nepali Leader senior s’installe également au camp 1 avec nous, pour avoir le temps de s’occuper de l’aménagement du glacier, après Crampons Point. C’est le prochain point clef de l’ascension et j’ai confié cette tache à Jangbu avec son équipe. Je validerais l’équipement lors de notre prochaine montée au Camp 2.

C’est aussi la partie formation de l’équipe népalaise pour préparer l’Himlung de l’automne prochain où Jangbu sera seul comme guide de haute montagne.

Après Crampons Point, le début du glacier.
Crédit Isabelle Guillaume
Triphon, alias Régis dans la montée au camp 2.
La traversée de l'Himlung
La partie crevassée du glacier. Une ambiance superbe.

1er Mai.
Dans une ambiance très feutrée et de brouillard, il neige doucement depuis hier soir avec des cumulus actifs et des rafales de vent. Une instabilité c’est installée et s’évacue très lentement.
Nous avons donc décidé de rester sur place pour une journée de repos. Cette décision raisonnable n’a pas été très difficile à prendre et au diable le planning qui est déjà largement obsolète.
Se déplacer dans des éboulis recouverts de neige est un exercice difficile, démonter un camp et en installer un nouveau représente également un réel effort, surtout dans le mauvais temps et en altitude.

Ce sera une journée d’acclimatation passive (dans mon jargon), sans faire aucun effort, à rester sous la tente à boire, discuter, lire et manger… Et ça va bien se passer.

Le temps s’écoule doucement et dans l’après-midi, les nuages se déchirent un peu.
Pas de doute, demain il fera beau.

Au départ du camp 1 après la neige… Christian.
Christophe, un peu plus haut, avant le glacier. Aujourd’hui, nous faisons cordée ensemble…
Anil Rai, le frère de Bahadur le cuisinier. cette année, il est passé d’un poste en cuisine à une première expérience de Népalais Leader jusqu’au camp 3. Visiblement ça lui plait !
Vers le camp 2. C’est Jangbu qui s’y colle…

2 Mai.
La journée fut splendide, idéale pour un changement de camp.
Nous allons utiliser le Low Camp 2, pour mieux équilibrer les efforts entre camp 1 et Camp 3. Le travail d’équipement du glacier par Jangbu et Rajan est optimum… Félicitations !
Il ne me reste plus qu’à tracer la suite entre les crevasses avec quelques détours. Le cadre est vraiment splendide, sans être trop complexe.

Mais pourquoi donc les équipe de l’automne précédent sont-elles passées de l’autre côté, dans les rochers et les éboulis ?
Car, en face dans les rochers, une corde fixe est bien visible, un équipement mis en place à l’automne 2016. Elle permet d’éviter le début du glacier et surtout de pouvoir ensuite évoluer sans être encordé ! 
Une logique très népalaise…, qui est à des années lumières de ma pratique. Sans parler de la solidité de ces « cordes à linge » coréennes, déjà peu fiables en cas de chute et encore plus après une année complète exposées aux intempéries (à priori, cela ne gène personne, ni pour l’éthique, la sécurité, ou pour la qualité du travail de guide !).
Bien sûr, nous n’utiliserons pas cet itinéraire.

Heureusement, ce printemps, nous sommes seuls sur la montagne.
Pour nous, le jeu consiste simplement à nous synchroniser avec les prévisions météorologiques. Il s’agit de ralentir pour laisser passer les deux jours un peu moyens qui arrivent ( cumulus actifs, neige et nuages). Puis de voir comment évoluent les deux jours suivants où il y a encore un peu trop de vent en altitude (plus de 60 km/h à 7000 m).

La coordination avec les deux équipes népalaises (Junior et Senior) reste l’exercice le plus difficile, même s’ils ont maintenant plus d’expérience pour s’organiser dans le cadre d’une progression continue. C’est l’une des compétences les plus difficiles à acquérir pour une équipe népalaise qui a l’habitude d’installer les camps en des portages intenses puis de se reposer de longues périodes au camp de base. Vivre en altitude, y rester avec les clients, gérer sa nourriture d’altitude, s’adapter à la météo… Tout cela demande beaucoup d’apprentissage pour être bien vécu et surtout une adhésion inconditionnelle à ce choix de progression continue.
Ce que ne partagent pas, ne comprennent pas les équipes des autres expéditions.

La traversée de l'Himlung
Ambiance de douceur ce matin sur les sommets du Gyajikang.
La traversée de l'Himlung
Le Camp 2, juste à 6000 m. Un très belle endroit, dans une ambiance haute montagne.

Notre vie en altitude s’enchaîne doucement.
Nous ferons un premier portage au Camp 3, puis le déplacement complet du camp le deuxième jour, alors que l’équipe de Nepali Leader senior restera au camp 2.
Les Juniors eux, après un portage au Camp 3, redescendront au camp de base, en évacuant l’ensemble du matériel superflu. Ils reviendront récupérer Christophe (qui est sur un plan Himlung Classic) après sa phase d’ascension et notre départ définitif pour la traversée (si tout se passe comme prévu).
Depuis le Camp 3, nous utiliserons une journée pour tracer les deux accès au col et choisir le meilleur. Une cordée népalaise, Jangbu et Rajan, validera l’emplacement du Camp 4 que j’ai repéré aux jumelles vers 6800 m.

Ce camp 4 est une grande première pour une ascension de l’Himlung, il nous permettra de mieux équilibrer les efforts entre le Camp 3 et le sommet.

Isabelle et Kharma sont loin devant à faire la trace. Tout va bien… Il fait grand beau.
Himlung, to camp 3
Vers le camp 3
Himlung ascent
la cordée Denis / Christophe arrive au camp 3.
Kharma au Camp 3, avec Isabelle… Seul au monde !

Sur le carnet de bord d’Isabelle.
« Nous nous relayons pour faire la trace du C2 au C3. Je suis ravie de retrouver Karma et de reconstituer notre cordée de l’ascension de l’Himlung en octobre 2015. Il s’agissait de notre 1er 7000m pour tous les deux, et j’en garde évidemment d’excellents souvenirs.
L’arrivé au C3, comme en 2015, est un moment fort : nous sommes au pied de l’Himlung qui nous fait face alors que nous n’apercevions que sa partie sommitale depuis le C2. Nous entrons donc dans le vif du sujet au C3.
Et quel plaisir de faire la trace ! Le terrain est totalement vierge devant nous et c’est très agréable de faire sa propre trace, choisir son itinéraire, la meilleure ligne possible en fonction du terrain. Je me suis régalée dans cet exercice qui peut sembler fastidieux a priori.

La traversée de l'Himlung
Avec Christophe, petite journée pour repérer le meilleur accès à l’Himlung Pass. Neige profonde et Grand Beau temps…
Himlung ascent
Tiens la cordée des Népalais nous a doublé comme des avions…
Un peu plus loin, quelques crevasses…
Michael et Christian, avec Régis en 1er de cordée
Depuis le camp 3… Toujours aussi beau.

Le Camp 3, un endroit stratégique.
C’est d’habitude le dernier camp avant le sommet et pour nous, l’objectif était d’y être TOUS en pleine forme, car notre véritable aventure commence ici…
Avec un vrai bilan, par un bel après-midi de beau temps.

  • Quel est l’état général des troupes ?
  • Qui peut envisager la traversée ?
  • Comment s’organiser ?

Une réflexion complexe où se conjugue individuellement; état de santé, forme physique, niveau technique, moral et relationnel !
Et forcément, la décision finale incombe au «chef d’expé», avec la difficulté de tout valider.

Mais…, nous sommes tous au rendez-vous ! Et c’est déjà un beau succès.

Himlung traverse
En route pour le camp 4… Des petits points évoluent déjà bien haut et Jeff et Kharma doivent être au sommet.
Jeff, à l’Himlung Pass.

Traversée de l’Himlung.
Une « mauvaise » bonne idée ou les joies de l’expérimentation !
Pour cette traversée de l’Himlung, le problème à résoudre était à priori relativement simple : « Comment réduire le poids de mon sac à dos (pour la traversée) à 10 kg maximum, avec notre matériel et la nourriture pour 4/5 jours ? »

En sachant que l’équipe des Nepali Leader qui nous accompagne nous aideront en portant le reste : les tentes, les réchauds et le gaz ! C’est une forme d’organisation qui me semblait acceptable pour les alpinistes « ordinaires » que nous sommes (et il n’y a rien de dégradant dans ce mot « ordinaire », juste une différenciation avec le monde des athlètes du haut niveau. Et pas de souci je suis moi aussi un guide de haute montagne ordinaire…)

Bref, j’avais choisi de réduire le poids de mon matériel de couchage en prenant juste un petit duvet (500 g) avec un sursac en Goretex et en dormant avec ma combinaison Triple Zero habituelle.
Mais ce n’était pas vraiment une bonne idée !

Effectivement, j’ai réussi à diminuer le poids de mon sac à dos, mais au prix de nuits vraiment difficiles à vivre. Je me suis même réveillé plusieurs fois par nuit pour refaire une bouillotte chaude et essayer de me réchauffer un peu pour arriver à me rendormir. Ce qui n’est pas vraiment l’idéal pour récupérer ou avoir l’esprit tranquille.
Bref, l’horreur totale ! Même pour moi qui ne suis pas vraiment frileux…
Mais comment font donc les pros de ce genre d’histoires, pour être en autonomie si longtemps avec un sac raisonnable ?

Conclusion : la légèreté ça s’apprend, ça se construit. Et c’est un sujet difficile surtout aux alentours de 7000 m.

La qualité de nos nuits en altitude n’est pas un critère à bousculer. Bien au contraire, il faut tout faire pour être bien la nuit et surtout bien dormir ! Il faut lire et imaginer les nuits de Sandy et Rick après le sommet du Nanga !
Pour le prochain projet de traversée, il me faudra donc choisir un bon duvet, le plus léger possible. Mais lequel ?
Puis faire des économies de poids dans d’autres registres. Mais où ?

  • Autre sujet de réflexion, le changement de panoplies entre la partie haute altitude où nous sommes « en mode plumes » et l’étage en-dessous ou nous sommes « en mode alpinisme », n’est pas simple à prendre en compte. Car une veste ou un pantalon en plus représente un poids conséquent.
  • Par contre, le matériel technique est maintenant vraiment léger et c’est un véritable bonheur (Merci Paul !). Mais qui allège aussi sacrément le porte-monnaie …
    C’est aussi la difficulté que nous avons vécu avec le petit groupe de la traversée Teri La/Muktinath où nous étions à des altitudes plus modestes mais encore plus complexes à gérer.

Le sujet est donc loin d’être clôt, car il est au coeur de mes envies de traversée.

Access 3 by MSR.
Voici la tente que nous avons utilisé en altitude. Principale qualité : la légèreté. Et 3 kg pour une 2 places spacieuses. Rare et indispensable. Crédit Isabelle Guillaume

Proposition pour un Summit Camp à l’Himlung.
C’est souvent un sujet récurent pour les ascensions qui présentent une dernière journée d’efforts importants comme la Putha Hiunchuli et l’Himlung Himal.
Pour l’Himlung, avec Jangbu, nous avons décidé de refaire cette expérience d’un camp 4 plus près du sommet pour son expé du prochain automne 2018. Car la qualité de l’ascension et le plaisir d’être au sommet en pleine forme sans stress ni trop de fatigue sont vraiment des + (qu’il n’est souvent possible de valoriser qu’au retour).
La difficulté d’installer ce camp supplémentaire est bien réelle, j’en connais le prix. Mais c’est plutôt la contrainte du temps qui reste la plus importante.

Et c’est toujours la même histoire : accepter de prendre plus de temps pour mieux faire les choses (tout en sachant, en acceptant, que parfois ce n’est pas possible).

La traversée de l'Himlung
Régis à l’arrivée au camp 4. C’est haut déjà…

Camp 4.
6820 m…, l’histoire commence sérieusement !
Trois tentes minuscules posées sur une banquette taillée dans la neige. Aucun endroit plat aux alentours, le vide se creuse directement sur les glaciers et le dernier camp.
Dans quelques heures, le camp 3 sera démonté. Jeff, Denis et Christophe rejoindront directement le camp de base avec Kharma et les Nepali Leader «junior».
Il nous reste maintenant à traverser l’Himlung puis à parcourir une grande arête parsemée de sommets. Le temps est idéal, grand beau et pas de vent, il faut juste espérer qu’il le restera… (avec toujours une petite pensée à mon ange-gardien MTO).

Une certaine oppression est bien présente.
Je serais rassuré quand, après l’Himlung, nous aurons rejoint l’arête descendante de l’Himlung East et installer un camp le plus bas possible, vers un grand col à 6600 m.

Pour l’instant, les trois népalais qui nous accompagnent dans cette folle aventure sont encore trois petits points bien bas en-dessous de nous.
L’objectif de cette journée est donc de réunir toute l’équipe, népalaise et occidentale, dans la meilleure forme possible, de l’autre côté… !
Nous plions les tentes et partons vers le haut sur une neige dure (à 30/35 °), en petites cordées de deux. Je marque un peu la trace avec Bertrand, puis Isabelle est avec «Tryphon» et Christian avec Michael. La pente se creuse rapidement et nous progressons lentement en de larges Z.

Même en ayant limité le poids de nos sacs au maximum, l’effort est encore conséquent et s’ajoute à la contrainte psychologique de l’exposition.
C’est toute la difficulté d’une progression en style alpin.

La traversée de l'Himlung
Bertrand dans la montée vers l’Himlung. Il fait encore beau et la cordée Isabelle et Tryphon sont juste devant.
La traversée de l'Himlung
Une photo rare de la partie sommitale de l’Himlung. Et pour la traversée, il est même possible de traverser juste sous le sommet… More easy !
Le Summit Camp de l'Himlung
Un camp avec vue !

Vers 11 h, nous sommes sur un large replat à moins de 100 m du sommet de l’Himlung. En face, des cumulus se sont accumulés sur le Ratna Chuli et descendent doucement. La cordée de Michael & Christian semble aussi avoir un peu plus de difficulté.

  • Faut-il traverser l’Himlung immédiatement ou simplement faire un repérage pour le lendemain avec Bertrand ?
  • Et surtout profiter du replat pour installer un camp confortable ?

L’arrivée d’un grain précipite cette interrogation…
Avec les Népalais qui viennent d’arriver au replat, le camp est rapidement monté à 7050 m et tout le monde se met à l’abri. Ce sera tout pour aujourd’hui !
Avec Bertrand, au sommet de l’Himlung, nous avons juste le temps d’observer la suite de l’itinéraire et d’avancer un peu sur l’arête, avant de rejoindre le camp sous les rafales. Même si nous avions identifié ce passage technique sur Google lors de notre préparation, la réalité nous inquiète un peu, surtout avec nos sacs et en autonomie.

La traversée de l’Himlung…
C’est à cet instant que notre projet  se modifie.

Il y a l’incertitude de ce passage (la première partie de l’arête descendante vers l’Himlung East) un peu plus difficile que prévue, et qui, à minima, nous demandera une journée de plus pour le repérage.
Il y a la météo qui nous semble bien instable avec une installation très rapide des « fucking » cumulus.
La fatigue qui s’installe parmi les cordées avec peu de marge physique ou technique. Bertrand, qui est aussi un peu en convalescence…
Et la longueur du chemin qu’il nous reste à parcourir.

Nous allons donc prioriser les objectifs.

  • 1, réussir l’Himlung pour chaque participant dans des conditions optimum rares.
  • 2, réussir l’ascension de l’Himlung East, car c’est un sommet vierge et c’est aussi celui de notre permis (ce qui est bien pour Jangbu avec un certificat à la clefs).
  • 3, réussir le début de la traversée, car nous sommes venus pour cela.
  • 4… et surtout ne pas se prendre la tête et s’occuper de tout le monde pour rentrer sereinement au camp de base.

Même si pour moi la déception est immense…

La traversée de l'Himlung
Notre Summit Camp pour l’ascension de l’Himlung East.
Paulo au Camp 5… Petit briefing avec a cup of tea.

Et les réflexions d’Isabelle…
« Paulo revient de sa reconnaissance de l’arête de l’Himlung East avec Bertrand ; assis au milieu du camp, il s’adresse à l’ensemble du groupe et la sentence tombe : nous ne traverserons pas.

J’accuse le coup mais il ajoute immédiatement que nous ferons l’ascension de l’Himlung East tous les 4, avec Jangbu et Rajan, et éventuellement avec Bertrand s’il récupère bien de ses efforts du jour.  Le reste du groupe ira au sommet de l’Himlung.
Paulo qui souffle le chaud et le froid… ou plutôt l’inverse en l’occurrence !
Ayant déjà fait l’ascension de l’Himlung en octobre 2015, mon objectif sur cette expédition était clairement de faire la traversée, pour la densité du séjour en altitude, pour l’engagement… J’étais ultra motivée pour ce projet de traversée. Mais la déception n’a été que de très courte durée tant la perspective de l’ascension de l’Himlung East me séduit ; d’autant plus que l’arête ne s’avère pas si facile que ça et que la journée sera longue selon les dires de Paulo et Bertrand au retour de leur reconnaissance. Pour moi qui n’ait pas un bon niveau technique l’Himlung East et son arête un peu technique à près de 7000m constitue déjà un bel objectif.

Et pourtant… quelques jours plus tard j’aurai quelques regrets de ne pas avoir réalisé la traversée.
Je regrette notamment de ne pas avoir tout de suite échangé avec Paulo : peut-être que l’idée d’une traversée écourtée, idée à laquelle il a pensé au cours de la descente vers le camp de base, aurait émergé. Je garderai au fond de moi cette interrogation et j’éprouve des sentiments ambivalents : petit regret de ne pas avoir réussi le projet initial et joie d’avoir participé à la 1ère ascension de l’Himlung East. Mais le plaisir éprouvé au cours de cette superbe journée l’emporte aisément. »

Lundi 8 Mai.
Et ainsi fut fait, pour une belle journée d’alpinisme en Slow Attitude au sommet de l’Himlung.
Cette journée fut particulièrement incroyable…

Imaginez !
Depuis ce Camp 5, il reste  moins de 100 m pour atteindre le sommet de l’Himlung par une pente de neige débonnaire et juste 15 m un peu plus raide où il faut s’assurer. Il y a même une snow barre au sommet pour cela.
Ce qui est également incroyable, c’est qu’il fait Grand Beau, avec juste très peu de vent.
Le petit groupe de l’Himlung East est parti à l’aurore, mais quand même après le premier rayon de soleil.

La traversée de l'Himlung
La cordée Isabelle et Rajan pour un départ bien matinal pour l’Himlung East !

Pour le reste du groupe, le réveil est plus tardif car rien ne presse. Un comble pour un sommet à cette altitude.

C’est Bertrand qui prendra en charge la gestion des différentes cordées.

Merci à notre amateur de Tripous pour cette contribution inespérée à la réussite de cette journée. Avec Régis, malheureusement, ils n’auront pas le temps  ou l’énergie de faire une partie de l’arête en venant à notre rencontre.
En début d’après-midi, tout le monde sera de retour au camp avant les f. cumulus habituels.
Ce soir, nous sommes 9 personnes au camp 5 de l’Himlung Himal à 7050 m, un camp qui n’existe pas.
3 alpinistes népalais et 6 occidentaux…

Et nous sommes tous des Summiters !!!

Certains ont gravi un sommet vierge et d’autres un 7000, et tous en cordées alpines. Champagne !
Ce soir là, je goûterais les plus hauts Tripous du monde !
Et demain, il fera beau…
Pourtant, au fond de moi une inquiétude demeure.
Juste espérer que demain tout se passera bien pour notre descente. Que toutes les cordées arriveront sans souci au camp 3, malgré la pente et la fatigue.

« Pas facile d’être guide, très haut en Himalaya et avec des cordées autonomes… »

Notre escapade vers l’Himlung East.

Himlung East
L’Himlung East, une arête descendante un peu escarpée bien de grands plats, style Dômes du Monetier.
Attention ! Au retour, il faudra tout remonter…
La traversée de l'Himlung
Au début de l’arête. Tout va bien… Mais comment sera la suite… ?

 

Himlung East
Jangbu s’engage dans la descente…
Himlung East
La descente de l’arête Est de l’Himlung est presque terminée. Un beau moment d’alpinisme.
Et ça c’est plutôt bien passé.

 

La traversée de l'Himlung
Un moment tranquille avant de continuer vers les Dômes de Monetier.
La traversée de l'Himlung
Pas de doute, y’a de la place à 7000 ! Entre Himlung et Himlung East.
Avec Jangbu, nous arrivons bientôt au sommet. C’est surprenant cette ascension descendante ! Crédit Isabelle Guillaume
La traversée de l'Himlung
Au sommet de l’Himlung East. Isabelle, Jangbu et Rajan !
Himlung East
Isabelle, Jangbu & Paulo… Et Rajan derrière l’appareil Et un clin d’oeil pour Millet ! Avec le Manaslu en arrière plan…

Pour Isabelle :
« Une journée mémorable :
après une nuit à 7050m, une belle journée d’alpinisme sur une arête à près de 7000m dans un cadre incroyable nous conduit au sommet vierge de l’Himlung East. Tout y est !
Bien sûr des centaine d’alpinistes auraient pu le faire avant nous. Mais c’est inintéressant pour des alpinistes de haut niveau et sans doute bien trop complexe à organiser pour des expéditions commerciales… tout ça pour un sommet qui n’atteint même pas la barrière fatidique des 7000m ! Il n’y avait qu’un Paulo Grobel pour envisager un projet aussi audacieux et atypique avec une équipe d’amateurs.
Les conditions sont idéales pour profiter pleinement de la journée : la nuit au C5 à 7050m nous permet de partir de jour, au soleil, et de bénéficier ainsi toute la journée du panorama époustouflant qui nous entoure.
J’ai eu le plaisir de partager ce moment avec mes 3 compagnons du jour, d’autant plus que j’ai successivement été encordée avec chacun d’entre eux.
Cette expédition s’avère finalement très différente de l’expédition « Himlung 2015 » : il s’agissait de l’ascension « classique » avec un départ très matinal (même nocturne) du C3.
Cette expédition complètement atypique se différencie par davantage de nuits à haute altitude (une nuit à 6820m à un impressionnant C4 et 2 nuits au C5 à 7050m juste sous le sommet), une arête en technique alpine à plus de 7000m, une première ascension de l’Himlung East…

 J’ai éprouvé un réel plaisir à évoluer à haute altitude en technique alpine ; de quoi m’inciter à persévérer… »

La traversée de l'Himlung
Et vers le nord, la suite de la traversée nous tend les bras ! C’est plutôt tentant, non ? Et pas vraiment compliqué ?

 

Jangbu à l’assurage. Pour une cordée réversible avec Isabelle !

 

La traversée de l'Himlung
Isabelle sur l’arête…

 

La traversée de l'Himlung
Rajan et le sommet de l’Himlung. Le temps se détériore de plus en plus. Mais pas de souci, nous connaissons le chemin de retour.

 

La traversée de l'Himlung
Au retour, Bertrand nous accueil au Summit Camp.

Quelques mots écrits au petit matin.

« Pas un bruit ce matin dans ce camp en haute altitude. Il est encore trop tôt, le jour se lève doucement.
J’ai peur ce matin.
Une peur viscérale, une grosse boule noire qui grossit dans mon ventre.
Quelque chose ne colle pas.
Après une nuit très difficile dans mon duvet de plage, je guette dans un demi réveil l’arrivée d’une lueur orangée sur la tente, l’espoir d’un nouveau jour ensoleillé. Il doit encore être trop tôt. Bientôt le soleil illuminera la tente, il sera temps de descendre. Mais tout reste terne, un léger bruissement s’élève. Et comme pour bien marquer une réalité catastrophique, quelques rafales de vent secouent violemment la tente.
Il neige !
Nous sommes à plus de 7000 m. Il neige et une descente difficile nous attends.
Une angoisse, noire et visqueuse, se répand dans tout mon corps.
Où trouver du réconfort, de l’énergie positive, un peu de douceur ?

« Le jour se lève
Il faut tenter de vivre… »

Un peu, d’après Paul Valéry

La cordée de Christian et Jangbu. Vraiment comme dans les Alpes. Top !

Au petit matin, la descente…
Heureusement, le plafond nuageux se lève aussi et il cesse même de neiger.
Nous nous organisons précautionneusement pour la descente et toutes les cordées sont super concentrées. Jangbu s’occupe de Christian, Bertrand de Michael, Isabelle est avec Tryphon, Rajan assure Tsering et j’ouvre la voie en essayant de retrouver nos maigres traces de montée d’il y a deux jours. Nous voici assez rapidement à notre grande plateforme du camp 4. Ouf, les grandes pentes sont derrière nous.
Les nuages du bas en profitent pour envahir le paysage et tout noyer dans le grand blanc.
Plus aucune visibilité. Changement de décor… Tout se complique encore.

La traversée de l'Himlung
Faut pas bien bien beau ! et il s’agit vraiment de rester ensemble…

Je m’encorde avec Bertrand et à tâtons nous trouvons un cheminement dans des pentes heureusement un peu moins fortes mais crevassées. Le GPS de Bertrand est de sortie !

C’est d’ailleurs sa seule utilisation en Himalaya… Enregistrer une route à l’aller, pour pouvoir la suivre au mieux au retour.

Bien plus tard, voici enfin le col, sa longue traversée et la descente un peu exposée sur le Camp 3. L’équipe de Népali Leader junior nous y attend déjà pour nous faciliter le portage. Ils sont venus à notre rencontre depuis le camp de base car nous avons l’intention d’aller le plus bas possible, idéalement jusqu’au Camp 1. Mais la fatigue et le mauvais temps sont aussi au rendez-vous. Il faut rapidement décider quelque chose…
Changement de programme : les tentes sont rapidement montées et le groupe des seniors descend vers le Camp 1 et directement au Camp de Base. Trois Juniors resteront avec nous pour organiser la descente du lendemain.
Il est 14 h… Tout va bien ! Et il va neiger toute l’après-midi.

La traversée de l'Himlung
Toute l’équipe népalaise au Camp 3. Les uns descendent du Summit Camp à 7000, les autre sont montés du Camp de Base à 4850 m.
La traversée de l'Himlung
Le lendemain matin, les trois Nepali Leader juniors posent devant le sommet de l’Himlung. Il a encore bien neigé cette nuit…
Himlung Himal
Au départ du Camp 3 de l’Himlung. Allez Régis, il est temps de rentrer à la maison.
La traversée de l'Himlung
Avant de descendre, Isabelle est bien pensive…
A quoi penses-tu Isa ?

« … à quoi je pense lors de la descente du C3 au CB ? Je ne m’en souviens pas précisément mais :
Sans doute « Wouahhh !!! quelle journée incroyable là-haut sur l’arête de l’Himlung East ! »
Peut-être aussi : « Pfff… Trop dommage pour la traversée… en plus va falloir se re-farcir la traversée du glacier noir ! »
Ou peut-être : « Makalu… Makalu… pourquoi pas ?… noooonnn, arête, n’y pense même pas !… Et si c’était possible ??…. »

Très probablement un peu tout ça en même temps… « 

Himlung Himal
Sur le chemin du retour…
Himlung Himal
Christian & Michael sur le glacier. Il fait vraiment trop beau…
La traversée de l'Himlung
Isabelle dans le passage des séracs.
La traversée de l'Himlung
Le dernier passage avant Crampons Point. L’équipe des Nepali Leader a même retiré les 50 m de corde fixe que nous avions installé à l’aller pour eux. Sont pas mal ces petits gars !

La suite va s’enchainer tranquillement.
Le glacier jusqu’aux premières crevasses, le passage des séracs et la jonction à Crampons Point.
C’est aussi le rendez-vous avec les « Spécial Porters » qui sont venus du camp de base pour nous décharger du matériel d’alpinisme. Nos «petites» chaussures sont là pour la fin du parcours; la descente des éboulis jusqu’au camp 1 puis les alpages jusqu’au French Camp et enfin la traversée du Glacier de Pangri.

Enfin le camp de base et les frites de Bahadur…

Régis, en pleine forme durant la dernière descente vers le Camp de Base.
Une descente en douceur. Nous savourons chaque instants et nos échanges sont d’une belle richesse. Crédit Isabelle Guillaume
Pour préparer le briefing avec le ministère. Car Jangbu était cette fois Chef d’expédition !
Une journée à Phu pour une dernière ballade vers le Camp de Base du Ratna Chuli et les bergeries de Pangri.

Nous aurons une journée de repos complète pour bien ranger nos affaires et même une journée tranquille à Phu avant de reprendre le chemin du retour.
Malheureusement, sur le sentier juste avant Phu, Barath le cuisinier se fera mal au genou en trébuchant. Il sera porté jusqu’à Phu puis évacué en hélicoptère le surlendemain. Pour la première fois, nous avons utilisé l’assurance des népalais, qui est maintenant obligatoire pour l’ensemble de l’équipe népalaise d’une expédition.

De mon côté, je vais rester quelques jours à Phu, immergé dans la vie locale. C’est le temps des labours et je vais donc aider un peu aux champs de la famille de Kharma.
Puis, j’ai rendez-vous avec le petit groupe du Teri La Himal à Naar. Un nouveau projet de 
traversée !

Phu
Phu au petit matin. Tout le monde se préparent pour une journée aux champs.

 

Phu, depuis le haut, du petit promontoire d’Ubi.

Durant trois jours, tout le village est occupé dans les champs pour les semailles de l’orge. Avec un système de regroupement de plusieurs familles, Palo Palo. Chez Kharma, ils sont trois et je vais passer la journée à biner avec les femmes.
Il y a trois attelages de yacks qui se relaient régulièrement.
Et aussi des temps de pause, entre chaque champs.
Les yacks sont bien présent au village en cette période des labours.

Jangbu prend donc le relais et accompagne le groupe de l’Himlung pour la dernière ligne droite jusqu’à Kathmandu.
C’est la fin d’une belle aventure…

C’est la fête à Meta et la bière coule à flot. Crédit Régis Bardet.
Damned cet homme est dangereux !

Quelques réflexions, au petit matin dans la douceur de ma tente au camp de base.
La qualité de notre acclimatation est l’une des réussites majeurs de cette expédition.
Grâce en particulier à une attention extrême à tous les détails du quotidien de nos déplacements en altitude et a une augmentation du temps disponible (un luxe rare).
L’exemple de Bertrand, qui à Phu, développe un oeudème pulmonaire et se retrouve par deux fois au sommet de l’Himlung et avec deux nuits consécutives à 7050 m, est incroyable.
Mais sans oublier non plus la réalité de Christophe, qui voit sa Sat chuter à moins de 50 le jour de sa tentative vers le sommet. Et qui, forcément, n’ira pas très loin.

Il y a aussi l’exigence incroyable de la progression encordée.
Impossible de tricher quand la difficulté augmente (ne serait-ce que de quelques degrés), quand l’exposition est bien présente et que l’engagement devient réel.
Et c’est tout ce que j’aime dans cet alpinisme en Himalaya.
Face à cette notion d’engagement, le choix judicieux de l’objectif et la constitution de l’équipe sont des clefs importantes. Mais les incertitudes sur l’itinéraire sont également à prendre en compte…
Et c’est justement ce qu’explique Sandy dans son livre…

Quel avenir pour cette traversée ?
Difficile de dire si cette idée va inspirer d’autres alpinistes.
Mais pour moi, ce fil d’arête est d’une belle évidence, dans un niveau de difficulté abordable pour beaucoup et avec un engagement bien réel.

Cette voie mérite vraiment d’être parcourue.

J’avais imaginé qu’il serait plus simple de la réaliser à la descente, après avoir gravi la voie normale de l’Himlung et avec les passages compliqués en début d’ascension.
Mais peut-être faut-il essayer dans l’autre sens, à la montée ?
Et pourquoi pas à ski ?
Peut-être faut-il aussi envisager d’autres échappatoires ou même un parcours plus sur le versant tibétain ?

Mais forcément il faut revenir ! Essayer et essayer encore.

Et je suis certain que les aventures, les expériences vécues seront marquantes et exceptionnelles car situées dans un tout autre registre que les ascensions habituelles. Avec ce plaisir d’être sur le fil, un pied au Népal et l’autre au Tibet, dans un accomplissement unique.
Nous reparlerons encore souvent de cette notion de traversée en haute altitude, car c’est une nouvelle dimension extraordinaire de nos aventures himalayennes et qui véritablement révolutionne nos manières de faire (et au moins les miennes)
Beaucoup plus que nous ne pouvions l’imaginer…

Rendez-vous un prochain printemps… Pourquoi pas en 2020 ???
… Après le Makalu en 2018 et la traversée Lagula/Chaco en 2019…

La traversée de l'Himlung
« Welcome in Tibet », c’est un beau nom pour un sommet vierge de l’autre côté de la frontière. Et une belle invitation pour retourner un jour à cette traversée de l’Himlung.

Paulo_juste de retour en France
Le 5 Juin 2017

Et un clin d’oeil de Michael…

« Nous avons marché des jours et des jours !… Nous avons escaladé des tas de rochers !… Nous avons rôti au soleil et gelé sous la neige !… Nous avons dégringolé dans des crevasses !… Nous avons reçu des avalanches sur la tête !… Pis que tout, euh… Grand mufti, le yéti m’a fauché une bouteille de whisky à peine entamée : la dernière que je possédais ! »
– Tintin au Tibet –
Gamin, j’adorais lire et relire cette bande dessinée : j’étais intrigué par ce monde étrange, par ces peuples d’altitude, ces traditions séculaires, et ces montagnes incroyables. Les dessins de Hergé éveillaient alors en moi curiosité et admiration, en même temps qu’ils me permettaient de voyager par procuration.

Et me voilà, en cette toute fin d’année 2016, à me dire que j’aimerais vraiment réaliser quelque chose de très grand – pour moi – à l’aube de mes 30ans.

Parmi plusieurs projets, il en est un qui m’attire particulièrement depuis longtemps : transposer mes compétences d’alpiniste en Himalaya, sur un grand sommet. J’y songe depuis que j’ai commencé à grimper dans les Alpes, il y a de cela maintenant près de 10 ans.
Mais l’altitude, l’isolement, la vie dans cet environnement où l’homme n’a pas sa place… ce n’est pas exactement comme grimper dans les Alpes. Ce n’est pas tant le simple danger qui me fait obstacle, mais la multiplication des facteurs de risque, l’engagement que cela représente, et les dimensions titanesques de ces sommets.
Et puis, je me rend de plus en plus compte que de tirer sur des cordes fixes, payer des grands groupes pour « acheter » un sommet et/ou des prestations qui n’ont plus rien à voir avec l’alpinisme, au final, ça ne m’intéresse pas. Pire, ça me révulse.

… Alors que ces réflexions me conduisent à envisager de repousser indéfiniment cette envie, je tombe soudain et par hasard sur une alternative à ces expéditions commerciales : un guide, Paulo Grobel, coutumier des ascensions Himalayennes à toutes sortes d’altitudes, habitué du pays, et qui propose de grimper là bas comme chez nous. Comprenez en cordées constituées, sans corde fixe, sans oxygène, sans une tripotée d’assistants, d’intermédiaires et de prestations « complémentaires », en coopération avec des grimpeurs Népalais. Bref, de pratiquer « l’alpinisme » au sens noble du terme, en d’autres lieux, le plus simplement du monde.

En cherchant un peu plus loin, je découvre alors une expédition prochaine, au printemps 2017, sur un très beau sommet de plus de 7000m : l’Himlung Himal ; En bonus, il y est prévu d’ouvrir une nouvelle voie à la descente, en incorporant plusieurs jours d’autonomie en altitude… Banco ! J’ai enfin trouvé mon « gros projet » pour fêter ma nouvelle carrière de trentenaire !

Bien sûr, ça me fait toujours peur – particulièrement la dimension intimidante de cette première incursion en haute altitude – mais cette fois je me lance ! C’est décidé, je surmonte cette peur irrationnelle, je m’entraîne, et je me lance !

Nous sommes le 16 avril 2017, et l’avion qui vient de décoller m’emmène vers un défi plus grand et plus beau que tout ce dont j’ai pu rêver jusqu’à ce jour … La traversée de l’Himlung !

D’autres montagnes.

Celles-ci n’ont même pas de nom !

 

Himlung, new itinerary in 2016
le haut de l’arête de la voie ouverte au printemps 2016, par Frank & Rajan « Just for him… »
Himlung Goth
Et un sommet vierge qui donne envie… Avec même les clefs pour y aller (peut être avant la retraite…) !

Himlung Goth

 

Le Lagula et son éperon Sud au centre de la face. Un beau projet en technique alpine…
Nemju Himal, depuis Phu
Le Nemju, un petit 6000, juste en face de Phu et cette très belle ligne de l’arête. Un jour peut-être…
Chako
Le plus beau sommet de la vallée, le Chako. Pour moi il restera Paramount Peak, comme nous l’avions dénommé avec François quand nous étions en route vers le Nemjung, il y’a bien longtemps.

 

Une vue rapprochée de l’arête. Et j’ai surtout prévu d’y aller au printemps 2019 pour une traversée Laguna/Chako depuis le Mustang.
En face de Meta, des sommets qui me font de l’oeil depuis bien longtemps. Et celui du milieu n’a pas de nom et il est encore vierge !

11 réflexions sur “HIMLUNG 2017, la traversée inachevée…”

  1. Dominique Vallière

    En tant qu’ami de Michael, j’avoue que j’étais anxieux de le savoir embarqué dans cette aventure himalayenne, sans une « grande » expérience alpine… Pourtant, je savais son enthousiasme et sa motivation sans faille, sa force physique aussi ! Et puis je savais le sérieux de Paulo dans ses expés (une amie était allée avec lui à l’Ama Dablan…il y a plus de 20 ans !). Alors, par procuration, je n’ai pu qu’apprécier cette réalisation ! Bravo à tous !!

    1. C’est un grand honneur de trouver ton commentaire ici mon Dom ! C’est aussi – en grande partie – grâce à toi que j’ai arpenté une première fois l’Himalaya, et in fine, que j’y suis donc retourné ! 😉
      Merci Dom !

  2. Bravo à tous – Même sans traversée, c’est une belle réussite et surtout il fallait oser se lancer dans cette aventure. Merci à toi Paulo de garder et de faire partager ta passion. Et ces dernières superbes photos donnent des frissons … voir des fourmis dans les pieds. A bientôt. Frank_in Germany

  3. ma très chère Isa.
    Les mots ne suffisent pas pour te dire toute mon admiration pour toi; mon émerveillement et ma fierté à ton égard.
    Ces quelques photos sont des instantanés magiques.
    Bravo à vous tous!!!!

    Je suis émue, touchée par toute cette beauté vierge, par tous ces sourires, ces visages et aussi ces efforts et sentiments qui transparaissent au travers de ces couleurs de ces prises de vues. Elles immortalisent votre courage, votre volonté et votre belle énergie de groupe.

    Ma très chère Isa, MERCI.
    Merci pour ce voyage à travers ton aventure de Vie.
    Et sois fière de ton effort. Car il montre là la grandeur de ton coeur & de ton esprit.
    Et…..la force de ton caractère.
    Et…. comme quoi, les cours de Bodypump à Optiform…..ça paye!!!!

    MILLE BRAVOS et toutes mes pensées les plus affectueuses à toi ma chère Isa

  4. Pour ma part , en tant qu’ami d’Isabelle , je savais que sa motivation dans ce projet allait lui faire pousser des ailes !!
    D’ailleurs on se demande si elles n’étaient pas cachées dans son ENORME sac à la gare de Chambéry !! petit clin d’oeil que seule elle peut comprendre..
    Bravo en tout cas à toi Isa mais aussi à toute l’équipe !!
    Une belle leçon de vie de groupe..
    Pierre

  5. Jean François Malès

    Après plusieurs expéditions partagées avec Paulo je m’étais inscrit pour cette traversée de l’Himlung Himal.Ce projet ambitieux me plaisait.Lorsque je suis arrivé au pied de la montagne j’ai pris pleinement conscience de l’ampleur et de l’engagement que représentait cette traversée.Et je me suis posé des questions.Et j’ai décidé de me consacrer uniquement à l’ascension de la voie normale en aller-retour.Encordé avec Karma nous avons été au sommet en technique alpine.Immense bonheur pour moi!J’avais décidé que ce serait mon dernier grand sommet et la réussite a été au rendez-vous.Je ne regrette absolument pas mon changement de décision et je me souviendrai longtemps du plaisir procuré par le vide qui se creuse sous les pieds à l’approche du faîte de cette si belle montagne.
    Merci à toi Paulo et merci à vous mes compagnons pour cette magnifique aventure.
    Jeff

  6. paulo.grobel@orange.fr

    Et pour nos amis anglophone, voici un rapide compte rendu en Anglais, écrit pour AAJ et corrigé par Lindsay Griffin et Rodolphe Popier.

    Himlung East, west ridge;
    east-west traverse of Himlung Himal

    I live right below La Meije in the Ecrins Massif, France, and it is a pleasure to be able to traverse a peak in the Alps, or in other ranges. On the high summits of the Himalaya only a few top climbers play this challenging game: the Mazeno Ridge on Nanga Parbat is one of the masterpieces of this decade, an inspiring success.
    What’s possible for ordinary mountaineers in Nepal and why are so few doing it? Traversing a high summit is like opening the door to a new world. At the point where the trip is normally a success – the goal of the expedition, you are only part way through. Everything is different and interesting.
    After many expeditions to Himlung Himal by various itineraries, I felt confident to try a big journey at altitude, traversing this accessible 7000er via a previously untrodden ridge, carrying more than four days of food. Our plan was to climb the normal route up the northwest ridge of Himlung Himal (7,126m), without fixed ropes of course, put a high camp just below the summit, then climb over the top with food and all our gear and continue to the unclimbed Himlung East (6,932m). The latter is a recently opened (2014) peak on the frontier with Tibet, on the ridge that leads north toward Ratna Chuli. We would then continue down this north ridge, over several tops including Phu Kang (6,694m; opened in 2002, this peak is still unclimbed, though the goal of a 2008 Swiss expedition that found no accessible route to the summit), and onward to the vicinity of Peak 6,566m, where we would descend the ridge west, and eventually reach the valley north of Himlung Himal, so completing a « horseshoe ».
    It was a strange climb. We established five camps on the northwest ridge of Himlung Himal, the last on a flat shoulder at 7,050m, northwest of and not far from the main top. It was higher than our eventual goal, Himlung East. We arrived at this camp at 11 a.m. on May 7: the previous day two members of our group, Jean-François Males and Karma Sherpa, had reached the main summit. However, the weather on the 7th was not good. Bertrand Vaysette and I climbed to the main summit to scope the way ahead. We had spent a lot of time acclimatizing so we could live safely at 7,000m and our schedule was now tight. More importantly, the weather felt too unstable to commit to the full traverse. Reluctantly, we took the decision to make Himlung East our goal.
    On the 8th Isabelle Guillaume with Jangbu Sherpa, and Rajan Bothe and I left camp and skirted the summit by the northern slopes to reach the east ridge, which we descended, narrow at first, to a col and then ascended the west ridge of Himlung East to its summit. On the return we climbed up the east ridge of Himlung Himal and over the summit, so making the first ascent of this ridge. That same day five other members of the group reached the top of Himlung Himal. By the time we had returned to camp the weather was poor again, but fortunately next morning the cloud level rose and we were able to make our descent. Traversing a summit is such a great game, this ridge is fantastic, and the continuation north is still there to be done.

    Paulo_entre deux sommets dans les Alpes
    Le 6 août 2017

  7. Comment peut on avoir autant de qualités humaines, sportives et narratives et ne pas s’apercevoir que toutes les images sont largement sous exposées en raison de la réverbération de la neige ?
    Alors, please, renseignez vous sur le sujet avant la prochaine expé, et à défaut positionnez à minima le correcteur d’expo sur l’appareil photo à +2 EV !
    Bonne continuation et merci pour ce partage.

    1. paulo.grobel@orange.fr

      Navré, mais j’ai fait de mon mieux. Et effectivement je ne suis pas un pro de la photo…, mais pas facile d’être dispo pour ça aussi.
      Paulo_depuis La Grave et en panne de Népal !

  8. Ping : Pic Lénine, la traversée par les Rochers Lipkin ! - De La Meije à l'Himalaya

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