Corde fixe en expédition, un test de résistance édifiant !

Depuis très longtemps, je me posais la question sur la solidité des cordes statiques «coréenne» utilisées systématiquement durant les expéditions au Népal. J’ai donc ramené dans mes bagages un bout de cette corde pour la confier à Patrick Magnier (Direction Technique et Qualité, Responsable Tests Terrain chez PETZL), pour qu’il fasse de véritables essais de charge et de rupture.

La conclusion est édifiante.
Déjà simplement par le nom qu’il utilise pour qualifier cette corde.
Pour lui c’est une DRISSE !

Voici le compte rendu des tests.

«C’est un type de corde très sensible à l’usure même si elle est statique, car :

  • il n’y a pas de gaine pour protéger l’âme (on est directement sur des torons avec les poignées),
  • elle est de diamètre fin,
  • et en polypropylène.

Elle a la particularité de se mettre très rapidement à plat quand elle est en contact direct sur des arêtes de rocher . Donc, elle se fragilise et s’expose aux coupures, cisaillements et autres coups d’autant plus facilement.

Cette corde est aussi sans doute plus sensible à la coupure ou à l’arrachement avec les poignées dès qu’il y a le moindre petit facteur de chute.

Comportement aux UV, au froid?
Je n’ai pas de réponse pour le moment.

drisse_2

Au niveau des tests:
Voir les deux courbes sur le tableau.

 

1…, Avec la poignée, rupture de deux brins en traction lente à  3,4 Kn ( en comparaison, rupture de la gaine à 6 Kn sur une corde statique de 8 mm).
La corde continue à glisser dans la poignée qui ne peut plus bloquer, c’est l’effet chaussette qui se crée à l’entrée avec les torons cassés qui empêche la corde de filer complètement. Mais elle n’est plus bloquée par la poignée!

2…, Traction lente entre deux noeuds sur 50 cm (simple queue de vache et double queue de vache).

Rupture de deux torons sur trois à 6,3 Kn (en comparaison, rupture de la gaine à 12 Kn sur une corde statique de même diamètre).
Cela s’est produit au niveau de la queue de vache simple qui a arrêté de s’étirer avant la double.

 

On peut donc déjà dire qu’en gros, ce type de drisse est deux fois moins solide qu’une vraie corde statique de même diamètre. 
Elle est beaucoup plus fragile à l’abrasion, car non protégée par une gaine qui évite les frottements directs et permet à la corde de garder sa forme.

Mais, à priori, tant qu’on est dans des pentes de neige, cela reste acceptable, à condition de très régulièrement vérifier l’état des drisses. Par contre, dans des passages rocheux, en terrain mixte, et raide, c’est une autre histoire et on arrive vite à la limite du raisonnable.

Nous allons faire un test de chute sur poignée avec un tout petit facteur de chute (du style le grimpeur qui ripe des pieds dans une partie raide sur ce type de corde fixe en étant un peu détendu sur sa longe, ce qui est assez classique). A mon avis c’est là que l’on risque d’avoir les plus mauvaises valeurs en comparaison avec une vraie corde qui a une couverture de protection…»

La suite donc très bientôt…
Et merci infiniment à Patrick et à Petzl pour ces éclaircissements.

Il faut se rappeler que ce type de corde est utilisé systématiquement au Népal,
car c’est la moins chère !

Et voici la suite des tests, ça fait froid dans le dos !

«Voilà ce que nous avons observé pour cette situation précise:

 

Un petit facteur de chute (0,3) sur une masse de 80 kg reliée à une poignée d’ascension par une sangle (statique) de 30 cm. Soit 10 cm de chute.
Cela équivaut également à 20 cm de chute avec une sangle de 60 cm.

Et bien cela ne tient tout simplement pas… 
Deux torons cassent instantanément sous le choc, puis la poignée glisse le long du seul toron qui reste intact. 

L’effet chaussette créé par les deux torons éclatés finit par bloquer la poignée, ce qui entraîne la rupture du dernier toron…,  qui devait bien serrer les fesses en voyant les deux autres décapités !

Bref, ce n’est pas un résultat très encourageant, même si cette situation est un peu extrême en laboratoire et ne correspond pas parfaitement avec la réalité:
pas d’absorption d’énergie comme cela arrive avec une masse molle (le grimpeur),
et chute libre, ce qui est peu probable dans une pente de neige (mais pas impossible dans un petit passage de ressaut rocheux un peu raide).
Mais, il faudrait aussi intégrer le vieillissement de la corde si celle-ci est déjà en place depuis un certain temps, son usure après le passage de plusieurs grimpeur.

Et, si on rajoute le ou les autres grimpeurs qui suivent, reliés de la même façon à la même portion de corde, avec les méninges un peu en vrac et les poumons épuisés, on imagine rapidement ce que cela peut provoquer !»

Il est tout simplement surprenant qu’il n’y ai pas plus d’accidents à cause de ces drisses.

Cette étude est aussi un argument de plus pour promouvoir l’augmentation de compétence des acteurs locaux népalais (High Altitude Worker et guide de haute montagne UIAGM ou «de facto») en particulier grâce aux formation de la NMA, de la NNMGA et de Petzl ou Salewa. 
Ou plus radicalement, en privilégiant une pratique de l’Himalaya encordé, comme dans les Alpes… Et en utilisant le moins possible de cordes fixes.

 

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