Une expédition himalayenne est comme une éclipse de lune.
Tout se joue dans la durée. Petit à petit, notre vie d’ici laisse la place à la préparation puis est totalement remplacée par l’action en haute altitude. La vie se concentre alors sur la réalisation de nos ascensions en une forme de mise « hors du monde » salutaire. Ensuite, progressivement, la vie normale recommence à faire son apparition. C’est le temps du retour et de la sédimentation des expériences vécues, qui laisseront plus ou moins de traces dans nos vies d’après.
Cette notion de durée est fondamentale pour comprendre l’intérêt et la complexité de vivre cette forme particulière d’alpinisme. Nous partons longtemps, en groupe et en haute altitude. Rien n’est simple.
Cette réalité de la haute altitude, par sa difficulté, sa complexité, son intérêt, donne une dimension unique à ce faire ensemble, ce vivre ensemble, en montagne.

Expédition Peri Himal 2025, top départ !
L’embarquement pour Kathmandu approche…
Le 5 Octobre, Nous serons deux groupes en partance, du CAF de Chambéry (et d’ailleurs) qui construisent depuis de longs mois ce projet NEPAL 2025.

Mais comment se vit une expédition himalayenne ?
Une expédition au Népal est comme une sortie du CAF Chambéry en alpinisme, par exemple le mont Blanc par la voie historique, mais avec une dimension himalayenne. Nous partons de Chambéry à Cluses en jeep puis au Fayet à pied de village en village. Notre marche d’approche est facilitée par des auberges locales, les lodges et les teashops, et notre matériel est transporté par des mules avec une entreprise de transport locale.
Arrivés au Fayet, les choses sérieuses commencent. Nous installerons notre camp de base au pied du glacier des Bossons.
Et nous avons dix jours pour atteindre le sommet du mont Blanc, mais sans refuge ni téléphérique, avec tous les aléas que cela comporte : la météo, l’état de santé de chacun, la forme physique et mentale, le temps qui s’écoule toujours trop vite et les effets délétères d’un environnement hypoxique. Sans oublier un tremblement de terre ou le parlement qui brûle.

Dans la réalité d’aujourd’hui…
Au Népal, nous partirons de Kathmandu en bus et en jeep pour Dharapani et Tilje, puis à pied en traversant un col de plus de 5000 m, le Larkye Pass, jusqu’au village de Samdo.
Tout se complique pour rejoindre notre camp de base. Les habitants sont des tibétains en butte à des conflits de voisinage avec les villageois de Sama Gaon, à un jour de marche en aval, qui leur interdisent l’accès au marché lucratif des expéditions du Manaslu où tous les portages jusqu’au camp de base se font (se faisaient) à dos d’homme.
Impossible pour nous d’utiliser nos transporteurs locaux, qui, un peu dépités, déchargeront leurs mules et redescendront chez eux à Tal. Dans la cour du lodge de Kharsang Diki, cela représente une montagne de bagages, plus de deux tonnes d’équipement de camping, d’alpinisme et de nourriture.
À Samdo, cette situation sera intéressante à vivre car ici, tout se décide en assemblée plénière, où tout le village est réuni, à la gompa, pour se répartir équitablement la charge de travail et les gains du transport jusqu’à notre camp de base. Un bel exemple de démocratie directe d’une complexité incroyable car rien n’est certain à l’avance et surtout pas le coût de ce service indispensable pour nous. Ni non plus quel jour sera sous la protection des Dieux pour effectuer ce trajet de deux jours, car c’est le grand Lama qui consultera les astres, les textes sacrés, le vol des corbeaux pour décider le jour du départ. Welcome en culture tibétaine…
De notre côté, nous resterons « sagement » à attendre à Samdo en effectuant quelques randonnées d’acclimatation. Nous irons aussi visiter l’école primaire, papoter avec les instits et les élèves du secondaire qui rentrent juste pour les grandes vacances de Dhasain et Tyhar de leur internat à Kathmandu. Il faut savoir que cette école a été financée par une française Catherine Joriot, directrice d’une agence de trek (Glacier Safari Trek) grâce à son association Samdo Avenir, et avec qui je parraine aussi un enfant (Tapa, maintenant grand ado) de Samdo. Ce sera l’occasion de discuter et de réfléchir sur les actions de solidarité. Pourquoi pas faire un lien avec le village de Samchet et l’action de Corinne Perrot (Co-présidente du CAF de Chambéry) avec le Sherpa Trail et l’association Tarentaise Népal ?


En altitude.
OUF, nous voici enfin au camp de base du Panbari.
Rien à voir avec les images du camp de base de l’Everest. Ici nous serons certainement la seule expédition sur place et bien sûr, il n’y a pas de ballet incessant d’hélico. Nous sommes un peu au bout du monde. Il n’y aura pas non plus d‘embouteillage sur les cordes fixes, car il n’y aura tout simplement pas de corde fixe et nous évoluerons en petites cordées de 2, comme dans les Alpes avec le même souci d’autonomie et d’économie de moyens…
Cette expédition du CAF de Chambéry, définitivement participative, est donc aux antipodes des idées reçues sur les expés himalayennes et les images véhiculées par les médias. Bien loin de « l’Himalayan Business » si bien décrit par François Carel.
Mais le sommet du mont Blanc, pardon du Panbari à 6930 m, est encore bien loin, avec 3 ou 4 camps d’altitude. Nous connaissons bien l’itinéraire, puisque c’est avec la même agence népalaise, Himalayan Travellers de Bishal Rai que nous avons ouvert cet accès à la montagne qui est devenu, depuis, la voie normale.
Du point de vue alpinistique, nous espérons être la deuxième expédition française à réussir le Panbari (après l’équipe de Jean Annequin) et peut être (certainement !) la première ascension féminine. Mais nous visons aussi des sommets vierges, le Peri Himal et le Nemjung Pass, encore plus loin. Ce col, qui n’a jamais été atteint, ni traversé, est la porte d’accès à Phu, une vallée himalayenne que nous connaissons bien, avec l’Himlung. C’est une traversée incroyable, inédite, dans le collimateur de quelques passionnés d’Himalaya. Une autre traversée nous intéresse, la Haute Route de Samdo. Jamais réalisée, elle nous permettrait de revenir dans la vallée aux 1800 rivières et à Samdo, par des sommets de traverse et un petit détour en territoire tibétain, plus exactement chinois. Bien sûr, sans passer par la case des geôles de Bejing.
Nous vous raconterons tout cela à notre retour…
Hé oui, il existe encore dans ce monde des espaces inconnus, inexplorés. Des « Blank on the map » ! Cet alpinisme d’exploration est une des motivations historiques de l’alpinisme, il peut encore se vivre aujourd’hui. Et ce regard neuf posé sur des territoires inconnus, ce « Voir au-delà du col » comme le raconte si bien Bernard Amy, est profondément inspirant.


Testeurs en haute altitude.
Depuis plusieurs années déjà, nous embarquons avec nous des tentes SAMAYA, des modèles déjà aboutis ou des protos en cours d’évolution.
C’est un travail passionnant avec Adrien Guillon et toute l’équipe R&D de Samaya, car les enjeux de légèreté et de solidité sont au cœur de nos besoins pour cette expédition. Nous sommes en progression continue, sans retour au camp de base et avec, par équipe, une seule tente que nous déplaçons au fur et à mesure de notre déplacement. Les modèles High Camp 3 & High Camp 4, ces fragiles « chez soi » sont notre unique base de vie et de survie, de plus en plus loin en haute altitude. Il nous faut en prendre soin, autant que pour nous même, et il faut qu’elles soient solides et agréables à vivre.
Et c’est un vrai challenge à tous les niveaux.

Une expédition scientifique ?
A notre retour, nous pourrons vous partager les premiers résultats d’une étude scientifique menée par l’IFREMMONT, sur la prévention du MAM avec la Magic Map dont nous serons l’une des équipes test.
C’est une action centrée sur la formation des guides népalais, avec une implication des participants/clients dans le déroulement du trek en altitude et un suivi quotidien de l’état de santé médical et psycho-social du groupe. Nous retrouvons ici la CSV et son Gribouillon, que certains connaissent et utilisent, adaptée aux treks et aux expéditions. L’enjeu est passionnant et concerne tous les trekkeurs en haute altitude, les groupes du CAF, les amateurs comme les groupes d’agences népalaises ou des TO français : comment aider les guides népalais à associer le groupe dans la gestion de leur sécurité, pour diminuer le nombre d’accidents lié à un environnement hypoxique ?
Nous verrons comment Kumari et Dipen, guide de trek ou d’expé d’Himalayan Travellers vont accueillir cette formation au quotidien, comment Maila (du village de Samchet) le petit nouveau de l’équipe va endosser cette fonction de Nepali leader avec la CSV trek.
Un sacré challenge…

A bientôt pour un nouveau « Retour d’expé » , à la mi Novembre.
Paulo Grobel, très heureux de repartir en altitude avec Isa