UIAGM

Avec qui partir en expédition au Népal ?

Voici la suite de la page dédiée aux expéditions proposées en France pour l’année 2017 et une réflexion sur la réalité actuelle des guides UIAGM népalais.

Pourquoi est-il aujourd’hui important d’observer et de comprendre les réalités particulières des expéditions himalayennes au Népal ?
Tout simplement parce que nous sommes dans une période charnière avec des évolutions très rapides, avec de plus en plus d’acteurs népalais qui organisent des expéditions et très peu d’offres françaises.

Choisir le bon sommet ?

Pas facile…
Le nom du sommet et la période sont bien-sûr les premiers critères de recherche.
Mais malheureusement les propositions en France sont actuellement très réduites et le deviendront de plus en plus, donnant ainsi de la place aux acteurs népalais présent sur le web, soit francophone soit en anglais.

Pour bien comprendre les différentes propositions et pouvoir les comparer, je vous invite à étudier la partie technique d’une ascension (et non pas uniquement le tarif ou la durée) :

  • La manière dont est formulée la difficulté technique.

  • Les moyens utilisés, en particulier corde fixe et oxygène

  • Les modalités d’encadrement (combien de personnes par guide et combien de porteurs d’altitude).

  • La taille du groupe, mini et maxi.

  • Les compétences de l’encadrement (guide occidental ou népalais, diplômé UIAGM ou non, parlant français ou non).

  • Le style d’ascension : progression classique ou progression continue.

Attention, les prises de position et remarques de cet article mériteraient d’être encore plus argumentées et discutées. Mais surtout, elles sont datées (2017) car tout évolue très vite au Népal et en Europe du côté des TO et des agences !


1… Je pense qu’il n’est pas pertinent (raisonnable) d’utiliser les services d’une agence népalaise si c’est votre première expérience himalayenne ou un premier 7000.

 À moins que cette agence ne vous garantisse l’encadrement par un guide de haute montagne népalais diplômé UIAGM.

La difficulté résidera toujours dans les compétences de l’encadrement népalais et dans la tendance de ces agences à embaucher des «guides de fait» non diplômés, avec les problèmes habituels d’écart culturel et de communication. Mais aussi dans le flou qu’elles entretiennent sur les diplômes et les compétences des personnes embauchées.
Aujourd’hui, les guides népalais diplômés UIAGM ne sont pas assez nombreux au Népal pour peser véritablement dans les instances gouvernementales. Pour nous occidentaux, il est donc nécessaire d’orienter le sens de l’histoire et de soutenir l’émergence d’une profession qualifiée aux standards européens et internationaux.

Pour les « guides de fait »… qui sont actuellement les plus nombreux et les plus actifs.
Il me semble nécessaire de les intégrer dans les équipes d’encadrement, mais en toute transparence et avec des taches, un statut et un salaire adéquat.
Les difficultés actuelles, les conflits vont d’abord s’accroître puis se diluer… C’est simplement une question de temps, pour une ou deux générations. Souvenez-vous de ce qui s’est passer dans les Alpes et à Chamonix au début des compagnies de guides (voir le beau livre de Mario Colonel).

1bis… Par contre, pour un petit sommet (- de 6500 m) il vous faudra absolument vérifier les compétences du guide non diplômé népalais, embauché par l’agence. 

Je sais que ce ne sera pas facile !

Mais il faudrait au moins demander les stages de formation effectués avec au minimum le Basic Mountaineering Course de la NMA. Les népalais ont tous des certificats officiels pour les formations réalisées.
Le mieux serait aussi l’Advanced Course. Ce sont deux stages de formation organisés de longue date au Népal et qui sont aussi les pré-requis pour se présenter à l’examen d’entrée du stage d’aspirant guide UIAGM. C’est la sécurité du groupe et la qualité de votre expédition qui sont en jeu et…, la confiance n’empêche pas le contrôle !

La montée en visibilité des agences népalaises francophones (voir de dernier MM n°446 avec le Pokarkang de Tribeni) est particulièrement intéressante et préfigure ce qui va se passer les prochaines années.
Et nécessitera pour l’année 2018, une étude précise et comparative des propositions d’expédition organisées par les agences népalaises.

2…, L’encadrement par un guide diplômé UIAGM népalais est forcément
« une bonne chose.» 

C’est le sens de l’histoire…, tout simplement.

Il faut juste se rappeler que d’être allé sur un grand sommet, même en étant summiter de l’Everest, ne signifie pas avoir les compétences d’un guide de haute montagne avec nos standards occidentaux. Même si c’est ce que distille les agences occidentales ou népalaises dans leurs publicités.

La mise en place d’une formation de guide UIAGM au Népal, pour des népalais et encadrés par des guides UIAGM népalais est donc une très bonne chose.

La réalité économique est très présente dans l’organisation d’une expédition et forcément influe sur les choix d’encadrement (taille du groupe, cordées autonomes, nombre de guide, corde fixe etc)
On peut imaginer que les agences népalaises vont jouer le même rôle que les TO français.
Le bilan chez nous d’une commercialisation concurrentielle ne me semble pas très positif pour la profession de guide de haute montagne ou d’accompagnateur (ni pour les clients ni pour les territoires).
Mais c’est un autre sujet à la fois très sensible et complexe.

3… Les guides UIAGM au Népal.
Tout va trop vite !

Quand j’observe la réalité de ce qui se passe sur le terrain, même et surtout pour les «petits sommets» (Mera, Island Peak… ) il me semble que nous (les guides internationaux UIAGM, avec nos instances) n’avons pas été capables d’accompagner convenablement l’évolution de nos collègues guides népalais.
Quand je vois le temps et l’énergie nécessaires pour expliquer les valeurs et les « bonnes » pratiques (techniques, comportementales ou environnementales) aux jeunes guides népalais avec qui je travaille régulièrement, je pense qu’il faudra encore du temps mais aussi une réelle collaboration bienveillante de tous (guides agences, clients, ministères).

Mais, l’évolution est en marche, il n’y aura bientôt plus de guides occidentaux travaillant au Népal.
Avec mes 4 ou 5 expéditions chaque année au Népal, serais-je le dernier dinosaure ?

Du côté des clients…
Je ne peux que suggérer à tous les participants d’une expédition encadrée d’être le plus possible « à l’aise» tant techniquement, physiquement, mais aussi mentalement. Et de choisir la «bonne» montagne, même au prix d’un renoncement à un sommet plus valorisant.
Cette réflexion est également valable pour les alpinistes amateurs qui n’utilisent pas de guide mais qui sont quand mêmes des clients des agences.

Pour l’élaboration d’une cotation spécifique Himalaya.
C’est d’ailleurs le sujet d’un article paru récemment dans Montagnes Magazine.
L’absence de topo fiable et de cotations techniques UIAA spécifique Himalaya pour la voie d’ascension ne facilitent pas le choix du sommet adéquat. Les croyances largement répandues incitent souvent à diminuer/nier les difficultés d’une ascension. L’exemple le plus caricatural étant l’Island Peak, une ascension cotée D- et vendue majoritairement à des randonneurs par les TO français.

Ce nouveau système de cotations est aussi la porte d’entrée pour un véritable débat sur les usages professionnels et les « normes » d’encadrement au Népal.

  • Combien de personnes sur une corde avec un guide ?

  • Combien de cordées avec un guide ?

  • Le salaire journalier d’un guide ? D’un aspirant guide ?

4… Les guides de haute montagne népalais UIAGM.

Bien évidemment, la légitimité des Népalais à travailler comme guide de haute montagne au Népal et à encadrer de manière autonome une ascension (sur quelques montagnes que ce soit) n’est même pas en débat.

Les accompagner sur ce chemin est, de mon point de vue, une obligation et même une mission inscrite dans nos obligations déontologiques de guide de haute montagne UIAGM. 

Mais pour cela il faut du temps…, de la persévérance et beaucoup d’énergie de la part de tous les acteurs.
Même si au Népal la situation est très complexe avec les agences et le gouvernement, même si les pratiques commerciales sur les grands sommets brouillent les réalités, j’aimerais croire aux vertus d’une collaboration bienveillante entre guides UIAGM népalais et occidentaux pour une valorisation de notre métier de guide de haute montagne, pour à la fois ;
faciliter l’accès à la profession pour les jeunes,
maintenir un standard de qualité pour la formation initiale
et construire des usages professionnels pertinents.

Bref, pour pérenniser une qualité professionnelle maintenant reconnue internationalement.

La prochaine assemblée générales des guides de UIAGM du monde entier à Kathmandu cet automne devrait donner encore plus de poids à la reconnaissance des Guides de Haute Montagne népalais UIAGM dans leur pays.

Paulo Grobel
Guide de haute montagne UIAGM
Le 19 Août 2017 à La Grave

4 réflexions sur “Avec qui partir en expédition au Népal ?”

  1. « Cette réflexion est également valable pour les alpinistes amateurs qui n’utilisent pas de guide mais qui sont quand mêmes des clients des agences. »

    Bonjour Mr Grobel
    Je me permet de vous citer ainsi dans l’espoir d’avoir une réponse à une de mes nombreuses questions : est-il donc possible d’un point de vue légal/administratif de se lancer dans l’ascension d’un 6000 ou d’un 7000 au népal en tant que groupe d’alpiniste amateur sans faire appel à un guide et/ou porteur au népal?
    Et de manière général quelles sont les obligations non négociable pour être autoriser à gravir des 6000 et 7000 au népal pour un groupe d’alpiniste amateur?

    Je me dirige vers vous car j’ai du mal à trouver ces réponses sur les forums classique. Les avis semblant multiples et contradictoires à ce sujet.

    Merci d’avance

    Pierre

    1. paulo.grobel@orange.fr

      Namasté Pierre
      Et d’emblée merci de cette question très précise et particulièrement intéressante.
      J’y répond avec d’autant plus de plaisir qu’elle interroge mes deux casquettes. Le Paulochon qui encadre (et vit) des expés au Népal et le Paulochon qui gère une agence népalaise pour justement organiser ces expéditions un peu partout au Népal.

      Quelles sont les obligations non négociable pour organiser une expé au Népal ?
      La première est très simple et d’elle va découler toutes les autres.

      1…, Avoir un permis d’ascension, délivré par le ministère du tourisme.
      Et, pour cela, il faut.

      A : Choisir un sommet dument autorisé et répertorié dans la liste officielle du ministère. Mais aussi être attentif à la « caravane route » associé au sommet pour ne pas avoir de surprise (et d’impossibilité pour avoir ce permit).

      B : S’adresser à une agence compétente dans le domaine des expéditions.
      Une remarque… Un agence qui ne fait que du trek n’est pas forcément compétente dans ce style de job (même si c’est l’ami d’un ami).
      C’est elle qui va faire toutes les démarches nécessaire.
      Il lui faut des documents précis (Biodata, certificat médical, photocopie du passeport et photo de chaque participant). + Photo du sommet et déroulement précis (day by day)
      Et bien sûr des $, pour régler, en avance, le montant des royalties, l’assurance et le dépôt de garanti pour la bonne gestion des poubelle (refundable).
      Elle devrait également prendre (et justifier) d’une assurance pour l’ensemble des employés en dessous et au-dessus du camp de base.
      La composition de cette équipe est à décider avec le chef d’agence. Elle peut être minima. Par exemple, uniquement un sirdar qui ne dépasse pas le camp de base.
      Pour les sommets supérieur à 6500 m, la présence d’un officier de liaison est obligatoire.

      C : pour les « restricted area », l’agence devra faire les démarches auprès de l’immigration pour obtenir les permis indispensables. Pour cela, l’agence a besoin des passeports avec les visas d’entrée, il faut donc prévoir une journée à Kathmandu (sans compter samedi et fêtes religieuses).
      Les expés sont dispensées de TIMS mais doivent s’acquitter des droits d’entrée dans les parcs nationaux ou l’ACA.

      D : ces démarches demandes un peu de temps. A minima 15 jours avant de débarquer à Kathmandu. Plus c’est mieux.

      Au sujet des porteurs (ou des mules)…
      Je ne voit pas très bien comment se passer de soutien pour le portage de nos affaires d’expé (même limité au max). Même dans des régions hyper simple avec des lodges à tous les coins de rue, par exemple le Khumbu ou les Annapurna. Mais ce n’est pas une contrainte, juste un budget.

      Conclusion. Il est parfaitement possible d’organiser une expé minimaliste avec aucune main-d’oeuvre au delà du camp de base.
      Il lui suffit de respecter les règles énoncées ci-dessus.
      Et le plus important reste la relation directe avec le chef d’agence à qui tu vas expliquer ton projet et définir tes besoins précis et donc le coût de cette prestation.

      Qu’en penses tu ?
      Est-ce suffisamment précis ?
      Et juste pour avoir une idée plus concrète de votre projet, vous voulez aller où ?

      Je reste bien sûr à ta disposition si tu as besoin de complément d’information, ou si tu as d’autres questions. N‘hésites surtout pas.

      Salutations himalayennes
      Paulo_en partance pour Wellington

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